Montréal, 13 septembre 2003  /  No 128  
 
<< page précédente 
  
  
 
 
Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de Thatcher à l'Elysée (éditions Odilon Média).
 
OPINION
 
L'ANNIVERSAIRE DES FRAC
OU LE FRIC-FRAC DE LA CULTURE
 
par Michel de Poncins
  
  
          Les FRAC sont les Fonds Régionaux pour l'Art Contemporain. Créés par Jack Lang en 1983, ils fêtent leur vingtième anniversaire. 
  
          Installés dans chacune des régions, ils disposent d'un budget important arraché aux citoyens par la force fiscale et d'une bureaucratie chargée d'acquérir des oeuvres d'art auprès d'artistes contemporains afin de « faciliter l'implantation de cette forme d'expression partout en France »
 
          En fait de culture, c'est une forme de totalitarisme dans l'art, renforcé d'ailleurs par la règle du 1% qui oblige les maîtres d'oeuvre public à dépenser 1% de chaque construction dans ce que les fonctionnaires décorent, selon leur bon plaisir, du label d'oeuvres d'art. 
  
Histoire de frac 
  
          À la ruine que les FRAC ont occasionnés pendant ces vingt ans par leur existence même, les fêtes de l'anniversaire rajoutent une couche supplémentaire. Le mot « couche » ne convient peut-être pas car, sous couleur de peinture, ils ont servi parfois à acheter le contraire de la peinture, le bon goût interdisant d'écrire en quelle matière sont fabriquées certaines des prétendues oeuvres. 
  
          Ils ont subventionné depuis leur création 3 000 prétendus artistes (entendez: ceux qui plaisaient aux gens au pouvoir) et se sont « enrichis » de 15 000 prétendues oeuvres. 
  
          Il faut avoir visité des musées de province pour se faire une idée du désastre, ceci d'autant plus que, souvent avec une certaine naïveté, le maire ou le président du Conseil régional ont la franchise d'afficher le prix d'achat. C'est ainsi qu'une grande tache de peinture bleue, de la vraie peinture il est vraie, peut être notée pour 300 000 euros. À « admirer » la vacuité, il est impossible de ne pas imaginer le circuit tortueux des billets de banque et de ne pas les voir vagabonder vers certaines poches qui doivent être grandes ouvertes. 
  
          Le caractère régional a comme à l'habitude amplifié la ruine. Nous avons déjà remarqué les immenses dangers de la nouvelle décentralisation telle qu'elle est promise et qui va diffuser l'effet de ruine bien au-delà du domaine de l'art (voir FRANCE: LA DÉCENTRALISATION OU LA RUINE ANNONCÉE, le QL, no 111). 
  
     « Il faut avoir visité des musées de province pour se faire une idée du désastre, ceci d'autant plus que, souvent avec une certaine naïveté, le maire ou le président du Conseil régional ont la franchise d'afficher le prix d'achat. »
 
          La ruine s'exerce évidemment par les impôts et, notamment, le chômage en résultant; il y a plus sournois, c'est-à-dire la ruine de l'âme. Ces impôts empêchent les citoyens-moujiks d'acheter les oeuvres qui leur plaisent et quand ils le veulent afin de les placer là où ils le veulent. Or, pour la culture, le meilleur est la modeste litho que l'on aime et qui a été payée de ses propres deniers; tous les jours elle peut être admirée, alors que le plus beau tableau acheté par un fonctionnaire ne sera vu qu'une fois dans sa vie ou jamais. 
  
          L'inondation de ces fausses oeuvres d'art correspond à la volonté d'un lobby parfaitement organisé qui sévit au ministère de la Culture depuis des décennies et est encouragé par la bureaucratie de ce ministère. Le ministre André Malraux avait commencé dès 1960, Lang n'a fait que continuer et, de même, d'autres ministres se prétendant abusivement de droite. Certains galeristes très connus sont spécialisés dans l'exploitation du filon – là aussi il serait intéressant de connaître les circuits réels de la manne financière. 
  
Ruines et horreurs en perspective 
  
          À l'occasion de l'anniversaire, la presse régionale, pourtant bien chapitrée, s'inquiète quelque peu; elle se plaint « que les lieux d'exposition soient peu visités et que le public ignore leur existence » ou encore précisément « qu'un fossé sépare de plus en plus inéluctablement le public et les acteurs de l'art contemporain ». C'est bien le contraire qui serait étonnant. 
  
          S'il avait voulu libérer la France du socialisme, le nouveau pouvoir aurait trouvé dans la suppression de cet art totalitaire beaucoup d'argent permettant de concourir à l'assainissement urgent de l'économie. La réaction officielle lue dans certains journaux de province est, au contraire, d'annoncer qu'il faut renforcer par de la propagande la culture du public et son attrait pour l'art contemporain. 
  
          De nouvelles ruines et de nouvelles horreurs en perspective! 
  
 
Articles précédents de Michel de Poncins
 
 
<< retour au sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO