Montréal, 11 octobre 2003  /  No 130  
 
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Jean-Louis Caccomo est économiste à l'Université de Perpignan.
 
PERSPECTIVE
 
LES MENSONGES DE L'ÉTAT-PROVIDENCE
 
par Jean-Louis Caccomo
  
  
          Je voudrais m'adresser à votre intuition première, à l'idée inexprimable mais réelle de vérité et de justice qui est ancrée en chacun de nous, mais que nous avons eu tendance à ne plus écouter à force de croire en des mirages, d'écouter le chant des sirènes ou de nous bercer d'illusions. Les Français sont désorientés. Ils sont en crise morale et de là découlent les problèmes économiques et sociaux. Les Français ont perdu la foi; ils ont perdu l'idée même de la foi et ne croyant plus en rien, ils sont prêts à croire en tout, même aux discours les plus fous. C'est pourquoi on ne pourra jamais commencer un vrai travail de réforme si on ne restaure pas d'abord la confiance dans les esprits.
 
          Posons-nous une question simple: pourquoi je ne tue pas mon prochain? Pourquoi je ne maltraite pas mon enfant? Parce que l'État me l'interdit? Ce n'est que cela? Si ne c'est que cela, alors je suis un piètre homme… Non, il y a une Loi plus fondamentale qui parle en chacun de nous, et qui nous donne le sens du bon, du mal et du juste... et cela dès l'enfance. C'est pourquoi la solidarité imposée par l'État n'est pas de la solidarité, encore moins l'expression de la générosité. Si les Français sont « attachés » à la sécurité sociale, c'est qu'ils n'ont pas d'autres choix. Si vous aviez le choix, rempliriez-vous d'un liquide précieux un récipient percé de mille trous?
 
          À vouloir édifier une société où nous n'avons plus qu'à nous soumettre à des décrets ministériels, à des directives de Bruxelles, à des réglementations administratives, à des injonctions gouvernementales, on construit une société inhumaine sous le prétexte de généraliser le principe de précaution, d'évacuer le risque, de nous soulager de notre responsabilité. Plus besoin de choisir, l'État décide pour moi: il définit le programme officiel de l'éducation de mes enfants ou il gère ma retraite, il s'occupe de mon logement et me protège des étrangers! Plus de responsabilité individuelle, plus de risque, l'État pilote, l'État régule le grand macrocosme social. Comme l'État imposera ses choix qui par nécessité ne peuvent pas plaire à tout le monde, il y aura toujours une majorité de mécontents pour critiquer toute décision étatique... mais la même majorité continuera d'en appeler à l'État. Pourtant, nous oublions une chose essentielle: la responsabilité et la liberté sont indissociables. L'une est la condition de l'autre. À chaque fois que vous voulez échapper à vos responsabilités dans un domaine précis, vous perdez votre liberté d'action dans ce même domaine. À chaque fois que l'on transfère une compétence à l'État, on s'exonère du poids de la responsabilité…mais on perd dans le même temps sa liberté.
 
          Il est dans la nature de l'intervention publique de se tromper. Les hommes politiques peuvent se tromper et ils se trompent – ils nous trompent – la plupart du temps. C'est pour cette raison fondamentale qu'il faut leur confier le moins de domaines d'action, qu'il faut absolument limiter leurs prérogatives. Les hommes politiques se trompent précisément parce qu'ils sont des hommes comme vous et moi; ils se trompent comme peuvent se tromper un entrepreneur ou un consommateur. Ils se trompent par ce que « l'erreur est humaine » et que les hommes d'État ne sont pas des surhommes. Mais il y a une différence essentielle. Si mon boulanger, mon garagiste ou mon médecin sont mauvais, je peux changer de boulanger, de garagiste ou de médecin. Je suis libre d'apprécier, de me tromper, d'apprendre et de changer. Si une entreprise fait de mauvais choix, elle met en danger ses clients, ses employés et ses actionnaires pour le plus grand bonheur de ses concurrents qui pourront récupérer ses clients, ses employés et ses actionnaires. C'est précisément cette concurrence qui oblige les entreprises à tenir compte de la réalité, à admettre et corriger leurs erreurs. Les entreprises ne sont pas infaillibles mais, au moins, elles sont obligées de reconnaître leurs erreurs. Cette obligation d'apprentissage est le moteur de l'innovation, de la productivité et de la croissance économique.
 
          Le drame des hommes politiques, le drame du gouvernement, c'est qu'ils ne tiennent pas compte de la réalité, mais qu'ils veulent la changer. Mitterrand s'est fait élire sur le slogan « changer la vie, changer la société », bref « refaire le monde »... ce qui revient le plus souvent à le défaire! Autrement dit, ils ont dans leur tête un modèle du monde et il faut que la réalité se plie à leur volonté. Par la contrainte, par la force si nécessaire! C'est ce qui explique qu'un gouvernement peut persister durablement dans ses erreurs, détruire son propre pays sans jamais changer de direction: c'est le drame des États africains où l'on persiste à imposer des institutions et des régimes politiques ruineux; ce fut le drame de la Russie et des pays de l'Est où quelques politiciens ont martyrisés et ruinés leurs pays à force de vouloir imposer une idée qui ne marche pas, alors que la Russie était un pays doté d'immenses richesses naturelles avec un capital humain extraordinaire. La Russie, comme Cuba, comme la Corée du Nord ont été victime d'une terrible expérimentation sociale mise en oeuvre par des apprentis sorciers dotés des pleins pouvoirs.
 
          Généralement, les pays sont pauvres et restent pauvres à cause de la gestion publique, à cause d'une mauvaise politique. Soit que les élites au pouvoir se contentent de manger le gâteau; Soit que les gouvernements deviennent irresponsables en faisant croire que tout le monde peut « manger gratis ». Mais la misère n'est pas une fatalité; elle est l'état originel duquel tout homme, pour peu qu'il soit libre de le faire, cherche à sortir. Laisser des gens sur une île déserte: croyez-vous qu'ils vont défiler pour revendiquer le droit à la nourriture ou au logement? Ils s'apercevront vite que, s'ils veulent survivre au moins une semaine, ils auront non seulement le droit, mais surtout le devoir de travailler la terre, d'aller à la pêche et de fabriquer un toit. Avec le temps, ils se spécialiseront et donc ils échangeront, et pour échanger ils inventeront une monnaie... tout cela sans Banque centrale, tout cela sans l'État. Si on croit que la richesse « tombe du ciel » ou est distribuée par l'État, si on croit que la production se fait tout seul et qu'il suffit de répartir la richesse, si l'on pense que la France est un « pays riche » comme si cela était un avantage acquis une fois pour toute, sans que l'on se pose la question de l'origine de la richesse, on retombera très vite dans l'état initial de misère. Voyez l'Argentine...
 
          On se moque des Américains parce qu'ils travaillent beaucoup et longtemps... mais c'est précisément pour cela que l'économie américaine est dynamique et puissante! L'Argentine était un « pays riche » au début du XXe siècle; Cuba, doté d'un climat propice à une agriculture féconde alors que ses habitants ont faim aujourd'hui, Cuba avait un niveau de vie supérieur à l'Italie avant Castro. L'Iran était sur la voie de la modernisation avant Khomeiny. Plus prés de nous, les États-Unis subissaient un déclin évident dans la période Carter et l'État britannique était déclaré en cessation de paiement en 1977! Comparez enfin la France et l'Espagne il y a 25 ans et aujourd'hui! Sans parler des différences incontestables de niveau de vie entre l'Allemagne de l'Ouest et l'Allemagne de l'Est, entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, entre la Chine continentale et Hong Kong. À chaque fois, un même peuple, une même culture sont brisées en deux et une moitié subit une expérience violente.
 
          Un ami espagnol vivant à Barcelone m'a confié un jour: « heureusement que vous, les Français, vous avez fait l'expérience socialiste en 1981 avant nous, cela nous a montré ce qu'il ne fallait surtout ne pas faire! » La France est un pays riche mais elle est, depuis plusieurs décennies, sur une mauvaise pente. Nos dirigeants refusent de l'admettre – et la plupart des Français refusent de le croire –, s'en remettant sans cesse à notre grandeur et à notre puissance. La France pourrait cependant ne plus être grande et puissante à force de vivre à crédit et de se braquer sur ses acquis; à force de refuser la science et de rater systématiquement les révolutions technologiques et les transformations géopolitiques; à force de « manger le capital »; à force de faire fuir les volontés et d'attirer les assistés; à force de perdre la boussole. C'est pourquoi, avant de réformer l'État, il faudra re-former les esprits. Il faudra dire aux Français que c'est seulement par sa créativité, seulement par son travail et par ses valeurs d'accomplissement qu'il s'est librement donné, que l'homme cherche à s'arracher de son état de nature, augmentant sans cesse son niveau de vie et la qualité de sa vie. Personne ne peut le faire à sa place. Surtout pas l'État; surtout pas le gouvernement. La France n'est menacée ni par la mondialisation, ni par la concurrence des pays à bas salaires, ni par la puissance américaine, ni par les firmes multinationales, ni par les extra-terrestres. Non, la France se fait du mal elle-même en s'imposant les coûts, les absurdités et le fardeau d'une idée qui ne fonctionne pas et qui n'a jamais fonctionné... en refusant de voir la réalité en face. 
 
