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Montréal, 15 avril 2004 / No 141 |
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par
André Dorais
À chaque fois que le prix de l’essence augmente on entend des hauts cris implorant le gouvernement d’y mettre fin. Les plus modérés demandent une énième étude sur le sujet, tandis que les autres se font juges et partis: Il y a conspiration et par conséquent il faut de plus grands contrôles, voire la nationalisation des pétrolières. Les politiciens répondent à la demande en taxant à coeur joie. Et si tout ce monde se trompait? |
La
volatilité des prix
On se plaint énormément du prix du pétrole. Pourtant il est resté très stable en 140 ans(1).
Ce qui dérange, c’est la volatilité quotidienne du prix de l’essence. Dans le domaine de l’énergie, on est habitué aux prix contrôlés par l’État. Il en est ainsi du monopole de l’électricité, établi par la force coercitive de l’État. Les gestionnaires de l’électricité doivent demander permission à un tribunal afin de déterminer le prix «juste». Ce processus est long, inefficace et tout à fait injuste, car si les consommateurs d’électricité ont l’impression d’y gagner en prix relativement stables, la contrepartie est qu’ils doivent payer davantage en impôts pour rétribuer ces fonctionnaires et politiciens qui auraient fait oeuvre plus utile s'ils travaillaient à créer de la richesse plutôt qu’à la redistribuer. Un autre problème, c’est que la plupart des gens ne s’attardent qu’au prix affiché plutôt qu’aux taxes cachées sous le prix et subrepticement tirées du chèque de paye. Il faut réaliser qu’un prix contrôlé par la force de la loi s’obtient nécessairement au détriment des contribuables qui le financent par les taxes et impôts. Un échange qui se fait au détriment de quelqu’un n’est pas le propre du capitalisme, mais du socialisme. Pour le capitaliste, le prix juste est un prix libre; s’il n’est pas libre, il n’est pas juste. Lorsqu’un échange est volontaire, chacun des partenaires y trouve son compte. Ainsi, mieux vaut un prix visible et volatil qu’une taxation cachée et toujours plus élevée. L’offre et la demande Plusieurs facteurs expliquent la hausse des prix du pétrole des dernières années. Parmi les plus importants, on peut mentionner la demande accrue de la Chine et les problèmes en Iraq, au Venezuela et au Nigeria qui affectent l’offre. La situation incertaine en Arabie Saoudite ajoute également une prime au prix du brut. Enfin, l’augmentation des «réserves stratégiques» américaines depuis l’attentat du 11 septembre 2001 et un hiver relativement rigoureux en Amérique du Nord sont tous des facteurs qui contribuent à hausser le prix du brut. À moyen et long terme, le développement des régions est-asiatiques et notamment de la Chine maintiendront une pression à la hausse sur les prix. En guise d’indicateur, la consommation individuelle japonaise est de 17 barils d’huile par année, 30 barils aux États-Unis et d’un seul en Chine(2). Étant donné la population de celle-ci et son développement rapide, on peut facilement envisager que sa consommation d’essence dépassera celle des États-Unis d’ici une ou deux générations. Il est improbable que les producteurs de pétrole pourront accommoder une telle demande sans hausser leurs prix. Du côté de l’offre, les découvertes risquent de se faire plus rares si les environnementalistes gagnent l’oreille des politiciens pour empêcher l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements. Cela contribue à la hausse des prix. La réglementation ne leur suffisant pas, ils demandent également la hausse des taxes pour s’assurer que plus personne ne bouge. Inconséquents, leurs alliés socialistes exigent alors le contrôle des prix. Belle équipe! Le seul point commun de cette alliance est de s'en remettre à la coercition de l'État plutôt que d'avoir à utiliser son intelligence.
Un peu à l’instar de la nourriture le prix du pétrole est volatil, car il est sujet à plusieurs variables sur lesquelles l’homme n’a aucun contrôle. Cependant, le prix du pétrole serait beaucoup moins volatil si les sociaux-démocrates de tout acabit cessaient d’encourager les hommes de l’État à taxer et exproprier les pétrolières. Les mêmes raisons expliquent également sa cherté relative. Le pétrole est en effet un bel exemple d’un prix artificiellement élevé par les gouvernements. Pourtant, c’est le capitalisme qu’on ne cesse de blâmer. Troquer l’or pour l’or noir? Les ressources naturelles sont évaluées sur les marchés mondiaux en dollars américains, une devise qui a perdu de son pouvoir d’achat par rapport aux autres à cause de la politique inflationniste de la Fed. L'inflation monétaire est une forme sournoise de taxation, qui se traduit inévitablement en hausses de prix. Pour compenser cette perte de valeur, les producteurs de pétrole exigent davantage de dollars. Lorsqu’une monnaie se dévalue rapidement les négociations se font plus ardues et les producteurs cherchent alors à être compensé par un autre moyen d’échange. Si les producteurs de pétrole décident d’être payés en or plutôt qu’en dollars, on n’a pas fini d’entendre chialer. Depuis la fin de 2000, le monde arabe possède une monnaie ancrée sur l’or: le «dinar électronique». Officieusement, l’Arabie Saoudite jongle également avec l’idée de faire de l’or son moyen d’échange(3). Considérant que la majorité des producteurs est établie au Moyen-Orient et qu’elle reçoit de moins en moins pour son pétrole parce qu’elle est payée en dollars américains, qui n’en finit plus de chuter, cette option est pleine de bon sens. Cette manière de se faire payer aurait comme principal avantage de remettre de l’avant un moyen d’échange honnête. Elle serait non seulement avantageuse pour les producteurs, mais pour tous ceux qui désirent revoir l’or comme monnaie. Cela serait un véritable pied de nez à l’Occident et sa monnaie de papier. L’impact économique serait tel qu’il pourrait enlever la raison d’être à un certain terrorisme. L’honnêteté a toujours été plus porteuse de leçon que l’agression. En somme, beaucoup de gens se plaignent de la volatilité des prix de l'essence et demandent un contrôle accru de l’État qui leur répond en les volant, eux comme les pétrolières, par la taxation, l’inflation et l’expropriation. On risque de les entendre davantage au cours des prochaines années étant donné la demande accrue des pays est-asiatiques, l’inflation qui se fait sentir et la probabilité croissante des producteurs de vouloir être payés en or plutôt qu’en dollars. Dans les circonstances, la meilleure chose à faire est d’investir un peu dans le pétrole et de diriger ce mécontentement là où il se doit, c’est-à-dire contre l’État.
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