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Montréal, 25 octobre 2003 / No 131 |
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par
Yvan Petitclerc
C'est immanquable. À chaque fois qu'une nouvelle étude vient confirmer le retard des garçons sur les filles à l'école, les mêmes éléments refont surface via un ou une porte-parole d'un organisme quelconque:
2) Malgré leurs succès à l'école, les femmes n'ont pas accès au vrai pouvoir parce qu'elles n'investissent pas encore assez les domaines non traditionnels.
2) Les garçons n'ont pas assez de modèles masculins desquels s'inspirer. |
De
stéréotypes et de lieux communs
Ah ces fameux stéréotypes! Tout le monde les évoque, mais personne ne définit ce dont on parle. Or, si les stéréotypes (masculins par exemple) étaient si néfastes en soi alors ils le seraient dans tous les contextes et non seulement dans le cadre scolaire. Or la réalité à l'extérieur de celui-ci prouve tout le contraire en termes de succès. Charles Revson, Ray Kroc ou Sam Bronfman correspondaient par exemple à plusieurs stéréotypes masculins parmi les moins recommandables côté tempérament. Cela ne les a pas empêché de créer respectivement Revlon, McDonald's ou Seagram en leur temps. Et puis, les stéréotypes masculins auxquels peuvent parfois correspondre certains hommes sont de toutes façons variés à l'infini. Le stéréotype masculin du jeune noir d'une Ce qui fait que les filles réussissent mieux à l'école, mais qui ne se transfère pas toujours dans le contexte social plus large, est autre chose de très simple: l'école récompense un type de conformisme particulier (variant selon les circonstances, le domaine d'études, etc.) alors que la vraie vie en société et particulièrement en arts ou en affaires récompense, elle, le risque. Or, tout le monde sait que lorsqu'on risque, soit on y perd gros soit on y gagne beaucoup. Parlant de risques, qui développe sa personnalité à l'adolescence en en prenant? Qui se pète la gueule en skateboard? Qui fait le fou en voiture? Qui prend des risques en infiltrant des réseaux informatiques? Les garçons. Qui plus tard se retrouve soit au sommet soit dans les bas-fonds? Les hommes. Partout les hommes se retrouvent aux deux extrêmes de la société. Et le stéréotype qui a fait la chute de l'un a paradoxalement donné l'immense succès d'un autre. Tant qu'on continuera de se fermer les yeux devant cette réalité, on ne fera aucun progrès. Le second argument réfère constamment aux lieux de pouvoir et aux domaines dits traditionnellement masculins. Dans une incroyable absence de mise à jour ou de mauvaise foi, on ne sait trop, lieux de travail traditionnellement masculin en est venu à équivaloir, pour plusieurs, lieux de pouvoir automatique. Rien n'est pourtant plus faux. Conduire un camion sur l'autoroute Jean-Lesage toute la nuit n'est pas une activité de pouvoir. Pas plus qu'être balayeur ou travailleur de la construction. Prenez maintenant ces domaines dits traditionnellement féminins. Le culte de la beauté, l'entertainment version confidence, etc. Laquelle de ces deux femmes a le plus de pouvoir: Oprah Winfrey et son émission à forte audience féminine vue dans 111 pays à travers le monde ou une chauffeuse de camion à Sept-Iles? Quel groupe a le plus de pouvoir entre Pamela Anderson, Heidi Klum et Jenny McCarthy, ou trois hommes de la construction à Chicoutimi? Se poser la question, c'est y répondre. Certes il y a des excès à condamner. Mais ne pas reconnaître que le plus grand pouvoir que les femmes ont sur les hommes hétérosexuels est celui de la beauté est une absurdité qui relève d'un aveuglement volontaire assez incroyable. Mais le plus désespérant aujourd'hui, c'est de voir à quel point ce débat sur le décrochage scolaire des garçons est maintenant devenu un échange de discours de confirmation où chacun campe sur ses positions sans faire avancer le débat. D'un côté, certaines chaires d'études féministes où l'on prétend que de fortes différences biologiques entre hommes et femmes n'auraient qu'une importance mineure voire inexistante; de l'autre, ceux qui veulent faire de cette différence la seule explication des écarts entre les garçons et les filles à l'école. Réglons ici tout de suite une chose: quiconque prétend que les différences biologiques entre les hommes et les femmes n'existent pas en regard de la sexualité (j'ai bien dit Quelques cas Parmi les explications avancées pour expliquer le décrochage des garçons, on dit que ces derniers n'ont pas de modèles masculins, alors qu'ils sont partout ces modèles! Mais comme le disait un jour Pierre Bourgault sous forme de boutade: D'un côté, on fait des notions d'excellence, de réussite scolaire et de réussite sociale future des synonymes ou des choses qui seraient nécessairement toujours reliées. Or, quand on y regarde de plus près, dans de multiples cas excellence dans la vie et réalisation majeure ne riment pas avec succès scolaire. Cependant, comme on ne conçoit aujourd'hui la notion de débat d'idées qu'à travers le Ted Turner est à juste titre considéré comme un exemple de succès dans le monde des affaires. Or, de son propre aveu, il n'a jamais eu de
