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Montréal, 27 septembre 2003 / No 129 |
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par
Jean-Luc Migué
On associe la plupart du temps, et à bon droit, l'interventionnisme d'État à la fiscalité. Mais la coercition d'État s'étend bien au-delà du poids fiscal. Il y a en particulier la réglementation qui s'avère presque aussi lourde à porter. On entend par réglementation l'imposition, par les gouvernements fédéral, provincial ou municipal, de contrôle sur à peu près toutes les dimensions de nos vies professionnelles et personnelles, depuis la grosseur des ouvertures dans les tétines de biberons d'enfants, jusqu'aux images qu'on a le droit ou pas de regarder à la télévision. |
Révolution
réglementaire depuis un demi-siècle
Jusqu'aux années 1960, la population n'attendait pas grand-chose du gouvernement. Chacun pouvait mener sa vie suivant les principes personnels dictés par les croyances et les contraintes qui l'encadraient. Les lois en vigueur n'affectaient pas immédiatement la vie des individus, ni celle de leurs entreprises. L'individu qui menait une vie honnête et s'employait à subvenir aux besoins de sa famille était jugé bon citoyen. Parce qu'elle vivait sous un régime de gouvernement limité, la population n'avait pas lieu de blâmer le gouvernement de ne pas régler les problèmes qui ne le regardait pas. Cette convention implicite s'est rompue le jour où le législateur, fédéral et provincial, s'est avisé de poser que tout relevait désormais de sa responsabilité. Dès lors que les gouvernements prennent parti dans les affrontements qui divisent la population, sur des questions de nature morale qui touchent les gens dans leurs croyances les plus profondes, l'aliénation se généralise. L'avortement, le port du turban dans la gendarmerie royale, du voile islamique à l'école publique, la discrimination active à l'endroit d'une multitude de minorités, les droits des homosexuels dont celui de se marier, la langue d'affichage et de travail, les clauses du contrat de mariage, autant d'objets de controverse morale où le législateur prend parti contre la volonté de larges fractions de la population. Ce sont nos relations personnelles et professionnelles qui font désormais l'objet de la plus grande sollicitude du Big Brother. Nos contrats de mariage sont visés par le protecteur bureaucratique, le flirt est devenu du harcèlement et l'aménagement des relations entre employeurs et employés est désormais fixé par diktats bureaucratiques. À la maison ou au travail, une multiplicité de nouveaux risques physiques et psychologiques ont maintenant été identifiés, que notre ignorance nous empêchait de reconnaître avant la clairvoyance du régulateur. L'activisme d'État qui a succédé à cette époque a tout lieu de susciter la crainte chez un grand nombre de citoyens. Tout employeur appréhende constamment de se retrouver en infraction d'une loi ou d'un règlement quelconque édicté par la CSST, le ministère de l'Environnement, la Commission des droits de la personne, la police de la langue, et par quelques dizaines d'autres bureaucraties, dont les sous-fifres de l'équité dans l'emploi. Tout contribuable, individuel ou corporatif, doit craindre à tout moment d'avoir violé l'une ou l'autre des règles. Lorsque la prison guette l'agriculteur qui produit du lait ou qui choisit de transporter ses céréales à la frontière ou qui a recourt à la carabine pour se débarrasser de quelque encombrant rongeur protégé, il y a lieu de parler de harcèlement des citoyens. Ces malheureuses victimes du justicier bureaucratique n'ont pas le sentiment de commettre des actes criminels. Ils mènent une vie honnête de bon citoyen, chargé du bien-être de sa famille. Mesures chiffrées de la réglementation Sait-on qu'Ottawa ajoute à lui seul chaque année près de 1 200 nouvelles réglementations à son arsenal de contrôle? C'est plus de 5 000 pages de nouvelles contraintes par année, plus de 3 pages et demie chaque jour de l'année. Selon l'IEDM, dans la seule année 2002, le gouvernement fédéral adoptait 2222 pages de nouvelles lois et règlements (voir Le fardeau fiscal et réglementaire des Québécois, Institut économique de Montréal, 2003). Selon le Conseil du Trésor, ce n'est pas moins de 640 000 employés du secteur public, fédéral, provincial ou municipal, qui s'activent à temps complet à rédiger et appliquer les réglementations. Et donc pas moins de 20% des fonctionnaires des gouvernements, des hôpitaux, des municipalités et des commissions scolaires, qui sont affectés à cette tâche. Aux États-Unis, selon le Weidenbaum and Mercatus Centers, l'administration du système réglementaire coûte 1,4% du budget fédéral. En 2003, on comptait environ 473 lois et 2345 règlements au Québec. Ces documents couvraient
