Montréal, 28 septembre 2002  /  No 110  
 
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André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.
 
ÉTHIQUE LIBERTARIENNE
 
L'ILLÉGITIMITÉ DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE
 
par André Dorais
  
 
          Il est naturel à l'homme de justifier ses gestes les plus importants par des raisons d'ordre moral, car ils ont des conséquences sur les autres. Il en est ainsi de la social-démocratie, les hommes la justifient par des raisons qu'ils considèrent justes. Le problème est que les raisons évoquées n'ont de morale que le nom. Les concepts les plus utilisés pour tenter d'y donner une légitimité sont ceux de solidarité, de redistribution et de justice sociale.
 
          Tels qu'employés par les sociaux-démocrates ces concepts reviennent à la même prétention, soit qu'il est juste, selon eux, que les « contribuables » paient pour l'établissement du Bien. Le bien de l'un devient ainsi le bien commun. Ils définissent ce Bien (bien commun) de manière extensive selon l'argent et les propriétés qu'ils ont pu nous soutirer. Il inclut, entre autres, l'aide et le logement social, l'« assurance » maladie, l'« assurance » emploi, les subventions, le salaire minimum, etc.  
  
          Prenez n'importe quel dictionnaire et cherchez la définition de la solidarité et immanquablement vous retiendrez deux choses: il s'agit, d'une part, d'un geste pour aider un ou plusieurs individus, d'autre part, d'un geste volontaire. Lorsque nous sommes forcés à faire le Bien nous dénaturons non seulement la définition de la solidarité, mais son geste. Une solidarité forcée n'est pas de la solidarité. On utilise ce mot car il a une connotation morale. Cela sert à endormir certaines gens. 
  
          De même, dans les médias populaires on qualifie de progressif un gouvernement qui établit des programmes sociaux ou qui augmente le salaire minimum. Or, la seule chose qui progresse est la plus grande « contribution » des payeurs de taxes. N'est pas « progressif » celui qui nous force à manger du « social » et n'est pas « moral » celui qui se montre généreux avec l'argent qu'il nous soutire. Le geste qui accompagne le premier est imposé, alors que celui qui accompagne le second est volontaire. 
  
          Lorsque les mots sont ainsi pervertis il faut se poser la question: Dans quel but? Est-ce par ignorance ou pour essayer de tromper les gens? Lorsqu'une action injuste est posée une fois il est facile de pardonner en invoquant l'ignorance, mais lorsque cette même action est répétée à plusieurs reprises, lorsqu'elle est systématisée, l'ignorance ne peut servir d'excuse. L'on trompe les gens pour qu'ils ne se rendent pas compte qu'il s'agit véritablement de vol, de peur d'une révolte qui serait tout à fait légitime. 
  
          Ne vous méprenez pas, ce n'est pas le qualificatif qui est gros, mais le geste posé. Il y a vol lorsqu'un bien appartenant à un individu lui est soutiré sans sa permission et sans l'intention de le remettre. Lui remettre le bien plus tard ou sous une autre forme n'en constitue pas moins un vol. Il y a fraude lorsqu'on soutire un bien à un individu en le trompant. Or, n'est-ce pas ce que l'on fait lorsqu'on tente de nous faire croire qu'il s'agit de solidarité et de justice sociale? 
  
          Personne ne sonne à votre porte pour vous demander si vous voulez contribuer et on n'a même pas la décence de vous demander la permission par téléphone. Certains prétendent qu'il ne faut pas faire un plat d'une « contribution » aussi minime. Encore une fois, cela passe outre la justification pour se concentrer sur ce qui est fait de l'argent soutiré. Remarquez que jusqu'à présent le mot « contribution » a été placé entre guillemets, car bien utilisé il implique un geste volontaire. Or, qui paie volontairement ses taxes? À force de chercher une justification, on finit par se rabattre sur la démocratie. 
  
La démocratie 
  
          L'utilisation de la démocratie, de nos jours, est presque exclusivement au service du socialisme. Nous sommes appelés à voter pour des programmes sociaux. Un parti propose d'en créer de nouveaux, un autre de les améliorer, de les sauvegarder ou, plus rarement, d'en éliminer quelques-uns pour mieux se concentrer sur les autres. Peu de débats portent sur qui paiera, sur combien cela coûtera et encore moins sur la légitimité du processus qui les établit. 
  
          Toutes les morales du monde interdisent de voler. Un parti politique qui mentionne clairement qu'il financera ses projets en pigeant dans les poches d'individus qui n'y souscrivent d'aucune manière fait non seulement de la discrimination, mais un vol. Qu'une majorité élue démocratiquement décide de s'offrir des programmes sociaux sur le dos d'une minorité n'en constitue pas moins un vol. Un vote majoritaire ne fait pas du vol une vertu. La démocratie n'est pas de l'ordre de la morale, elle se trouve plus bas dans l'échelle des valeurs. 
  