          Le plan Juppé ou les 35 heures ont fait bien plus de mal à l'économie française que le choc pétrolier de 1973. On s'est imposé cela nous-même. Tout seul! On refuse de l'admettre, alors on persiste dans l'erreur en mettant en place des systèmes qui génèrent les pires incitations, les pires comportements. La bataille de l'opinion ne sera pas facile car la gauche a monopolisé la rue, l'éducation et les médias. Et comme il ne peut y avoir de monopoles que dans le secteur public, la gauche a étatisé en priorité l'éducation car c'est ce qui forme et c'est ce qui déforme aussi. Et comme tout monopole public entraîne pénurie, le monopole de l'éducation et de la culture ne peut produire que la faillite de l'éducation et de la culture. Il faut donc désétatiser les esprits pour pouvoir désétatiser la France. L'expatriation est un très mauvais indicateur. Généralement, on ne quitte pas son pays par plaisir. Quand on vote avec les pieds, c'est parce que l'on a acquis la conviction que le pays ne changera pas, que les dirigeants sont désespérants, que le pays est condamné à l'immobilisme, c'est-à-dire à la faillite dans un monde qui bouge. Au mois de mai 1977, un homme politique américain s'exprimait sur les ondes en ces termes: « Nous avons le choix entre la poursuite des politiques suivies au cours des 40 dernières années, politiques qui nous conduit à un gouvernement de plus en plus omniprésent, à moins de liberté, à une redistribution des revenus par le biais de taxes confiscatoires... ou le retour aux desseins originels des Pères fondateurs. Opterons-nous pour la responsabilité fiscale, le gouvernement limité et la liberté de choix? Ou laisserons-nous au contraire un Congrès irresponsable nous mener vers le chemin sur lequel nos cousins anglais sont déjà engagés? Le chemin de la ruine économique et du contrôle de nos vies par l'État?! »
 
          Cet homme, c'était Ronald Reagan et son avertissement a été entendu. Certes, il est de bon ton de dire que la France, ce n'est pas l'Amérique... (je m'en étais aperçu). Mais, pensons un instant, qui a fait l'Amérique si ce n'est précisément ces millions d'Européens qui étaient attirés par les « desseins originels des Pères fondateurs »? N'y a-t-il pas des valeurs universelles qui transcendent les clivages nationaux? N'observe-t-on pas que, partout où l'on nie ces valeurs, aucune économie prospère ne peut se développer? D'ailleurs, Ronald Reagan fut grandement inspiré par les écrits de deux auteurs français du XIXe siècle: le philosophe Alexis De Tocqueville et l'économiste Frédéric Bastiat.
  
     « La France n'est menacée ni par la mondialisation, ni par la concurrence des pays à bas salaires, ni par la puissance américaine, ni par les firmes multinationales, ni par les extra-terrestres. Non, la France se fait du mal elle-même en s'imposant les coûts, les absurdités et le fardeau d'une idée qui ne fonctionne pas et qui n'a jamais fonctionné... en refusant de voir la réalité en face. »
 
          Pour re-former les esprits, il faut rappeler des vérités simples mais fondamentales. Des vérités simples mais qui ont fait l'objet d'une véritable persécution intellectuelle. Elles furent brillamment exposées par des économistes français au XIXe siècles comme Frédéric Bastiat ou Gustave De Molinari qui furent tant diabolisés en France mais qu'il nous faut découvrir. (En France, on préfère écouter Marx, Keynes ... et José Bové). En lisant et relisant ces auteurs, on comprend que l'opinion publique en France est prisonnière de trois mensonges qui rendent toute réforme illusoire sinon impossible. Seule la dénonciation de ces mensonges nous permettra de mettre en oeuvre les réformes qui ont permis à l'Angleterre et aux États-Unis de sortir de leur propre déclin. Ces trois mensonges sont: 1) L'illusion de la troisième voie; 2) le mythe de la gratuité; 3) la croyance au juste prix.
 
