Si certaines des promesses mises de l'avant durant la campagne ont pu sembler
quelque peu déconnectées des réalités «
du vrai monde » – après tout, la majorité
des politiciens vivent dans une bulle la plupart du temps –, notre enthousiasme
face à d'autres en dit long sur nous-mêmes...
Tous
éberlués
« Un parti comme le PLQ, qui n'a même pas parlé
de sa position en matière familiale au cours de la campagne, ne
peut être pris avec sérieux lorsqu'il se dit prêt à
gouverner le Québec. » (Mario Dumont, 5 avril)
« Il n'y a rien pour les jeunes familles dans le programme
libéral, que vont faire les jeunes familles? »
(Bernard Landry, 8 avril) « [La conciliation travail-famille]
est une réalité pour tout le monde qui n'appartient pas à
un seul parti politique. » (Jean Charest, 7 avril).
« C'est moi le plus familial! » «
Non, c'est moi! » « Non, c'est
moi! » C'était à se demander qui parlerait
le plus de famille durant cette campagne. Qui serait photographié
le plus souvent en compagnie d'enfants ou dans un Centre de la petite enfance.
Comme si le bien-être de maman et de fiston était devenu l'enjeu
principal de l'élection! La cause à défendre
pour faire sortir le vote. Est-ce que j'ai manqué un bout? Pourquoi
ce soudain intérêt pour la famille? M. Charest n'a peut-être
pas fait de « discours structuré »
sur la question (comme le lui a reproché M. Dumont),
mais lui et ses libéraux – comme M. Landry et ses péquistes
– en ont amplement parlé au cours de la campagne. Pourtant, la famille
est presque une espèce en voie de disparition dans notre Belle Province!
Avouez qu'il est étrange de cibler les familles alors que le Québec
connaît l'un des plus hauts taux d'avortement au monde: il
a doublé en 20 ans, dix-neuf Québécoises sur mille
se font avorter. Que l'on connaît l'un des plus bas taux de
natalité du monde occidental: aux alentours de 1,4%, il était
d'un peu plus de trois en 1965. Que l'on connaît le plus haut
taux de divorce au Canada: 47,4%. Que le taux de suicide au Québec
est aussi l'un des plus élevés au monde: cinq personnes
se suicident chaque jour, soit quatre hommes et une femme. Et, faut-il
le rappeler, que les Québécois sont les plus taxés
en Amérique du Nord! De telles statistiques sont loin de favoriser
des lendemains bien... familiaux!
« Les Québécois carburent aux décrets et aux
projets de lois: "Je n'irai surtout pas demander une faveur à mon
boss, tout d'un coup qu'il me dit non." Bien plus simple d'attendre que
leurs boss soient obligés de leur donner ce qu'ils veulent! » |
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Déconnectés, les messages électoraux? À moins
qu'il ne s'agissait d'une stratégie. À moins que les experts
en communication des partis n'aient ciblé l'idée que
les électeurs ont de la famille... Hmm, profond. Ou une sorte de
nostalgie de la famille? La grande famille « collective »
des Québécois! Peut-être s'agissait-il en fait de la
famille « en devenir »? Ou qu'au fond, la famille
n'était qu'un subterfuge et qu'on tentait seulement de loger une
impression positive dans la tête de l'électeur? Difficile
d'expliquer.
Donne-moi
des peanuts...
Tout aussi difficile d'expliquer cette manie qu'ont les Québécois
de toujours attendre que le gouvernement fasse les premiers pas pour «
améliorer » leur vie au lieu que ce soit eux
qui s'en chargent personnellement. Prenez les deux promesses faites par
le premier ministre sortant, Bernard « Père Noël
» Landry, en début de campagne: la semaine de quatre
jours aux familles qui ont des enfants de moins de 12 ans (lâchez-nous
avec les familles!) et une troisième semaine de congé payée
pour tout le monde.
Comment expliquer que tous ceux qui trouvent ces propositions intéressantes
– et ils sont nombreux – n'aient pas été foutus d'aller voir
eux-mêmes leur employeur pour réclamer moins de travail
et plus de vacances? Si ces propositions sont si bonnes, comment expliquer
qu'elles ne se soient pas implantées d'elles-mêmes? Pas besoin
d'une loi pour travailler moins! Sauf que les Québécois ont
pris l'habitude d'« avancer » seulement quand
l'État leur dit d'avancer – comme ils s'apprêtent à
tourner à droite aux feux rouges, maintenant que l'État le
leur permet.
Les Québécois carburent aux décrets et aux projets
de lois: « Je n'irai surtout pas demander une faveur
à mon boss, tout d'un coup qu'il me dit non. »
Bien plus simple d'attendre que leurs boss soient obligés de leur
donner ce qu'ils veulent! Les Québécois sont de grands observateurs.
Ils préfèrent attendre de voir leurs désirs élevés
au rang de « droits » par les syndicats, groupes
de pression et gouvernements plutôt que de les revendiquer eux-mêmes
auprès des principaux intéressés.
Mais pendant qu'ils observent, d'autres bougent. L'improvisée conciliation
famille-travail tant annoncée par le PM Landry constitue maintenant
une « priorité nationale vitale ».
Et la province se dirige tranquillement vers une loi-cadre. Qui est-ce
qui va payer pour cette autre « priorité nationale
»? Les contribuables les plus taxés d'Amérique
du Nord! Vous et moi. « La conciliation famille-travail,
mesure-vedette de la campagne du Parti québécois, pourrait
éventuellement être soutenue financièrement par la
société plutôt que de reposer uniquement sur les épaules
des employeurs. » C'est ce que nous apprenait Pauline
Marois, ministre des Finances, le 9 mars dernier.
Le vieil adage qui veut que « l'union fait la force
» se traduit ici par « l'État fait la force ».
C'est tellement plus facile d'appuyer une entité politique anonyme
chargée de faire avancer ses intérêts – dans ce cas-ci,
forcer tous les employeurs à restructurer l'ensemble de leurs opérations
pour intégrer la semaine de 4 jours, pour une petite portion de
leurs employés, et une semaine de vacances supplémentaire
– que de se lever un beau matin et d'aller parler à son patron –
tout en acceptant de prendre la responsabilité des éventuelles
retombées financières de son geste.
En laissant d'autres « agir » à sa place,
on se garde la possibilité de chialer si les choses tournent mal...
Parce que 4 jours travaillés, ce n'est pas la même chose que
5 jours travaillés – à moins que l'État ne dise le
contraire et qu'il refile la facture « équitablement
» à tout le monde, ce vers quoi on semble se diriger.
Deux journées de travail en moins sur une paie, c'est moins d'argent
pour les voitures, l'hypothèque, les vêtements de fiston,
la bouffe, les cartes de crédit, les voyages, les restos, etc. Il
y a deux côtés à une médaille – même si
Bernie Landry, notre père à tous, ne nous en a montré
qu'un. Le plus beau.
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