À l'adolescence, les modèles dont s'inspirent les jeunes garçons et filles proviennent souvent du domaine musical. Or, qu'est-ce que ces mêmes modèles nous apprennent? Que ce qui les a menés là où ils sont aujourd'hui est souvent à l'encontre de ce que l'école voulait faire d'eux ou simplement du succès dans le cadre de cette dernière. L'école et certains pans de la société répètent ad nauseam qu'il faut s'inspirer de l'excellence en supposant que celle-ci s'accommoderait de la fadeur et de l'insignifiance. Le tout en s'imaginant que les gens au sommet ne disent que des choses dans le sens de la rectitude politique. Ah bon? On ne doit pas vivre dans le même monde. Considérez encore les exemples suivants. Un jour, on a demandé à Rod Stewart quel conseil il donnerait à un jeune maintenant qu'il était arrivé à cinquante ans. Andy Warhol fut un étudiant plus que moyen à Pittsburgh. Il est seulement devenu par la suite l'artiste le plus influent du vingtième siècle avec Picasso. Pas des modèles ces deux-là? Évidemment on pourrait difficilement les faire passer pour Sports et décrochage Récemment, le Cirque du Soleil dévoilait son tout nouveau spectacle Zumanity – qui sera installé en permanence à Las Vegas. On se targue souvent au Québec de le citer à titre d'exemple de succès. Or, en septembre 2000, l'un des co-fondateurs du cirque, Daniel Gauthier, confiait au magazine Canadian Business: Luc Plamondon a depuis plusieurs années écrit de nombreuses chansons qui comptent parmi les plus belles du répertoire de la chanson française. Est-ce qu'il y a des gens qui s'imaginent que depuis ses débuts il s'est toujours couché à neuf heures en buvant sa tisane? Quand l'on cessera d'être aussi hypocrite collectivement sur les ressorts de ce qui très souvent fonde la véritable excellence au masculin dans l'histoire passée comme présente, alors on pourra prétendre parler de transmission de modèles de réussite aux garçons en étant crédibles. Enfin une autre idée qui revient souvent est celle selon laquelle les étudiants masculins ont besoin qu'on leur parle de sport plutôt que de littérature ou d'arts. Pas de problème avec l'idée du sport à l'école. Cependant depuis quand sports et arts sont-ils opposés, sinon dans l'esprit d'individus parfaitement incultes? Dans sa jeunesse, l'idole de Woody Allen était la star du baseball Willy Mays, puis par la suite ce fut Reggie Miller des Pacers au basketball. Allen est encore aujourd'hui un grand amateur de sport. Ailleurs, le peintre Frank Stella comparait sa touche sur la toile à celle de Michael Jordan sur le terrain. Au début du 20ième siècle, le boxeur noir Jack Johson était admiré des surréalistes parisiens. Jean Cocteau tout comme Colette se passionnaient d'ailleurs pour ce sport. Idem pour quantité d'autres créateurs. Georges Plimpton, par exemple, était le parfait exemple où vie littéraire et sports professionnels faisaient bon ménage. Partout les exemples de ce type et ces interactions existent. Et les étudiants se passionnent pour la compréhension de ce type de choses. Un jour, parmi mes étudiants, j'ai eu un grand amateur de rap et de culture Hip Hop, puis une autre qui ne jurait que par les beaux-arts. Comment les rejoindre? La solution était simple. Je leur parlais alors de Jean-Michel Basquiat et de Keith Haring à travers l'histoire du break dancing – liens évidents entre les deux domaines. L'intérêt fut soutenu tant pour la fille que pour le garçon. Tant que l'on acceptera sans la questionner cette idée selon laquelle un diplôme et l'idée de succès à l'école riment nécessairement avec succès 10, 20 voire 50 ans plus tard (la chaîne PFK fut fondé par le colonel Harland Sanders, un décrocheur de 7e année, alors qu'il avait 66 ans) et de façon encore plus désespérante avec la notion d'excellence, on ne fera aucun progrès sur la question du décrochage scolaire des garçons. De même, le débat ne progressera pas tant qu'on n'aura pas le courage de mesurer l'ampleur des dégâts causés par la mode psycho-pédagogique avec son cortège d'insignifiances ayant remplacé les gens vraiment imaginatifs, cultivés et de talent dans nombre d'écoles. Enfin, on dit souvent que les garçons apprennent beaucoup en établissant des liens entre divers domaines. Pour en avoir eu de tous âges devant moi, je puis dire que c'est vrai. Mais pour avoir aussi côtoyé nombre de collègues profs gavés de psycho-pédagogie nulle et de sociologie de pacotille, je puis aussi dire: Comment espère-t-on que les étudiants établiront des liens entre plusieurs domaines tels les arts, les sciences, la poésie, les mathématiques ou les sports, quand la personne devant eux est incapable d'en établir? Dans la vraie vie, les gens hors normes sont souvent ceux qui font et ont fait avancer les choses dans le passé. Or, quelle leçon tire-t-on de cela en éducation? Aucune. Aujourd'hui, rien ne semble plus difficile à comprendre que la nécessité d'ouvrir la profession enseignante aux gens de talents et/ou d'expérience n'ayant pas nécessairement suivi exactement le parcours académique requis. Je me rappelle une certaine fille, c'était la meilleure prof de l'école. Cultivée, intuitive, enjouée, les filles et les garçons l'adoraient en plus d'apprendre énormément avec elle sur tous les plans. C'était la seule prof qui n'avait pas de diplôme en éducation. On comprendra peut-être cela au Québec dans dix ans. Même si chez nos voisins, un certain Thomas Sowell, lui, l'a déjà fait.
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