Le véritable titre aurait dû être: « Népotisme
au gouvernement », car il traite des ministres qui donnent
un poste à leur famille au sein de leur équipe. Ce ne serait
pas grave s’il s’agissait de leur argent. Après tout, il est normal
de faire plus confiance à des membres de sa famille, a fortiori
à son conjoint, qu’à des amis politiques. On peut aussi
trouver autour de soi des personnes avec des compétences ou des
qualités providentielles pour occuper des postes importants. Mais
alors, la providence fait bien les choses, car ils sont nombreux à
travailler pour la famille dans les ministères!
Népotisme
républicain
En fait la vérité est toute autre selon Le Monde:
ils ont été choisis « au nom de la seule
appartenance familiale ». Encore une fois, si vous êtes
propriétaire de votre entreprise cela est légitime. Vous
agissez selon votre volonté avec votre propriété.
Mais ce n’est pas le cas, il s’agit de ministres, en charge du budget de
l’État, c'est-à-dire de l’argent pris par la force aux citoyens
sans défense. Cela n’est pas choquant toutefois pour notre journaliste,
tout risque de poursuites légales étant écartées:
« le ministre est libre de choisir les membres de son
cabinet ». C’est l’une des caractéristiques de
la « République Fromagère »(1):
les fromages les plus coulants sont aussi légaux, car ce sont les
mêmes qui font la loi et se l’appliquent. Quand ils ne se jugent
pas eux-mêmes, comme dans le cas des ministres avec la Haute Cour
de Justice, juridiction d’exception(2).
Toutefois, « que Libération rapporte (le
12 septembre) que l'épouse du ministre se mêle un peu trop
de la vie du cabinet de son mari a déjà un peu plus agacé
». Matignon et l’Élysée se sont tout de même
sentis un peu gênés, mais l’on ne sait pas si c’est par les
nominations douteuses ou leur publication dans la presse... Quant au Monde,
sa position est inconnue, c’est sans doute une histoire sans importance.
D’ailleurs, aucune des personnes concernées n’a dû démissionner.
Mieux, Anne-Marie Raffarin, employée de son mari, les a appelées
pour... les réconforter! « Le fait de faire de
la politique en couple ou avec un membre de sa famille est le reflet de
la vie moderne. » Quel terme pratique que «
moderne »! De même que les socialistes qualifient de
« progrès » toute mesure dont ils sont
à l’origine, voilà qu’à « droite »
on devient « moderniste »? On reconnaît
cependant leur attachement aux valeurs familiales, où à la
« solidarité générationnelle
» quand Roselyne Bachelot donne un poste à son fils.
Les journalistes appellent ça « dynastie républicaine
», d’ailleurs, elle tenait son siège de son père(3).
Après l’appropriation familiale, c’est désormais son extension
à travers les générations: on est ministre de père
en fille, de mère en fils. Attention à la consanguinité
(intellectuelle)!
« Voir dans ce phénomène du népotisme une modernisation,
c'est démontrer une ignorance sans bornes de l'histoire. Il n'y
a rien de neuf dans tout cela: le pouvoir a toujours été
partagé avec les membres de la tribu, du clan, de la famille.
» |
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La droite a fait fi de toute considération morale à ce jeu
de la décadence mitterrandienne, rejoignant hardiment la gauche
après la décennie 80. Et pourquoi s’en embarrasserait-elle?
« Ce n'est pas la première fois que des conjoints,
des fils, des filles deviennent des collaborateurs de personnalités
politiques » nous dit Le Monde, qui prend maintenant
leur défense. Et de citer des exemples: le fils de Mitterrand, la
femme de Jacques Toubon, celle de Lang, de Charasse, et la fille de Chirac!
La droite respecte donc la tradition, en bons conservateurs. Et la gauche
ne saurait leur reprocher, sachant pertinemment qu’à la prochaine
« respiration démocratique »(4)
elle pourra à son tour faire entrer femmes et enfants dans les palais
de la République!
De toutes façons, les intéressées(5)
assument: elles ont de l’expérience et se placent donc sur le terrain
de la compétence pour justifier leur présence dans les ministères.
