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Montréal, 14 septembre 2002 / No 109 |
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par
Hervé Duray
Les États-Unis sont, dans l'optique de beaucoup de libéraux, les champions de la liberté. Ils sont très prospères, c'est un fait. Année après année, l'écart se creuse entre les Américains du Nord et les Européens: les croissances asymétriques des vingt dernières années ont eu pour résultat un différentiel de 30% au moins, alors qu'il existait déjà un écart initial. Cela s'explique facilement. Les États-Unis sont plus libres que n'importe quel pays de l'Union Européenne, selon l'Institut Fraser qui publie chaque année son classement de la liberté économique. |
Sur
une pente glissante
Il faut toutefois tempérer cette vision angélique des États-Unis. Pourquoi? Parce que le gouvernement américain suit une pente glissante: celle des déficits et des budgets sans cesse revus à la hausse. Malgré les promesses du président George W. Bush, auxquels certains libéraux ont accordé du crédit (et je plaide coupable ici) l'État fédéral continue d'absorber des sommes considérables en taxes diverses. Comme en Europe, il existe des niveaux successifs d'administration auxquelles il faut faire allégeance, en versant une taxe: ville, comté, État local, État fédéral. Et pas question d'impôts forfaitaires ou même de « flat tax » proportionnelle: l'impôt sur le revenu est progressif. Il a d'ailleurs été institué en 1917, trois ans après son apparition en France, pour les mêmes raisons: soutenir l'effort de guerre(1). Il y a bien sûr une pléthore de taxes sur le tabac, l'essence, l'alcool, des TVA (sales tax), bref tout l'arsenal de la tyrannie fiscale. Ce qui fait Il ne faut pas non plus oublier le désastre latent des retraites, car il existe là-bas aussi un régime par répartition, obligatoire. Et vous croyiez naïvement que les retraités américains ne dépendaient que de Wall Street? D'ailleurs, c'est pareil pour le système de santé: Medicare et Medicaid, sortes de Comme en France: santé, éducation, retraite, rien ne lui échappe Contrairement aux croyances absurdes véhiculées en France, l'enseignement n'est privé qu'à partir de l'université, et seulement en partie. Il en résulte la même déroute qu'en France: enfants illettrés, scores en maths très faibles... Récemment, avec les commémorations du 11 septembre, la National Education Association, syndicat des professeurs américains, a proposé des activités commémoratives. Aucune n'était consacrée à l'analyse. Toutes étaient tournées vers l'expression de sentiments. C'est typique de l'enseignement américain: abolition de la raison, remplacée par l'émotion. Le politiquement correct dans les écoles publiques de ce pays fait des ravages aussi. Chaque élève étant égal à l'autre, des parents font des procès pour des En conséquence, l'enseignement à la maison se développe, à grande échelle: 4 millions d'enfants échapperaient à l'école publique. Mais attention, l'école est obligatoire! Et si des parents veulent enseigner à leurs enfants, il leur faut remplir des paperasseries et... avoir des diplômes reconnaissant leur capacité à le faire!(3) En Californie, et certainement dans d'autres États bientôt, des parents se retrouvent donc sous l'épée de Damoclès d'actions en justice de la part de bureaucrates qui
Par ailleurs, les écolos ont envahi les ministères sous Clinton, et avec eux des projets plus ou moins farfelus comme celui nommé CERP, le Comprehensive Everglades Restoration Plan. Ce plan consiste à rétablir l'état original, Ce projet n'a pas été le seul mis de l'avant: si les recommandations sont suivies à l'échelle du pays, ce sont pas moins de 80% du territoire qui passerait sous mandat fédéral. Vous appelleriez ça une terre de liberté vous? Et n'allez pas croire que parce que Bush est au pouvoir les écolos ont perdu leurs postes dans les ministères... Le 11 septembre a accéléré le mouvement Mais depuis il y a eu plus grave: le 11 septembre. Le premier ennemi n'est pas Al-Qaeda ou Saddam Hussein, c'est nous. Nous? Oui, nos gouvernements, qui vont tout faire pour restreindre les libertés, étendre leurs pouvoirs, leurs budgets. Bush disait le 12 septembre 2001: Commençons par mentionner le budget militaire: 400 milliards de dollars(4). Trente-six pour cent des dépenses militaires mondiales. En augmentation de plus de 10% en une seule année, soit plus de 40 milliards en 2002. Le terrorisme a ses bons côtés pour les fournisseurs du Pentagone! Par ailleurs, les agences de sécurité intérieure ont été regroupées dans un seul ministère de la Sécurité intérieure, avec une enveloppe de 30 milliards de dollars en plus. Ne pas oublier non plus la Bush a donc fait reculer le marché en embauchant à peu près Il y a eu aussi le USA Patriot Act(5), un si joli nom pour un texte aux relents orwelliens: droit d'écouter des conversations sans mandat, de lire les e-mails, etc. Et puis aussi un retour sur le droit de chacun à pratiquer un culte, puisque désormais des policiers pourront Exit le Depuis le 11 septembre, il y a aussi eu les détentions arbitraires, sans charges, sans preuves, sans procès, sans avocats, sans jurys... Où est le Encore mieux, un Américain, arrêté sur sol américain par des policiers américains, a été remis aux autorités militaires et déclaré J'ai cependant gardé le meilleur pour la fin. Les États-Unis ont deux lois permettant à l'exécutif de prendre totalement en charge le pays, sans considération des pouvoirs législatifs et judiciaires. Oui, je parle bien de loi martiale. Il y a d'abord l'Executive Order #12919, signé par Clinton en 1994, qui rassemble des décrets divers d'autres présidents. L'un d'eux permet de révoquer le droit d'émettre de toute station télé ou radio. Un autre permet de saisir tout Vous pensez en avoir assez? Allez, juste une petite dernière. Après l'histoire des lettres à l'anthrax, le Center for Disease Control a préparé un modèle de loi pour les États(7). Cette loi, en cas d'urgence de santé publique, permet à peu près les mêmes exactions que l'Executive Order de Clinton. Sans contrôle judiciaire aucun. Sur un simple trait de plume d'un gouverneur ou du président. Avec tout ça, certains vont me prendre pour un
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