|
|
Montréal, 11 octobre 2003 / No 130 |
|
par
Jean-Louis Caccomo
Je voudrais m'adresser à votre intuition première, à l'idée inexprimable mais réelle de vérité et de justice qui est ancrée en chacun de nous, mais que nous avons eu tendance à ne plus écouter à force de croire en des mirages, d'écouter le chant des sirènes ou de nous bercer d'illusions. Les Français sont désorientés. Ils sont en crise morale et de là découlent les problèmes économiques et sociaux. Les Français ont perdu la foi; ils ont perdu l'idée même de la foi et ne croyant plus en rien, ils sont prêts à croire en tout, même aux discours les plus fous. C'est pourquoi on ne pourra jamais commencer un vrai travail de réforme si on ne restaure pas d'abord la confiance dans les esprits. |
Posons-nous une question simple: pourquoi je ne tue pas mon prochain? Pourquoi
je ne maltraite pas mon enfant? Parce que l'État me l'interdit?
Ce n'est que cela? Si ne c'est que cela, alors je suis un piètre
homme… Non, il y a une Loi plus fondamentale qui parle en chacun de nous,
et qui nous donne le sens du bon, du mal et du juste... et cela dès
l'enfance. C'est pourquoi la solidarité imposée par l'État
n'est pas de la solidarité, encore moins l'expression de la générosité.
Si les Français sont
À vouloir édifier une société où nous
n'avons plus qu'à nous soumettre à des décrets ministériels,
à des directives de Bruxelles, à des réglementations
administratives, à des injonctions gouvernementales, on construit
une société inhumaine sous le prétexte de généraliser
le principe de précaution, d'évacuer le risque, de nous soulager
de notre responsabilité. Plus besoin de choisir, l'État décide
pour moi: il définit le programme officiel de l'éducation
de mes enfants ou il gère ma retraite, il s'occupe de mon logement
et me protège des étrangers! Plus de responsabilité
individuelle, plus de risque, l'État pilote, l'État régule
le grand macrocosme social. Comme l'État imposera ses choix qui
par nécessité ne peuvent pas plaire à tout le monde,
il y aura toujours une majorité de mécontents pour critiquer
toute décision étatique... mais la même majorité
continuera d'en appeler à l'État. Pourtant, nous oublions
une chose essentielle: la responsabilité et la liberté sont
indissociables. L'une est la condition de l'autre. À chaque fois
que vous voulez échapper à vos responsabilités dans
un domaine précis, vous perdez votre liberté d'action dans
ce même domaine. À chaque fois que l'on transfère une
compétence à l'État, on s'exonère du poids
de la responsabilité…mais on perd dans le même temps sa liberté.
Il est dans la nature de l'intervention publique de se tromper. Les hommes
politiques peuvent se tromper et ils se trompent – ils nous trompent –
la plupart du temps. C'est pour cette raison fondamentale qu'il faut leur
confier le moins de domaines d'action, qu'il faut absolument limiter leurs
prérogatives. Les hommes politiques se trompent précisément
parce qu'ils sont des hommes comme vous et moi; ils se trompent comme
peuvent se tromper un entrepreneur ou un consommateur. Ils se trompent
par ce que
Le drame des hommes politiques, le drame du gouvernement, c'est qu'ils
ne tiennent pas compte de la réalité, mais qu'ils veulent
la changer. Mitterrand s'est fait élire sur le slogan
Généralement, les pays sont pauvres et restent pauvres à
cause de la gestion publique, à cause d'une mauvaise politique.
Soit que les élites au pouvoir se contentent de manger le gâteau;
Soit que les gouvernements deviennent irresponsables en faisant croire
que tout le monde peut
On se moque des Américains parce qu'ils travaillent beaucoup et
longtemps... mais c'est précisément pour cela que l'économie
américaine est dynamique et puissante! L'Argentine était
un
Un ami espagnol vivant à Barcelone m'a confié un jour:
Le plan Juppé ou les 35 heures ont fait bien plus de mal à
l'économie française que le choc pétrolier de 1973.
On s'est imposé cela nous-même. Tout seul! On refuse de l'admettre,
alors on persiste dans l'erreur en mettant en place des systèmes
qui génèrent les pires incitations, les pires comportements.
