Ces propos sont de Jeannelle Bouffard, directrice du Cap St-Barnabé,
un carrefour alimentation-partage faisant partie du Comité de justice
sociale de la Conférence religieuse canadienne. C'était lors
des audiences publiques sur le projet de loi no 112 (Loi visant à
lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale), le 30 octobre
dernier.
Il semblerait que les commentaires du genre proférés lors
de ces audiences aient porté fruit, puisque cette loi a été
adoptée. Le gouvernement dispose maintenant de quelques semaines
pour présenter son plan d'action qui sera doté d'un budget
de 1,5 milliard de dollars sur cinq ans. Mille cinq cent millions $ pour
combattre la pauvreté chez quelques milliers de personnes, nous
ne sommes pas les plus lourdement taxés en Amérique du Nord
pour rien!
Inclure
les exclus
Ce plan, aux dires de la ministre d'État à la Solidarité
sociale, à la Famille et à l'Enfance, Linda Goupil, sera
constitué de programmes existants – certains étant améliorés,
d'autres pas... – et d'un train de nouvelles mesures visant à ce
qu'une personne, ayant besoin d'aide, « ne se retrouve
pas entre deux chaises parce qu'elle ne cadre pas dans les critères
de tel ou tel programme. » (La Presse, 6 mars
2003)
Il comportera des mesures de soutient qui s'adressent à la petite
enfance (lire, aux mères monoparentales), aux familles dans le besoin
(lire, aux femmes monoparentales à revenu modeste), ainsi qu'aux
travailleurs de 45 ans et plus qui perdent leur emploi (lire... enfin,
vous voyez le pattern).
Avec ce plan de lutte, Québec étend encore un peu plus la
définition de « personnes assistées sociales
» pour y inclure plus de monde – sans doute est-ce pour rencontrer
les exigences du volet de « lutte à l'exclusion
sociale » de la loi!
« Ce plan d'action pour combattre la pauvreté et l'exclusion
sociale ne luttera pas contre la pauvreté et l'exclusion, il luttera
en fait contre l'enrichissement de tous et la responsabilisation de chacun.
» |
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En ce moment, les personnes « qui travaillent au salaire
minimum, qui gagnent dignement leur vie, [mais qui] se retrouvent les mains
vides après avoir payé leur loyer, leur transport et leur
nourriture » ne peuvent bénéficier de
certaines mesures d'aide déjà existantes, de souligner Mme
Goupil. « On va faire en sorte qu'elles aient du soutien.
»
Pour ce faire:
-
Le programme
Solidarité-Jeunesse – une sorte d'assistance sociale pour
jeunes de 18 à 21 ans –, sera « amélioré
» pour inclure les 16 à 24 ans et pour «
récupérer des jeunes décrocheurs qui se retrouvaient
entre deux chaises. » Nos jeunes pourront ainsi s'écraser
sur une seule chaise et tranquillement recevoir leur chèque à
partir de 16 ans! Progressiste en effet!
-
Le programme
Ma place au soleil – une autre forme d'assistance sociale, mais
réservée aux jeunes filles de 18 ans ou moins (c'est de la
discrimination ça!) qui, du jour au lendemain, se retrouvent mères,
ou qui sont sur le point de le devenir – sera lui aussi « amélioré
» pour être intégré au plan d'action.
Ce programme vise à mieux « encadrer »
ces jeunes femmes à l'aide de compétents professionnels de
la santé et de leur donner accès à un service
de garde. Tellement occupées les jeunes filles, pas le temps de
s'occuper de leurs rejetons...
-
Le retrait
d'une pénalité de 50 $ pour les personnes assistées
sociales qui, pour quelque raison que ce soit, partagent un logement –
mesure en vigueur depuis le 1er janvier –, sera renouvelé sous le
plan d'action. Une disposition qui coûte annuellement 52 millions
$ au trésor public (c'est-à-dire, à vous et
à moi).