PREMIER MENSONGE: L'illusion de la troisième voie 
  
          C'est sur cette illusion que se décline le refrain de « l'exception française ». Elle consiste à penser que l'État doit réglementer toutes les activités humaines, de l'agriculture à l'éducation, la santé, la culture, la justice, la recherche, la famille, etc., sans voir que c'est précisément la réglementation qui finit par détruire l'économie car elle appelle le constructivisme. L'économie est basée sur des choix... non sur des décrets! L'histoire du XXe siècle nous rappelle que tous les pays qui ont voulu explorer une alternative à l'économie de libre concurrence ont échoué. Il n'y a aucune exception à cette règle.
    • Les pays riches eux-mêmes, quand ils ont oublié les principes et les valeurs auxquels ils devaient leur prospérité – comme les États-Unis et l'Angleterre dans les années 60 et 70 – se sont enfoncés dans le déclin économique et la crise morale.
      
    • Les pays qui ont subi le socialisme réel ont pris conscience que le « capitalisme sauvage » était une formule littéraire pour enragés de gauche vivant dans le confort de l'ouest. Ces pays ont connu le socialisme dans ce qu'il a de plus sauvage! Et le socialisme ne peut être que sauvage car l'intervention étatique généralisée est une négation des droits les plus élémentaires des individus, et une négation de l'individu et implique nécessairement la violence. Si à l'ouest, il y a un marché du travail; à l'est, il y avait les camps de travail. Pas de chômage. C'était interdit.
      
    • Les pays dits « non alignés », qui ne voulaient choisir ni le socialisme de l'Est, ni le capitalisme de l'Ouest, se sont embourbés dans la tyrannie, le sous-développement et la corruption. Ils ont cru, eux aussi, à un mirage.
      
    • Enfin, les pays européens, adeptes du capitalisme rhénan (le fameux modèle allemand), un soi-disant capitalisme plus humain que le modèle anglo-saxon, sont prisonniers d'un État-providence au bord de la ruine et incapable de se réformer de l'intérieur.
          La troisième voie est une illusion. La France est simplement sur la voie du socialisme réel car l'interventionnisme appelle l'interventionnisme. Pensez qu'à chaque fois que les députés se réunissent, ils votent une dizaine de lois nouvelles. Et ils en sont fiers! La réglementation entraîne la réglementation, étouffant peu à peu le secteur privé et l'initiative individuelle. Plus les individus se sentent dépossédés du fruit de leur travail, plus ils prennent conscience qu'ils maîtrisent de moins en moins les fils de leur vie quotidienne, moins ils sont capables d'assumer leurs responsabilités propres. Tout devient « responsabilité collective », c'est-à-dire IRRESPONSABILITÉ GÉNÉRALISÉE.
 
DEUXIEME MENSONGE: Le mythe de la gratuité 
  
          Les économistes disent souvent « il n'y a pas de repas gratuit ». C'est fondamentalement vrai. Il y a toujours quelqu'un qui paie. Ce que l'on vous donne « gratuitement » provient toujours d'autres personnes qui l'ont produit. Et ces personnes doivent pouvoir refuser de donner si on ne joue pas le jeu. Les étudiants revendiquent le droit aux études. La belle affaire... ils ne viennent pas en cours... c'est gratuit! Cela ne vaut rien! Voilà le résultat de l'interventionnisme: l'éducation coûte cher à la collectivité et représente le premier poste du budget de l'État; les étudiants considèrent que cela ne vaut rien et, de fait, les diplômes français ne sont pas bien considérés par les entreprises. De surcroît, l'absentéisme est le plus fort chez les étudiants boursiers. Un étudiant coûte cher à la collectivité nationale chaque année; et c'est de l'argent dépensé en pure perte si, de surcroît, il ne joue pas le jeu!
 
