Triste conclusion, vraiment. Toujours ce pessimisme concernant l'être
humain: si on le force pas, c'est un bon à rien. Dommage qu'on ait
fermé les camps de rééducation...
Un
phare verra le jour
Rappelons tout de suite que dans l'exemple ci-dessus, le phare étant
envisagé comme un outil économique, il est impossible d'en
déterminer la rentabilité et donc le coût d'opportunité
en dehors d'un système de prix (en l'occurrence par la coercition).
Comment savoir si ce phare sera réellement utile, et s'il ne vaudrait
pas mieux pour tout le monde que les bateaux qui croisent au large prennent
un autre chemin ou même renoncent à faire du commerce à
proximité? Mystère total.
De plus, combien de phares faut-il construire? Où? À quel
prix? |
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Mystère
toujours.
Excusez-moi, j'ai toujours du mal à croire que les hommes de l'État
sont omniscients et qu'ils connaissent, eux, la réponse à
toutes ces questions...
Dans une société libre, si un groupe d'individus a intérêt
à construire un phare – ce qui veut dire que le phare a de bonnes
chances de rapporter plus au groupe que ce qu'il lui coûtera –, ce
phare verra le jour, n'ayez aucune inquiétude là-dessus.
Pour comprendre cela, il suffit de se demander quels seront les bénéficiaires
de l'existence du phare, tous les bénéficiaires, et
pas seulement les capitaines de bateaux étrangers qui croisent au
large.
« Dans la société libre, on utilise ses méninges
et son imagination pour inventer des solutions. Les hommes de l'État
n'aiment pas trop ça: en dignes héritiers des hommes des
cavernes, ils trouvent qu'il est moins fatigant d'utiliser la force, la
contrainte, pour mener à bien leurs projets... » |
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Réfléchissons ensemble: s'il y a besoin d'un phare, c'est
que des bateaux ont besoin de longer la côte. S'ils ont besoin de
longer la côte, c'est parce qu'ils se rendent vers une ou plusieurs
destinations bien identifiées, et que le fait de longer la côte
leur apporte un avantage par rapport à un autre itinéraire.
Par exemple, ce sont des transporteurs de conteneurs ou des chalutiers
qui se rendent dans un port voisin pour y échanger leurs marchandises
ou vendre leur poisson à la criée.
Or, le brave Dumarin, propriétaire du port en question (ou
de la halle à poisson), réfléchit (lui aussi! Décidément,
il n'y a que les hommes de l'État qui ne le font pas...) et se dit:
« Si je construis un phare, il y aura deux, trois, ou
dix fois plus de bateaux qui voudront venir dans mon port vendre leur marchandise,
parce que ce sera beaucoup moins dangereux pour eux, donc moins coûteux.
Je vais donc construire un phare et en répercuter le coût
sous forme, par exemple, d'un droit d'entrée dans mon port. Je vais
aller en parler à mon banquier. »
Son meilleur ami, Dumarant, à qui il parle du projet, lui dit:
« Bonne idée, si tu construis ce phare, il y
aura plus d'activités dans la ville. La population augmentera en
conséquence. Tu vas donner du travail à des tas de gens par
la même occasion. En outre, avant, il y avait une falaise déserte,
désormais il y aura des promeneurs qui voudront bien acheter un
billet pour visiter ton phare. Raison de plus pour le construire. Et j'y
pense: pourquoi ne pas mettre une antenne émettrice de télévision
en haut de ton phare? C'est une source de profit à étudier.
Si tu veux, on s'associe. »
Vous avez compris? Alors un petit test: maintenant, à vous d'imaginer
une autre exploitation possible du phare! Eh oui, dans la société
libre, on utilise ses méninges et son imagination pour inventer
des solutions. Les hommes de l'État n'aiment pas trop ça:
en dignes héritiers des hommes des cavernes, ils trouvent qu'il
est moins fatiguant d'utiliser la force, la contrainte, pour mener à
bien leurs projets... Bien sûr, les incontournables égalitaristes
diront: « oui, mais certains bateaux croiseront au large
sans aller dans le port, certains touristes admireront le phare de l'extérieur
mais n'achèteront pas de billet! C'est injuste. »
Alors, Dumarin, bonhomme:
« Et puis? Mon phare me rapporte, il bénéficie
aux clients de mon port et aux habitants de la ville. S'il est utile même
à de lointains étrangers, comment pourrais-je m'en plaindre?
J'en suis ravi, au contraire. »
Car Dumarin est humaniste, c'est-à-dire libéral: il se réjouit
toujours du bonheur d'autrui.
Encore une objection, votre honneur. Et si le trafic n'augmente pas vraiment
et que les touristes ne sont pas intéressés par la visite
du phare? Eh bien, c'est peut-être tout simplement que le phare n'est
pas si utile que cela et que la falaise serait aussi belle sans lui...
La morale de cette histoire est que les « biens collectifs
» n'existent pas, tout simplement, et qu'ils sont un prétexte
fallacieux à l'existence de l'État.
Au fait, la bombe atomique... c'est un bien collectif, n'est-ce-pas? Heureusement
que les États forcent leurs sujets à la financer (via l'impôt),
parce que sinon, il n'y en aurait sans doute pas une seule sur Terre. Ouf!
on l'a échappé belle.
Note:
L'idée selon laquelle les phares ne peuvent exister sans la coercition
étatique est d'ailleurs historiquement inexacte. Dans un article
(« The Lighthouse in Economics ») paru en 1974
dans le Journal of Law and Economics et reproduit dans son livre
The Firm, the Market and the Law, l'économiste Ronald
Coase (Prix Nobel 1991) a montré comment, contrairement au préjugé
largement répandu, les phares ont été à l'origine
construits, financés et gérés par des particuliers.
En 1820, 75% des phares britanniques étaient privés. Le rôle
de l'État se bornait à faire respecter les droits de propriété
sur ces phares. |
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Ce
n'est que vers le milieu du XIXe siècle que le gouvernement (en
l'occurrence britannique) a regroupé tous les phares sous son propre
monopole afin de profiter de cette manne financière développée
par les entrepreneurs privés. C'est la raison pour laquelle l'Independent
Institute – think tank libertarien américain – a choisi
comme logo le phare, érigé pour l'occasion en symbole de
l'initiative privée. Malgré l'évidence historique
et logique, certains économistes (comme Joseph Stiglitz) persistent
à présenter le phare comme l'archétype du bien public
impossible à produire sans la coercition étatique. |
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