-
Un «
revenu de solidarité » sera instauré
pour les travailleurs/euses qui disposent d'un revenu jugé trop
modeste. Le niveau de ce revenu sera déterminé par un comité
consultatif – et sans aucun doute noyauté par les groupes de femmes
et de pauvres – dont le principal mandat sera de conseiller la ministre
sur ces questions.
Déshabiller
Pierre pour habiller Paul
Ce plan d'action pour combattre la pauvreté et l'exclusion sociale
– même s'il a été légèrement modifié
lors du dépôt du budget de la ministre d'État aux Finances,
Pauline Marois, le 11 mars dernier(1)
– ne luttera pas contre la pauvreté et l'exclusion, il luttera en
fait contre l'enrichissement de tous et la responsabilisation de chacun.
Comme l'argent ne pousse pas dans les arbres – faut-il le rappeler! –,
il ira chercher encore plus d'argent dans les poches des contribuables
et des entrepreneurs qui triment dur pour, eux aussi, joindre les deux
bouts. Cet argent sera ensuite redirigé en partie (l'État
s'en garde toujours un peu) vers les poches des plus démunis. Résultat?
Nous nous retrouverons tous un peu plus pauvres, pour que les pauvres se
sentent un peu plus riches.
Je dis bien « pour qu'ils se sentent un peu plus riches
» parce que la plupart n'y verront sans doute aucune différence...
Leur situation ne s'améliorant pas. Les seuls qui y verront une
différence, ce sont nos politiciens « progressistes
» et leur cote de popularité auprès des électeurs.
Le gouvernement Landry – détenteur du porte-feuille collectif –,
ne peut qu'aller se chercher quelques votes supplémentaires avec
un tel déploiement de bons sentiments. Ça fait cher du vote,
mais bon... c'est nous qui payons.
En plus d'appauvrir tout le monde financièrement, ce plan d'action
va augmenter encore un peu plus la dépendance envers l'État
des gens qui sont déjà dépendants tout en invitant
tous ceux qui ne le sont pas encore – et qui répondent à
des critères de moins en moins discriminatoires –, à le devenir.
L'État-pusher va ainsi « récupérer
» encore plus de jeunes en les « aidant
» à faire ou à continuer de faire des choix
irresponsables – tomber enceinte à 16 ans, décrocher de l'école
avant 16 ans, quitter le foyer maternel, prendre un loyer qu'on ne peut
se payer, et cetera.
Beau programme de société! Bel avenir en perspective!
Le politicien, en « aidant » tout le monde et
sa voisine, ne vise en fait qu'une chose: s'aider lui-même. À
nos frais. Le fait qu'une telle annonce tombe à quelques jours du
déclenchement d'une campagne électorale n'est pas anodin.
Le fait qu'elle s'inscrive en plein dans les nouvelles « obsessions
» du premier ministre – famille, enfants et conciliation famille/travail
– ne l'est pas plus.
1.
Voici, tirées de l'édition du 12 mars du Devoir, quelques
réactions de « représentants » des
pauvres: « Où est le 1,5 milliard sur cinq ans que le gouvernement
avait promis aux démunis? Le constat qu'on fait, c'est que ce sont
des miettes. On n'a pas une mise en application sérieuse de la loi
», a lancé Vivian Labrie, porte-parole du Collectif
pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, au Devoir.
« Je suis amèrement déçu. Toutes
les mesures qu'on espérait sont absentes de ce budget. Donc, pour
moi, la loi adoptée en décembre, ce n'est qu'un répertoire
de beaux grands principes », a quant à lui affirmé
François Saillant, coordonnateur du Front d'action populaire en
réaménagement urbain (FRAPRU). Nicole Jetté, du Front
commun des personnes assistées sociales du Québec, estime
également que le budget est décevant. « Ce
que le gouvernement dit aux gens, c'est: "Contentez-vous du rêve
qu'il y a dans la loi." En 2003, on dit aux parents: "Continuez à
avoir faim, continuez à vous appauvrir" », a-t-elle
affirmé au Devoir. >> |
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