Cet été avait lieu l'élection du nouveau président
de la CADEUL – la Confédération des associations d'étudiant(e)s
de l'Université Laval – sur le thème de la soumission de
l'économique au politique. La campagne des dirigeants de nos associations
visait, entre autre, à dénoncer sur tous les toits l'ajout
par l'Université, « sans la permission des étudiants
», de frais supplémentaires de 90 $ par
session, ce qui, selon leurs dires, éliminerait l'équivalent
de 350 étudiants à temps plein. Cela me fait rire. En effet,
celui qui reculerait devant le paiement de quelques centaines de dollars
supplémentaires pour sa formation se verrait privé par la
suite de milliers de dollars de revenus par année dans sa vie professionnelle.
De plus, certaines études tendraient à prouver que la gratuité
universitaire ne serait pas une panacée, puisque les taux moyens
d'obtention de diplômes sont plus faibles là où l'université
est gratuite.
Il est cependant vrai que cela peut faire reculer un étudiant dans
des domaines où le taux de chômage frise les 100%, mais ce
ne sera peut-être qu'un mal pour un bien: peut-être que nous
pourrions utiliser ces sommes pour former des gens dans des domaines où
ils pourront travailler, plutôt que de se retrouver sur l'aide sociale.
En plus, ces dernières années ont vu l'éclosion d'autres
frais par la création de dizaines d'associations aux missions plus
ou moins bidon, et qui viennent prendre dans la poche des étudiants
des dizaines de dollars à chaque session. Dans mon cas, 7 ou 8 associations
dont je suis membre d'office viennent me prendre autour de 50 $
par session, alors que voici trois ans, ce n'était que 7,50
$. Combien de centaines de « pauvres étudiants
» sont privés d'études universitaires par ces
nids de futurs politicards et « cheufs syndicaleux
»? Le sabordage volontaire de ces associations, dont les débats
ne sont suivis et appuyés que par un étudiant sur 1000 environ,
m'apparaîtrait déjà un bon début pour réduire
les frais.
Gratuit
et non performant
Ce que nos chers gauchistes militants voudraient, c'est que la gratuité
soit établie aussi à l'université – ce qui représente
une somme de 70 millions $ pour Laval seulement – et que,
par la suite, peu importe les demandes et comportements des uns et des
autres, le financement soit assuré par le gouvernement du Québec,
sans aucune restriction ni condition. Ils voudraient bien aussi que nos
universités soient soustraites aux « infamants »
contrats de performances, qui exigent des universités qu'elles produisent
un plus grand nombre de diplômés à partir des élèves
qui lui sont confiés.
Bien que la critique voulant que cela nivelle la qualité de la formation
à la baisse soit a priori séduisante, elle est boiteuse sur
plusieurs points. Je n'en mentionnerai ici que trois.
Premièrement, les différentes associations professionnelles
surveillent de très près le niveau de connaissances transmises.
Deuxièmement, c'est en grande partie l'étudiant lui-même
qui assure sa formation en étudiant, bien plus que les enseignants.
En effet, c'est l'étude personnelle et le travail constant de l'étudiant
qui font en sorte d'augmenter le savoir. Enfin, la gauche crie tellement
à la catastrophe sur tout qu'on se demande si c'est bien sérieux.
Broché avec les demandes relatives à la gratuité,
on comprend bien vite que les deux dossiers n'en font qu'un, et ne sont
que deux ingrédients de la recette de ragoût économique
à la sauce go-gauche, soit hors de l'État, point de salut.
L'« indépendance » de nos universités
est un très beau sophisme, vraiment. L'université est constituée
de gens issus de la société, et qui y retourneront tôt
ou tard. Elle est aussi constituée de gens avec des intérêts,
comme ces profs de Laval qui ont sacrifié l'automne dernier la diminution
du ratio d'étudiants par enseignant pour se payer une meilleure
retraite, qui s'en vient à grands pas pour bon nombre d'entre eux.
Si l'on ajoute à cela le nombre de profs et de représentants
d'associations qui sont membres de partis politiques, l'indépendance
en prend encore plus pour son rhume.
« Certaines études tendraient à prouver que la gratuité
universitaire ne serait pas une panacée, puisque les taux moyens
d'obtention de diplômes sont plus faibles là où l'université
est gratuite. » |
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Ensuite, parce que la quasi-totalité du financement de l'université
est assuré par les taxes prélevées sur les revenus
des citoyens, elle est imputable, et non « indépendante
». Sa mission est certes de former des citoyens aptes à
réfléchir sur certains sujets donnés, mais surtout
capables d'être actifs et de faire réellement progresser certaines
réalités. Je veux bien croire qu'un étudiant de maîtrise
ou de doctorat considère que son champ d'étude soit essentiel
et utile, mais cela aura-t-il une influence quelconque en dehors de séminaires
vaseux portant sur des sujets excentriques, voire quasi-ésotériques?