La bataille de l'opinion ne sera pas facile car la gauche a monopolisé
la rue, l'éducation et les médias. Et comme il ne peut y
avoir de monopoles que dans le secteur public, la gauche a étatisé
en priorité l'éducation car c'est ce qui forme et c'est ce
qui déforme aussi. Et comme tout monopole public entraîne
pénurie, le monopole de l'éducation et de la culture ne peut
produire que la faillite de l'éducation et de la culture. Il faut
donc désétatiser les esprits pour pouvoir désétatiser
la France. L'expatriation est un très mauvais indicateur. Généralement,
on ne quitte pas son pays par plaisir. Quand on vote avec les pieds, c'est
parce que l'on a acquis la conviction que le pays ne changera pas, que
les dirigeants sont désespérants, que le pays est condamné
à l'immobilisme, c'est-à-dire à la faillite dans un
monde qui bouge. Au mois de mai 1977, un homme politique américain
s'exprimait sur les ondes en ces termes:
Cet homme, c'était Ronald Reagan et son avertissement a été
entendu. Certes, il est de bon ton de dire que la France, ce n'est pas
l'Amérique... (je m'en étais aperçu). Mais, pensons
un instant, qui a fait l'Amérique si ce n'est précisément
ces millions d'Européens qui étaient attirés par les
Pour re-former les esprits, il faut rappeler des vérités
simples mais fondamentales. Des vérités simples mais qui
ont fait l'objet d'une véritable persécution intellectuelle.
Elles furent brillamment exposées par des économistes français
au XIXe siècles comme Frédéric Bastiat ou Gustave
De Molinari qui furent tant diabolisés en France mais qu'il nous
faut découvrir. (En France, on préfère écouter
Marx, Keynes ... et José Bové). En lisant et relisant ces
auteurs, on comprend que l'opinion publique en France est prisonnière
de trois mensonges qui rendent toute réforme illusoire sinon impossible.
Seule la dénonciation de ces mensonges nous permettra de mettre
en oeuvre les réformes qui ont permis à l'Angleterre et aux
États-Unis de sortir de leur propre déclin. Ces trois mensonges
sont: 1) L'illusion de la troisième voie; 2) le mythe de la gratuité;
3) la croyance au juste prix.
PREMIER
MENSONGE: L'illusion de la troisième voie
C'est sur cette illusion que se décline le refrain de •
Les pays riches eux-mêmes, quand ils ont oublié les principes
et les valeurs auxquels ils devaient leur prospérité – comme
les États-Unis et l'Angleterre dans les années 60 et 70 –
se sont enfoncés dans le déclin économique et la crise
morale.
•
Les pays qui ont subi le socialisme réel ont pris conscience que
le « capitalisme sauvage » était une formule littéraire
pour enragés de gauche vivant dans le confort de l'ouest. Ces pays
ont connu le socialisme dans ce qu'il a de plus sauvage! Et le socialisme
ne peut être que sauvage car l'intervention étatique généralisée
est une négation des droits les plus élémentaires
des individus, et une négation de l'individu et implique nécessairement
la violence. Si à l'ouest, il y a un marché du travail; à
l'est, il y avait les camps de travail. Pas de chômage. C'était
interdit.
•
Les pays dits
•
Enfin, les pays européens, adeptes du capitalisme rhénan
(le fameux modèle allemand), un soi-disant capitalisme plus humain
que le modèle anglo-saxon, sont prisonniers d'un État-providence
au bord de la ruine et incapable de se réformer de l'intérieur.
La troisième voie est une illusion. La France est simplement sur
la voie du socialisme réel car l'interventionnisme appelle l'interventionnisme.
Pensez qu'à chaque fois que les députés se réunissent,
ils votent une dizaine de lois nouvelles. Et ils en sont fiers! La réglementation
entraîne la réglementation, étouffant peu à
peu le secteur privé et l'initiative individuelle. Plus les individus
se sentent dépossédés du fruit de leur travail, plus
ils prennent conscience qu'ils maîtrisent de moins en moins les fils
de leur vie quotidienne, moins ils sont capables d'assumer leurs responsabilités
propres. Tout devient
DEUXIEME
MENSONGE: Le mythe de la gratuité
Les économistes disent souvent
Pourtant, à entendre la rue, il existerait un trésor caché,
une pierre philosophale, une baguette magique que sais-je, le Père
Noël. Non, c'est l'État! Tout le monde se tourne vers l'État:
les médecins, les infirmières, les intermittents du spectacle
(qui sont devenus les permanents de la contestation), les enseignants,
les étudiants, les parents! L'État doit s'occuper de ceci,
c'est si important; l'État doit s'occuper de cela, c'est si crucial
pour l'avenir. Mais la morale et la science économique exigent de
dire exactement le contraire: si c'est si important, si c'est si crucial
pour l'avenir, pour votre avenir, alors vous devez vous en occupez vous-même.