          Pourtant, à entendre la rue, il existerait un trésor caché, une pierre philosophale, une baguette magique que sais-je, le Père Noël. Non, c'est l'État! Tout le monde se tourne vers l'État: les médecins, les infirmières, les intermittents du spectacle (qui sont devenus les permanents de la contestation), les enseignants, les étudiants, les parents! L'État doit s'occuper de ceci, c'est si important; l'État doit s'occuper de cela, c'est si crucial pour l'avenir. Mais la morale et la science économique exigent de dire exactement le contraire: si c'est si important, si c'est si crucial pour l'avenir, pour votre avenir, alors vous devez vous en occupez vous-même. Au mieux, l'État le fera plus mal que vous. Au pire, l'État ne le fera même pas! Croyez-vous vraiment que la sécurité sociale pourra me payez ma retraite dans 20 ans?
 
          Prenons un seul exemple. L'État français a monopolisé la recherche, se présentant comme « l'observateur du long terme ». « Vous comprenez, disent les hommes de l'État, les entreprises sont trop bêtes, elles ne se préoccupent que du profit immédiat ». L'État français était chargé de la prospective technologique et de la science fondamentale. Résultat: nous avons raté toutes les révolutions technologiques et nous perdons pied dans la science! Aux États-Unis, IBM, Boeing, Microsoft et Disney investissent dans la recherche pure et dans la science fondamentale. Et elles ne peuvent pas se permettre de ne pas le faire. Pensez à Disney: quand son fondateur réalise le premier long métrage en dessins animés, personne n'imagine que cela allait devenir une industrie mondiale. Et pour survivre à l'heure des images numériques, d'Internet et des ordinateurs, Disney ne peut pas se payer le luxe d'attendre que l'État américain fasse de la recherche à sa place! La recherche financée par l'État a d'autres motivations, notamment militaire.
 
          J'entends les moralisateurs indignés; je lis les slogans de la rue: « Comment?! La recherche, la justice, l'éducation, la santé ne sauraient être des marchandises! » Mais, Mesdames, Messieurs, tout est marchandise au contraire; dans le sens où tout a un prix. Vous voulez une bonne éducation à vos enfants, vous voulez de bons médecins, il faudra y mettre le prix et sans doute en se privant d'autres choses. Les prix ne sont que l'expression des choix. Comment! Vous êtes prêts, avec votre propre argent, à détruire votre santé en fumant deux paquets de cigarettes par jour; mais vous n'êtes pas prêt à mettre un sou de votre poche pour vous payez à la place un traitement anti-tabac! On ne veut pas de prix car on ne veut pas choisir... comme les enfants. Car il est difficile de choisir. Mais la personnalité de chacun de nous se forge dans nos choix. La gratuité, en supprimant le prix, ne fait pas disparaître la rareté. Au contraire, elle généralise la pénurie et maintient les individus dans un état d'assistance. Autrement dit, l'État-providence nous infantilise! Car si on ne met pas un prix aux choses, personne ne voudra les produire. 
 
          C'est une vérité économique de base: les ressources ne s'allouent pas par décisions gouvernementales, mais grâce aux millions de décisions que les consommateurs prennent librement chaque jour sur les marchés. Et si les producteurs libres ne tiennent pas compte de ces décisions, ils feront faillite. Par ce processus, les ressources sont dirigées vers les choses que les gens veulent le plus et pour le prix qu'ils sont prêts à payer. Supprimer les prix et tout ce processus économique s'effondre. C'est le communisme! Réglementer les prix, et tout ce processus économique se grippe. C'est la troisième voie! Si les gens ne sont plus prêts à payer pour l'éducation de leurs enfants ou pour se maintenir en bonne santé, l'école disparaîtra et les médecins s'en iront. Ce n'est pas de l'économie fiction; cela s'est déjà vu de nombreuses fois ailleurs. Et puisque l'on parle de prix, on en arrive justement au troisième mensonge qui fonde l'État-providence.
 
TROISIEME MENSONGE: La croyance en un prix « juste » 
  
          L'idée qu'il existerait un « juste prix » aux choses est terrible. Elle revient à laisser penser que le prix du marché est injuste et qu'il existerait une instance capable de le corriger pour rétablir un prix plus juste. Pourtant, personne ne peut calculer un juste prix car un tel prix n'existe pas. Cela n'est pas seulement vrai pour le prix des biens et services car il faut bien prendre conscience que les salaires, les taux de change ou les taux d'intérêt sont des prix eux aussi, certes sur des marchés particuliers, mais ce sont malgré tout des prix. Réglementer les taux de salaires, administrer les taux d'intérêts, fixer autoritairement les loyers... tout cela est profondément anti-économique. 
 
