Montréal, 15 mars 2003  /  No 121  
 
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Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg et anime le Cercle Hayek, consacré à la réflexion et à la diffusion du libéralisme. Il est également éditeur adjoint du QL pour la section européenne.
 
CHRONIQUE DE RÉSISTANCE
 
ÉDUCATION:
MARCHÉ OU MONOPOLE D'ÉTAT
 
par Marc Grunert
  
 
          La « citoyenneté », on finit par le savoir, est devenue le concept passe-partout des hommes de l'État derrière lequel s'abritent un solidarisme obligatoire, un collectivisme tribal et un anti-capitalisme à peine voilé. Sous couvert d'« éducation civique, juridique et sociale » (ECJS), matière récemment inventée par un ministre socialiste, c'est un endoctrinement forcené qui infecte désormais les esprits des élèves désarmés. 
 
          La technique de l'endoctrinement de l'Éducation nationale ne consiste aucunement, à la manière soviétique, à faire du bourrage de crâne manifeste. C'est beaucoup plus insidieux. Les maîtres en marxisme-léninisme avaient la foi en une idéologie positive mais fausse. Alors que dans notre cas, il s'agit de maîtres en criticisme qui prétendent éveiller l'esprit critique des élèves en leur infusant le dégoût du libéralisme et en détruisant leur sentiment d'exister en tant qu'individu pour ériger en axiome la religion solidariste, le dépassement de l'individu par le souci de la cohésion sociale, de la communauté mondiale représentée par les politiciens. 
  
          L'ECJS n'est rien d'autre que la courroie de transmission des valeurs de la social-démocratie. En soi, cet enseignement a peut-être une place, comme simple produit sur un marché éducatif libre, tout comme le catéchisme a sa place dans une école « privée » catholique. Mais il devient une vaste entreprise de lavage de cerveau lorsqu'il est imposé par le monopole d'État sur l'éducation. 
  
Deux exemples édifiants 
  
          Ma nièce, qui est en classe de 3ième, devait plancher en ECJS sur un texte révélateur à cet égard. C'était un article du journal Le Monde dans lequel un agronome, professeur à l'Institut national d'agronomie, concluait péremptoirement par ces mots qui frappent l'imagination: « Le libre-échange, c'est la mort d'un demi milliard de paysans dans le monde. Sans protectionnisme, les pays pauvres n'arriveront pas à se développer. [...] ».  
  
          Mon propos n'est pas de réfuter ces affirmations idéologiques, d'autres l'ont fait (voir par exemple Qui a causé la pauvreté, chapitre 3 du livre de Lord Bauer Mirage égalitaire et tiers-monde). Il est de montrer que, sous couvert du développement de l'esprit critique et d'analyse, le libéralisme est constamment la cible d'un enseignement qui a la prétention d'éduquer les jeunes gens à la « citoyenneté ». Mais il ne s'agit que d'un formatage social-démocrate voulu par les hommes de l'État. Ces parasites érigent le parasitage en vertu et font de l'école un moyen pour l'ancrer dans la cervelle des « citoyens » en devenir. 
  
     « Sous couvert du développement de l'esprit critique et d'analyse, le libéralisme est constamment la cible d'un enseignement qui a la prétention d'éduquer les jeunes gens à la "citoyenneté". »
 
          Faire admettre à des élèves, et ceci sans le moindre esprit critique, qu'un demi milliard de paysans va mourir à cause du libre-échange est évidemment un mensonge éhonté. Il eût fallu dire qu'un métier traditionnel risque de devenir moins utile et qu'un certain nombre de paysans vont devoir se recycler, que leurs enfants devront choisir d'autres voies de développement et de prospérité. Mais faire croire que le libre-échange tue des gens est un mensonge digne de ceux du marxisme-léninisme. Finalement, en France, les agriculteurs ne sont pas morts, sinon de vieillesse. Mais il y en a moins qu'autrefois simplement parce que d'autres secteurs d'activités se sont révélés plus utiles et ont offert de nouvelles opportunités à la population paysanne. 
  
          Un autre exemple me vient d'une discussion entre des élèves de seconde révisant leurs cours d'histoire. Ces pauvres victimes du matraquage socialiste se récitaient leur leçon les uns aux autres: « Une minorité de grévistes et de syndicalistes obtiennent des avantages sociaux pour les autres salariés de la même branche ». C'est pas juste, sans rien faire la majorité profite de la grève d'une minorité, ai-je entendu consterné. Des sigles fusaient comme des héros du progrès social: CGT... Jamais, semble-t-il, il n'est venu à l'esprit de ces élèves que la notion d'« avantage social » signifiait un vol qualifié pour ceux qui paieront la note.  
  
Un marché éducatif libre 
  
          Le monopole de l'Éducation national est souvent justifié par l'idée qu'il faut protéger les enfants des diverses doctrines déviantes, irrationnelles ou religieuses. Il est certain que sur un marché libre se développeraient toutes sortes d'entreprises d'éducation dont certaines propageraient des idées plus que fumeuses comme le créationnisme (qui nie le darwinisme et l'évolution). Mais l'effet pervers du monopole et de l'uniformité des programmes est la rectitude politique transmise par l'école, la déresponsabilisation des parents, et la propagation à l'échelle nationale de contrevérités. Ne vaut-il pas mieux qu'une seule école libre enseigne que 1+1=3 et, à cause de cela, fasse faillite, plutôt que ce soit le monopole public qui l'enseigne sans que la moindre sanction économique ne punisse ces errements? 
  
          Un marché libre rétablirait le droit des parents de choisir l'éducation de leurs enfants alors que le monopole public présuppose que les parents sont eux-mêmes des enfants incapables de faire de bons choix. Quant au problème de l'accès à l'éducation pour les « pauvres », il faut se rappeler que la pauvreté n'est pas un héritage mais bien trop souvent le résultat de comportements irresponsables, de dépenses inutiles (surendettement), d'absence d'esprit d'épargne. Toutes ces erreurs comportementales ne se corrigeront jamais par de l'assistance publique mais simplement par la dure loi de devoir subir les conséquences de ses actes. 
  
          Nous observons, dans le cas du monopole de l'éducation, exactement les mêmes phénomènes que pour tous les autres monopoles publics (pléonasme!): croissance des dépenses sans la moindre amélioration du produit sous l'effet des divers groupes de pressions (syndicats, politiciens), décalage par rapport à la réalité de la demande car la faillite est impossible, bureaucratie envahissante, esprit d'initiative brisé. Bref, pour résumer, il s'agit rien de moins que d'une soviétisation de l'éducation. 
  
          Un marché libre de l'éducation ne serait pas seulement un rétablissement de la justice et des droits individuels, il permettrait d'expérimenter, d'inventer de nouveaux produits, de tester de nouvelles pédagogies, de répondre à la demande réelle, de permettre à chacun de maîtriser sa vie. 
 
 
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