Au mieux, l'État le fera plus mal que vous. Au pire, l'État
ne le fera même pas! Croyez-vous vraiment que la sécurité
sociale pourra me payez ma retraite dans 20 ans?
Prenons un seul exemple. L'État français a monopolisé
la recherche, se présentant comme
J'entends les moralisateurs indignés; je lis les slogans de la rue:
C'est une vérité économique de base: les ressources
ne s'allouent pas par décisions gouvernementales, mais grâce
aux millions de décisions que les consommateurs prennent librement
chaque jour sur les marchés. Et si les producteurs libres ne tiennent
pas compte de ces décisions, ils feront faillite. Par ce processus,
les ressources sont dirigées vers les choses que les gens veulent
le plus et pour le prix qu'ils sont prêts à payer. Supprimer
les prix et tout ce processus économique s'effondre. C'est le communisme!
Réglementer les prix, et tout ce processus économique se
grippe. C'est la troisième voie! Si les gens ne sont plus prêts
à payer pour l'éducation de leurs enfants ou pour se maintenir
en bonne santé, l'école disparaîtra et les médecins
s'en iront. Ce n'est pas de l'économie fiction; cela s'est déjà
vu de nombreuses fois ailleurs. Et puisque l'on parle de prix, on en arrive
justement au troisième mensonge qui fonde l'État-providence.
TROISIEME
MENSONGE: La croyance en un prix
L'idée qu'il existerait un
La notion de prix juste n'a guère de sens en théorie économique.
Quel est le niveau de prix correspondant à ce juste prix? Les producteurs
préfèrent imposer le prix le plus élevé possible
tandis que les consommateurs demandent un prix le plus bas possible, voire
un prix nul. Si l'État administre les prix, il prendra nécessairement
le parti des uns ou des autres. Le marché, lui, ne prend aucun parti.
Le marché est aveugle, imposant un prix qui ne satisfait personne
en particulier mais dont tout le monde est l'artisan. Par ailleurs, le
prix du marché est toujours provisoirement établi. Or, en
administrant les prix, l'État cherche du même coup à
les stabiliser. Les prix ne sont-ils pas fixes lorsque les marchés
sont en équilibre? Il ne faut pas confondre l'effet avec la cause:
la stabilité est le résultat d'un processus d'équilibre
mais pas une condition du fonctionnement des marchés.
D'ailleurs, les tentatives visant à manipuler les prix mettent à
jour leurs propres contradictions. Quand les prix sont affreusement instables,
on en appelle à la puissance publique pour stabiliser les prix comme
ce fut le cas en France dans le cas de l'essence. Quand les prix s'avèrent
étrangement stables, la commission à la concurrence soupçonnera
une entente entre les producteurs qu'il conviendra de casser dans les plus
brefs délais. Quand les prix sont
Conclusion
Le drame de la canicule cet été nous montre à quel
point nous sommes prisonniers du poison interventionniste. Dès que
surgit un problème, on se retourne vers le ministre, on en appelle
à l'État pour régler nos problèmes. Mais l'État
ne peut pas régler nos problèmes car l'État, c'est
précisément lui le problème.
Permettez-moi d'illustrer ce propos avec un dernier exemple: l'immigration. En fait, il faudrait plutôt parler des flux migratoires, c'est-à-dire observer l'émigration ET l'immigration. L'immigration en soi n'est pas un problème. Les immigrés qui veulent s'installer aux États-Unis fuient généralement leurs pays qui les empêche de travailler et de prospérer. Alors ils y vont simplement pour avoir la paix et trouver un job! Et non seulement, ils trouvent un job; mais souvent ils le créent.
Il est donc important d'analyser le type d'immigration et d'émigration
que notre pays suscite. L'État français a créé
une situation intenable (et explosive) en faisant fuir les capitaux, les
énergies humaines et les entreprises d'un côté; et
en attirant les assistés du monde entier de l'autre côté.
Aucune économie ne peut survivre à de tels flux qualitativement
déséquilibrés. Attention, ce n'est pas les assistés
d'où qu'ils viennent qu'il faut blâmer. Ils répondent
rationnellement aux incitations qu'on leur donne. Car ce qui est considéré
comme un RMI vu de France est une manne tombée du ciel pour des
milliards d'êtres humains. Cela crée un appel d'air si puissant
qu'aucune politique de surveillance aux frontières ne saurait contenir.
Et nous n'avons même pas une telle politique...
D'ailleurs, le problème n'est pas là. Écoutez nos hommes politiques si généreux avec l'argent des autres:
|
<< retour au sommaire |
|