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Montréal, 9 novembre 2002 / No 113 |
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par
Christophe Vincent
Vous avez sans doute entendu parler des problèmes de Microsoft aux États-Unis; on soupçonnait cette entreprise de vouloir s'assurer un monopole dans l'édition de logiciel et on l'a traduite en justice pour cela. Mais quelles drôles d'idées ont ces Américains! Où vont-ils chercher tout ça? Avoir peur des monopoles et vouloir préserver la libre concurrence! |
En France, pays civilisé, nous savons – grâce au choeur unanime
de la classe syndicale épaulée par nos plus brillants politiciens,
le tout largement diffusé par nos complaisantes chaînes de
télévision – que le monopole est une chance pour le consommateur
et le pays tout entier. Nous savons qu'en s'en remettant exclusivement
à une faction pour certains services, en se privant de la liberté
de choisir parmi différentes offres celle qui nous paraîtrait
la plus intéressante, on a la certitude de bénéficier...
de la plus intéressante justement, du meilleur service au moindre
coût sans s'être seulement donné la peine de s'informer,
de comparer et de choisir!
Le monopole public est bon, c'est la concurrence qui le corrompt C'est sur ce fondement inébranlable, le caractère providentiel du monopole pour le consommateur, que reposent nos grandes entreprises publiques: EDF-GDF, La SNCF, La Poste, La RATP... Face à la menace d'une mise en concurrence et d'une privatisation de ces entreprises, certains croient encore nécessaire de descendre dans la rue et de faire de grands discours pour nous remettre les idées bien en ordre. C'est se donner beaucoup de peine à mon avis, pour défendre une chose tellement évidente, qui se conçoit si aisément, qu'elle n'a pas besoin d'autres défenseurs qu'elle-même:
2. Rien ne le pousse maintenant à se décarcasser puisque vous êtes obligé de passer par lui. Mais c'est pourtant ce qu'il fait, et il vous offre le meilleur service! On l'a échappé belle! 3. En plus il vous le fait payer au moindre coût alors que vraiment rien ne l'y oblige! Bonté divine! Combien d'autres auraient profité de la position de faiblesse dans laquelle vous vous êtes bêtement fourré. C'est dans des circonstances comme celles-là qu'on voit que le monde est bien fait et qu'on aurait tort de s'inquiéter.
Alors? Comment? Vous prétendez que ce sont les gens travaillant dans les entreprises publiques, ceux qui profitent d'un juteux monopole, qui soutiennent et répandent cette idée? Allons donc! Et l'altruisme syndical alors? Faut-il que vous n'ayez pas la télé pour ignorer que les personnes qui travaillent dans les monopoles publics ne sont pas faites du même fumier que les autres hommes, qu'elles sont l'incarnation de l'honnêteté, de la générosité, et qu'ils placent votre intérêt bien avant le leur, surtout dans leurs discours? Ne font-ils pas régulièrement de belles et longues grèves rien que Égoïste va! Certains de leurs représentants sont même tellement désintéressés par les choses de ce bas monde qu'on peut, sans offenser personne, les comparer aux notables de l'Église catholique de la grande époque, et, pour peu que nous ayons un auteur de la trempe de Molière, nous aurons bientôt un nouveau Tartuffe tout à leur gloire. Comment pourraient-ils défendre un système qui les sert à vos dépens? Comment pourraient-ils abuser de cette position de faiblesse totale qui est la vôtre? C'est contre leur nature, ils n'y pensent même pas! Cette thèse doit donc emporter notre adhésion, vu la force des arguments par lesquels elle s'impose et l'unanimité dont elle fait l'objet. Pour le bonheur de tous, disons non à la libre concurrence, oui aux monopoles!
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