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Montréal, 7 juin 2003 / No 125 |
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par
Gilles Guénette
Quand j'ai appris qu'un des personnages principaux du nouveau film de Denys Arcand était un riche capitaliste, je me suis dis |
Conservatisme
renversé
Au grand écran, les personnages qui présentent une morale plus traditionnelle ont toujours le mauvais rôle. Quatre-vingt-quinze pour cent des films sont construits de façon à ce que le spectateur éprouve de l'antipathie pour le conservateur, le capitaliste, l'employeur Pensez aux films mettant en vedette l'homme qui n'accorde d'importance qu'au travail et qui finit toujours par être confronté à une crise majeure dans sa vie personnelle. Soit il change – ce qui arrive rarement –, soit il se retrouve seul, soit il se retrouve six pieds sous terre – sa blonde l'ayant froidement abattu dans un élan d'émancipation. Ça lui apprendra! Pensez aux films où le père de famille force fiston à poursuivre ses études afin de devenir médecin, avocat ou entrepreneur. Le fils, qui est toujours vaguement artiste, ne veut rien savoir de cette vie qu'on lui impose. Il veut être libre. Soit il se rebelle et décroche Pensez aux films dans lesquels un entrepreneur pollue allègrement un petit village champêtre dans le seul but d'augmenter ses profits. Ou celui qui tue pour éliminer la concurrence. Ou l'autre qui vole des secrets corporatifs pour dominer le marché. Ces hommes – il s'agit rarement de femmes – ne changent jamais pour le mieux et finissent toujours par se faire prendre. Et le bien triomphe du mal! Tous ces Les méchants bons Dix-sept ans après Le déclin de l'empire américain, le personnage de Rémy (grand tombeur de ces dames) est de retour. Cette fois, il se retrouve alité à l'hôpital public à combattre un cancer. Son ex-femme, Louise, demande à Sébastien, leur fils exilé à Londres, de bien vouloir rentrer au pays au plus vite – il n'en a plus pour longtemps. Les invasions, c'est l'histoire d'un groupe d'intellectuels, fiers représentants de la génération des Baby Boomers, qui se réveillent un bon matin comme au lendemain d'un gros party pour se rendre compte qu'ils sont vieux et que tout ce qu'ils ont fait ou mis sur pied au cours des années (système de santé C'est surtout l'histoire d'un
« À l'époque, moi, j'ai voté pour la nationalisation des hôpitaux, dixit Rémy. Je suis parfaitement capable d'assumer les conséquences de mes En fait, Rémy n' On peut reprocher au fils d'avoir facilement recours à son fric ou de basculer dans l'illégalité pour offrir une meilleure fin à son père, mais toutes ses initiatives sont en fait prises faute d'alternatives. Dans un système de santé libéralisé, il n'aurait pas à avoir recours à de telles méthodes. Il aurait eu accès à un réseau de cliniques privées (comme celle qu'il visite aux États-Unis avec Rémy), à des boutiques spécialisées dans la vente de drogue de qualité, à des maisons de Sébastien procure (avec de l'argent gagné honnêtement, faut-il préciser) une qualité de vie supérieure à son père – une qualité de vie qu'il n'aurait jamais pu s'offrir dans le présent système de santé. C'est lui qui fait avancer les choses. Sans lui, Rémy n'aurait pas eu accès à son Pet scan aussi rapidement. Sans lui il aurait moisi dans sa chambre Le monde selon Arcand Mine de rien, Les invasions mettent en scène l'un des plus forts personnages masculins que le cinéma québécois nous ait donné. Sébastien est tout le contraire de son père. Il est conservateur, responsable, plein de principes, de convictions, loyal, fidèle en amour et somme toute assez sympathique. Loin de passer le clair de son temps à flâner dans les rues du Plateau – avouez que c'est exceptionnel dans la cinématographie québécoise! –, il a une carrière, est psychologiquement équilibré et semble en paix avec lui-même. Étrangement, les seuls personnages qui soient équilibrés et épanouis dans le film d'Arcand sont les jeunes qui ont quitté le Québec (cette Les invasions mettent en valeur les bienfaits du capitalisme, de la mondialisation et des nouvelles technologies. Le capitalisme est le seul des deux systèmes présentés ici qui donne des résultats positifs. La mondialisation semble plus que bénéfique pour tous les personnages de la génération de Sébastien qui sont éparpillés un peu partout à travers le globe. Les nouvelles technologies sont les seules choses qui fonctionnent dans Les invasions: Sébastien se promène toujours avec un portable et/ou un cellulaire. Alors que le système de santé public s'embourbe, les services de communication privées qu'utilise Sébastien fonctionnent. Ils lui facilitent la vie. Lui permettent de s'occuper de son père tout en poursuivant ses transactions. Ils permettent à la fille de Rémy, convoyeuse de voilier qui navigue quelque part en mer, d'envoyer des messages visuels à son père – à défaut d'être à ses côtés – grâce à un relais satellite. Inutile de dire que le même système de communication public serait toujours en panne! À voir ce qui se fait en matière de films subventionnés au Québec, on se serait attendu à autre chose du film d'Arcand. On se serait attendu à quelque chose du genre: Rémy, un intellectuel socialiste se meurt à l'hôpital. Son fils Sébastien, conservateur capitaliste, débarque avec son fric. Il est agressif et antipathique. Il tente d'acheter tout et tout le monde. Ça ne marche pas. La Le film Les invasions barbares vaut le détour. Il montre bien ce que 40 ans de socialisme ont eu comme effets sur la société québécoise. Souhaitons-lui le meilleur succès commercial possible et ce, partout dans le monde.
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