Quant au « oui » libéral, il a été défendu par Jacques de Guenin(4). Il
écrit:
La construction de l'Europe unie aura été la grande
oeuvre de ma
génération, née avant la guerre de 39-40. Nous avons subi le nazisme, le
communisme et leurs cortèges d'horreurs. Nous avons vu tomber des
millions de personnes dans des conflits absurdes. Et auparavant, c'est à
chaque génération que les citoyens européens s'entretuaient…
Or, depuis
60 ans, il n'y a plus eu de guerre entre nous. Tel est le principal
résultat de la construction européenne. Devant ce résultat, tous les
autres arguments, pour ou contre cette construction, sont totalement
dérisoires. |
Il y a malheureusement un non sequitur dans cette argumentation motivée
par une inquiétude parfaitement respectable. Après la guerre, plus
aucune nation n'avait envie que se reproduisent les horreurs de
celle-ci. Avait-on besoin de le leur faire comprendre en les unifiant
politiquement? Certainement pas. Le facteur de paix est le fait d'avoir
le moins de
pouvoir politique possible et le plus de liberté économique possible, le
libre-échange. L'Europe unie a commencé par là et il fallait poursuivre
dans cette voie. Mais comme Hayek l'a bien dit, la logique du pouvoir a
transformé ce qui devait être un plan de paix en une construction
parasite: celle d'un pouvoir politique européen, centralisé et
tyrannique:
...l'énormité de l'appareil politique, son éloignement des citoyens dont
il envahit cependant toute l'existence, ne sont pas choses que les
hommes ont choisies de leur plein gré, mais la conséquence d'un
mécanisme animé d'une dynamique distincte qu'ils ont instauré sans en
prévoir les effets. (Hayek, «
La politique détrônée ») |
Et on voit mal comment la constitution, qui se situe dans cette logique,
évitera des conflits dont les conséquences sont incalculables.
Si la constitution est ratifiée, se posera alors le problème du pouvoir
d'influence des États membres. Car les règles constitutionnelles sont
principalement des règles de décision et d'organisation et non pas de
vraies règles constitutionnelles, à savoir des prohibitions garantissant
les libertés individuelles et le Droit. Or le pouvoir d'influence est
directement lié à la démographie, puisque l'Union européenne se targue
d'être une démocratie.
Lorsque les manoeuvres politiciennes mettront les populations européennes
devant le fait accompli de l'entrée de la Turquie dans l'UE, que peut-on
attendre? La réponse a été donnée par Alain Dumait(5):
Si la Constitution est adoptée, la Turquie disposera d'un poids
considérable: elle sera le plus important pays de l'Union et l'on a
calculé qu'elle aurait ainsi un droit de veto sur les deux tiers des
décisions communautaires. |
Non seulement « charbonnier ne sera plus maître chez lui », mais il
faudra encore se soumettre aux « lois » des étrangers devenus par la
magie politique des membres à part entière de la « communauté européenne ».
Le libre-échange, l'ordre spontané évolutif du droit privé, les droits
de propriété, la liberté de circulation dans le cadre d'un état de droit
auraient pu faire de l'Europe un espace de coopération entre des entités
politiques concurrentielles (voir l'article de Pascal Salin
dans le
présent numéro). La constitution en fera un espace de conflits
politiques et de marchandage, lourd de menaces pour l'avenir.
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