          La notion de prix juste n'a guère de sens en théorie économique. Quel est le niveau de prix correspondant à ce juste prix? Les producteurs préfèrent imposer le prix le plus élevé possible tandis que les consommateurs demandent un prix le plus bas possible, voire un prix nul. Si l'État administre les prix, il prendra nécessairement le parti des uns ou des autres. Le marché, lui, ne prend aucun parti. Le marché est aveugle, imposant un prix qui ne satisfait personne en particulier mais dont tout le monde est l'artisan. Par ailleurs, le prix du marché est toujours provisoirement établi. Or, en administrant les prix, l'État cherche du même coup à les stabiliser. Les prix ne sont-ils pas fixes lorsque les marchés sont en équilibre? Il ne faut pas confondre l'effet avec la cause: la stabilité est le résultat d'un processus d'équilibre mais pas une condition du fonctionnement des marchés.
 
          D'ailleurs, les tentatives visant à manipuler les prix mettent à jour leurs propres contradictions. Quand les prix sont affreusement instables, on en appelle à la puissance publique pour stabiliser les prix comme ce fut le cas en France dans le cas de l'essence. Quand les prix s'avèrent étrangement stables, la commission à la concurrence soupçonnera une entente entre les producteurs qu'il conviendra de casser dans les plus brefs délais. Quand les prix sont « trop » bas, on considèrera qu'il y a dumping comme l'illustrent les attaques incessantes dont les grands distributeurs sont la cible. Enfin, quand les prix sont « trop » hauts, on reproche aux entreprises d'exploiter les pauvres et de ne servir que les riches. 
 
Conclusion
 
          Le drame de la canicule cet été nous montre à quel point nous sommes prisonniers du poison interventionniste. Dès que surgit un problème, on se retourne vers le ministre, on en appelle à l'État pour régler nos problèmes. Mais l'État ne peut pas régler nos problèmes car l'État, c'est précisément lui le problème.  
  
          Permettez-moi d'illustrer ce propos avec un dernier exemple: l'immigration. En fait, il faudrait plutôt parler des flux migratoires, c'est-à-dire observer l'émigration ET l'immigration. L'immigration en soi n'est pas un problème. Les immigrés qui veulent s'installer aux États-Unis fuient généralement leurs pays qui les empêche de travailler et de prospérer. Alors ils y vont simplement pour avoir la paix et trouver un job! Et non seulement, ils trouvent un job; mais souvent ils le créent.
 
          Il est donc important d'analyser le type d'immigration et d'émigration que notre pays suscite. L'État français a créé une situation intenable (et explosive) en faisant fuir les capitaux, les énergies humaines et les entreprises d'un côté; et en attirant les assistés du monde entier de l'autre côté. Aucune économie ne peut survivre à de tels flux qualitativement déséquilibrés. Attention, ce n'est pas les assistés d'où qu'ils viennent qu'il faut blâmer. Ils répondent rationnellement aux incitations qu'on leur donne. Car ce qui est considéré comme un RMI vu de France est une manne tombée du ciel pour des milliards d'êtres humains. Cela crée un appel d'air si puissant qu'aucune politique de surveillance aux frontières ne saurait contenir. Et nous n'avons même pas une telle politique...  
  
          D'ailleurs, le problème n'est pas là. Écoutez nos hommes politiques si généreux avec l'argent des autres: « Vous travaillerez moins en gagnant plus; vous aurez la santé gratuitement avec le CMU; vous aurez des diplômes dont l'État garantira la valeur (encore une illusion) et sans fournir d'effort ». Ce type de discours n'intéresse pas les créateurs de richesses, les entrepreneurs et tous ceux qui ont envie de travailler et qui savent qu'ils auront à payer la facture. Par contre, il séduit les plus faibles, les profiteurs et les assistés. D'où l'émigration des talents français; d'où l'immigration des demandeurs de droits. Mais il ne faut pas combattre l'immigration ni les immigrés. Il faut s'attaquer à la cause du problème non à ses effets. La cause, c'est l'État. La cause, ce sont les mensonges de l'État-providence! Il est urgent pour notre pays qu'un homme politique, qu'une femme politique tienne ce langage de vérité aux Français. 
  
 
 
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