Elles ont été attachées parlementaires, porte-parole,
conseillères... Elles ont même, tenez-vous bien, leur propre
agenda: dîners, rencontres, colloques. Comme leurs conjoints, elles
courent les fêtes, et s’organisent les leurs! Mais d’où vient
leur premier poste, si ce n’est de leur compagnon? Qui osera dire que le
roi est nu? Certainement pas Le Monde en tout cas!
Comme
au temps des courtisanes
Cela ne plaît pourtant pas à tout le monde. Le chef de cabinet
de Luc Ferry a démissionné et il lâche même cet
aveu: « Ce n'est pas l'existence de collaborateurs ayant
un lien sentimental avec le ministre qui est nouveau: autrefois, on trouvait
un bon nombre de maîtresses d'hommes politiques dans les cabinets
ministériels. » Comme au temps du bon vouloir
des princes, mais cela ne le gêne pas. Le problème? C’est
qu’il est plus dur de contrarier la femme du ministre que sa maîtresse...
Que les deniers « publics » soient dépensés
pour donner un salaire à une personne en fonction de critères
sexuels, peu importe, pourvu que son travail n’en soit pas affecté!
La morale des chefs a affecté celle des sous-chefs, et l’on imagine
aisément que par osmose tout le personnel des ministères
cherche aussi à faire profiter les amis et la famille des petits
privilèges. Et que peut en dire un ministre? Une fois en poste,
il perpétuera la tradition, désormais bien établie,
et silence, tout le monde est content!
La neutralité du ton de la journaliste du Monde, son manque
total de condamnation reflètent bien la proximité du journal
avec l’establishment politique. Le pire n’est pas là cependant,
il est dans la présentation de l’information. Le titre à
lui seul résume l’intention: minimiser un scandale propre à
mobiliser l’opinion publique. Faire passer du népotisme pour
de la modernité, ou une affirmation des femmes en politique, c’est
reprendre l’argumentation des ministres tel quel, sans l’analyser, en faisant
juste écho.
Voir dans ce phénomène une modernisation, c’est démontrer
une ignorance sans bornes de l’histoire. Il n’y a rien de neuf dans tout
cela: le pouvoir a toujours été partagé avec les membres
de la tribu, du clan, de la famille. Sauf que la démocratie impliquait
tout de même une rupture avec les pratiques aristocratiques et que
longtemps cette pratique est restée condamnable, y compris dans
les textes de loi. Au regard de l’opinion aussi, cela posait problème.
Mais l’opposition s’en fiche, et les seules réactions de citoyens
sont du type « tous pourris ». Alors
quand la carte de presse se transforme en « apologiste
agréé »...
Plutôt que de raccourcir le roi de la République(6)
ou de demander une énième loi immédiatement abrogée,
il faut se rendre à l’évidence: quelle que soit la forme
de pouvoir, il sera toujours détourné de son but et servira
les intérêts d’une clique. Étrangement la pratique
est rare dans les entreprises privées. Mais ce n’est pas au Monde
que l’on en tirera des conclusions.
1.
Cf. La République Fromagère de Michel de Poncins aux
éditions Odilon Média. >> |
2.
Une de plus avec les tribunaux administratifs, les cours sociales, les
prud’hommes et tant d’autres. >> |
3.
Toujours dans le même article du Monde. >> |
4.
Comprenez: défaite électorale de la droite. >> |
5.
Au féminin, car ce sont pour la plupart des femmes qui profitent
des largesses du ministre. >> |
6.
Dans une lettre à Jacques Chirac, un quidam, poursuivi par le fisc,
adressait sa lettre au « Roi de la République ». Il
a été quitte pour une convocation au poste de police d’Argenteuil,
ou il a subi une « admonestation », terme légal pour
dire qu’un policier lui a énoncé qu’appeler Roi un Président
constituait une insulte au Chef de l’État, qui comme chacun devrait
savoir, est toujours un délit en France. Oui braves gens, le crime
de lèse-majesté existe encore en République de France!
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