          Nous ne devrions pas soumettre à un vote ce qui appartient à l'individu. Ainsi, nous aurions beaucoup moins de raisons de voter et nous cesserions de nous voler mutuellement. Pensez-y comme il faut, peu importe pourquoi vous votez aux élections, d'autres que vous ou avec vous paieront la note. La majorité, qui peut être d'un pourcentage infime par rapport à l'ensemble de la population, pourra tant bien que mal établir ses programmes et faire payer tout le monde ou un groupe ciblé. Cela est certes démocratique, mais est-ce juste? Lorsque vous faites vos courses et remplissez votre panier, demandez-vous au voisin en arrivant à la caisse de payer pour vous? Pourquoi alors est-il considéré juste de faire payer ceux qui n'ont jamais demandé ce pourquoi tous étaient appelés à voter? 
  
     « Toutes les morales du monde interdisent de voler. Un parti politique qui mentionne clairement qu'il financera ses projets en pigeant dans les poches d'individus qui n'y souscrivent d'aucune manière fait non seulement de la discrimination, mais un vol. »
 
          Justifier ce geste par la majorité équivaut à faire appel à la force et non à la raison. La force est ce sur quoi se base la social-démocratie. Les gens jouent à la démocratie, parfois ils gagnent, parfois ils perdent. Le problème est que c'est un jeu où les gagnants font payer tout le monde y compris ceux qui n'y participent pas. Cela est légal, mais immoral. 
  
          Les adultes qui ne votent pas ne demandent rien et pourtant ils vont payer pour le choix des autres. Voici quelques-uns des arguments avancés pour justifier que ce groupe d'individus n'est pas volé et la raison de l'invalidité de ces arguments: 
    1. « Ils en profitent, alors ils doivent payer. »
          Un individu qui asperge ses murs extérieurs d'insecticides en fait probablement profiter son voisin, mais à moins d'être insolent il ne lui demandera pas de le dédommager a posteriori. Les monopoles et quasi-monopoles publics des systèmes de santé et d'éducation ne laissent guère le choix aux individus d'aller ailleurs. De sorte que dire qu'ils en profitent est une imposture. 
    2. « Tant pis pour eux, ils n'avaient qu'à voter. »
          Cela est l'argument de la suffisance. L'individu qui le pense se dit qu'au-delà de la démocratie point de salut. Une fois encore, une majorité ne peut faire du vol une vertu. Un Bien ne se fait pas sur le dos des autres. 
    3. « La majorité l'emporte, donc c'est correct. On ne connaît pas de meilleur système. »
          La démocratie placée, à tort, au pinacle des valeurs. Il est temps d'aller au-delà. Le nombre s'appuie ou bien sur la raison ou bien sur la force. Seul le premier est légitime et la social-démocratie qui nous gouverne s'appuie sur la force. Cessons de faire payer les autres pour nos propres choix. Il est temps de prendre nos responsabilités. La responsabilité fait appel à l'éthique et celle qui se veut libérale doit être universelle, mais simple. 
  
L'éthique de la liberté 
  
          La liberté se fonde en raison. Elle y prend non seulement sa source, mais elle en est l'essence même. La raison est libre, elle est toute la liberté. Dès lors elle est universelle à l'homme. 
  
          L'éthique de la liberté respecte l'homme pour ce qu'il est, c'est-à-dire libre et doué de raison. Puisqu'elle se veut universelle, elle s'en tient à l'essentiel, soit la non-agression d'autrui et de ce qu'il lui appartient. Elle laisse aux individus la possibilité d'adhérer à des morales plus élaborées. Tout ce qu'elle exige est le respect de la propriété d'autrui. 
  
          Une société qui partage cette éthique peut en faire son Droit qui s'énonce ainsi: « chacun peut faire ce qu'il veut avec ce qui lui appartient et seulement avec ce qui lui appartient ». Ce Droit est fondamental, il est principe (premier), voire seul nécessaire. Il fait allusion au maintien de la sécurité physique sans laquelle tout est hasardeux, voire impossible. « Sa fonction se limite à créer des espaces où chacun, préservé de la violence, peut faire l'expérience de ses convictions et de ses relations(1). » 
  
          L'éthique interdit d'agresser, elle ne nous dit pas de faire le Bien et encore moins comment il faudrait le faire. Institutionnaliser cette éthique pour en faire le Droit aurait plusieurs conséquences qui demanderaient élaboration. Je me contenterai de mentionner l'évidence, soit que la social-démocratie serait alors en voie de disparition, puisqu'il n'y aurait plus de vol commis au nom du Bien et justifié par la démocratie. 
  
  
1. Christian Michel, « Doit-on obéir aux lois? », www.liberalia.com>> 
 
 
Textes et traductions d'André Dorais
 
 
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