L'IEDM nous apprend que les entreprises québécoises doivent se conformer, chaque année, à 459 formalités administratives, demandes d'autorisation, immatriculations et production de rapports. Au total, ces formalités donnent lieu à plus de 17 millions d'opérations. Nonobstant les prétentions du gouvernement québécois d'avoir allégé ses exigences réglementaires après le rapport des années 1980 sur la déréglementation, de nouvelles contraintes réglementaires sont apparues en grand nombre depuis, notamment en matière d'emploi en général, et de prétendue La contrepartie de cette armée de fonctionnaires publics se retrouve dans les entreprises où, selon la Chambre de Commerce du Canada, pas moins de Fardeau pour les consommateurs Le fardeau administratif direct que représente l'armée de fonctionnaires qui s'activent à la tâche de nous contrôler ne comprend qu'une fraction minime du coût global de ce déchaînement bureaucratique. On ne peut douter que la réglementation ne soit qu'une forme de double taxation déguisée, en ce qu'elle refile aux entreprises le fardeau du prélèvement que les firmes s'empresseront de refiler à leur tour aux clients sous forme de prix accrus. Et ce n'est pas que le coût administratif des entreprises qui est transmis aux acheteurs de biens et services. La réglementation se fait généralement au profit des producteurs et prend la forme de prix accrues, de barrières à l'entrée de nouveaux concurrents dans l'industrie. On calcule que la seule réglementation fédérale ajoute annuellement plus de Une étude récente de quatre universitaires américains s'emploie à examiner des épisodes de déréglementation survenus dans sept industries (le transport aérien, le camionnage, le chemin de fer, les télécommunications, la poste et l'industrie du gaz et de l'électricité), dans 21 pays industriels, au cours de la période allant de 1975 à 1996. L'indice de réglementation (facilité d'entrer dans l'industrie, contrôle des prix, place de la propriété publique) retenu démontre que la réglementation a effectivement diminué au cours de la période, surtout aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande. L'étude établit que la déréglementation a donné lieu à une expansion phénoménale des investissements dans les industries ainsi libérées, en conséquence de la baisse de prix et de la demande accrue, ainsi que par l'effet d'abaissement des coûts administratifs pour les firmes. En diminuant la réglementation de 15%, on suscite l'expansion des investissements de 6 à 7%. Dimensions intéressantes à noter: 1) soumettre les entreprises publiques à la concurrence a un effet plus important sur le taux d'investissement que la privatisation elle-même; 2) loin de diminuer, les salaires des travailleurs y gagnent lorsqu'il y a déréglementation, via l'expansion de la production qui en résulte. Objectifs rarement réalisés Autre dimension révoltante de ce subterfuge moins que subtil: les nouvelles réglementations ne répondent même pas aux objectifs qui ont officiellement justifié leur mise en vigueur. Il y a quatre ans, l'Institut Fraser publiait une étude qui établissait que les deux tiers des réglementations imposées ne faisaient l'objet d'aucune analyse coûts-bénéfices, en violation explicite des règles établies par le Conseil du Trésor fédéral. À titre d'illustration, rappelons que le gouvernement libéral prétend disposer d'une analyse coûts-bénéfices de la scandaleuse loi sur les armes à feu, sauf qu'il ne l'a jamais publiée et qu'il l'a donc soustraite à l'évaluation de la population. La réglementation est aussi camouflée en ce que la plupart du temps elle est soustraite à l'approbation du Parlement et n'apparaît nulle part au budget public. Les nouvelles interventions ne sont à peu près jamais soumises à l'approbation du Parlement canadien. Seulement 20% des réglementations fédérales émanent du Parlement. Ce ratio ne diffère pas sensiblement de la pratique américaine. L'an dernier par exemple, le président des États-Unis signait 269 projets de loi votés par les Chambres, mais les agences fédérales émettaient Le gros des budgets est constitué de dépenses statutaires autorisées par une loi, souvent adoptée des décennies plus tôt. Des organismes comme la Fondation canadienne des bourses du millénaires (dotée de
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