Recherche
fondamentale vs recherche appliquée
Un des aspects qui semblent le plus sacrilèges pour certains de
nos plus virulents tribuns demeure le financement des activités
de recherche par les entreprises privées. C'est monnaie courante
pour les professeurs de la Faculté des sciences et génie,
de même qu'à celle des sciences de l'administration, de faire
des rapports, de la recherche ou des conférences pour l'entreprise
privée. L'argumentaire veut que cela détourne la recherche
« fondamentale » de son but le plus noble, soit
la recherche pour la recherche, vers un but bassement matérialiste.
Je n'ai rien contre la recherche « fondamentale »,
mais la recherche appliquée a son utilité, notamment parce
que c'est bien plus grâce à elle que l'on obtient tous les
objets qui nous entourent.
Avec la célèbre équation F=ma (la force appliquée
sur un corps est égale à sa masse multipliée par son
accélération), je peux difficilement obtenir quelque chose
de concret. Cependant, ses multiples applications me donnent moyens de
transports, robots, structures et j'en passe. La recherche appliquée
a des champs beaucoup plus vastes à explorer que la recherche fondamentale:
c'est difficile à digérer pour certains, mais c'est ainsi.
Tant qu'à y être, qu'en est-il des études financées
par l'État pour « justifier » telle ou
telle politique? Et des programmes financés par les syndicats, groupes
de femmes, et autres groupes de pression de gauche? Sont-ils moins «
condamnables » parce qu'ils proviennent de demandes du «
peuple » ou de « représentants du
peuple »? (Qu'est-ce que le peuple d'ailleurs? Je considère
tout au plus que les groupes de pression parlent pour leurs membres, quand
ils ne sont pas conscrits d'office, comme dans le cas des syndicats et
des associations étudiantes. Ce qui rend passablement prétentieux
ceux qui disent parler « au nom du peuple »,
ou « pour la majorité silencieuse ».
Les gens peuvent très bien parler pour eux-mêmes.) Bref, l'honnêteté
intellectuelle exigerait que l'on applique la même grille d'analyse
aux intérêts corporatistes de gauche qu'à ceux de droite....
Vous direz peut-être que ce point de vue me vient de ma formation
d'ingénieur, mais tant pis. Je trouverais anormal que mes enseignants
ne fassent aucun contrat pour l'industrie, parce que cela voudrait surtout
dire que leur savoir n'est que théorique, et non ancré profondément
dans la réalité. Déjà que l'on se fait dire
par les employeurs potentiels que « de toute façon,
lorsqu'un étudiant ingénieur sort de l'université,
l'industrie qui l'embauche doit reprendre pratiquement de zéro sa
formation », il ne faudrait pas en plus que nos enseignants,
faute de bien connaître ce qui se passe dans l'industrie, nous rendent
dogmatiques. Car le milieu universitaire demeure un lieu protégé,
où les cas théoriques peuvent êtres disséqués
à l'infini.
Malheureusement, nous n'avons que 3 ou 4 ans pour faire un tour d'horizon
de notre profession, et nous y préparer le mieux possible. C'est
à la fois beaucoup et peu. Dans mon cas, je prends chaque année
dans les 3 000 pages de notes, et je lis encore 4 ou 5
000 autres pages de bouquins traitant de sujets à l'étude:
c'est beaucoup. Cependant, quand un de mes enseignants avoue devant la
classe qu'après 25 ans de carrière à calculer des
engrenages, il n'a touché qu'une (petite) partie seulement de ce
qui se fait dans ce domaine, je me dis que 4 ans, c'est diablement peu.
Il faut donc cultiver une bonne dose d'humilité, ce que le milieu
universitaire est loin de professer, règle générale.
La théorie, c'est bien beau, mais il faut que cela demeure connecté
à la réalité, sinon, c'est inutilisable par la personne
elle-même et n'a aucune utilité pour la société.
Et comme la quasi-totalité des gens auront à faire face à
la réalité, et non pas devenir des pelleteux de nuages comme
les fonctionnaires, profs d'université ou politicards, l'«
indépendance » de l'université n'est qu'un mythe.
Même si, pour certains, faire la différence entre leurs conceptions
fumeuses et la réalité est impossible.
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