Sous la présidence de George Bush, on a vu aux États-Unis, surtout
après les attentats du 11 septembre, s'exprimer un courant politique
clairement inspiré du fascisme: culte du leader, du drapeau, de
l'État et de l'empire, glorification de la puissance militaire,
obsession de la sécurité, appels au sacrifice individuel en faveur
du groupe, mission de civilisation des barbares étrangers même s'il
faut tuer des dizaines de milliers d'innocents pour y arriver, etc.
Contrairement à la croyance populaire, ce qui définit essentiellement le
fascisme n'est pas la tyrannie politique et l'extermination des juifs et autres
minorités, mais bien l'étatisme et la glorification du groupe et de son
führer ou
duce, y compris dans un régime qui reste nominalement démocratique.
La philosophie économique
du fascisme étant le dirigisme et le
corporatisme, il ne fallait pas se surprendre de voir la présidence de W. se
terminer sur la quasi nationalisation du secteur financier et le plus
gigantesque programme d'intervention de l'État dans l'économie de toute
l'histoire humaine. George Bush n'a évidemment rien inventé, puisqu'en plus de
l'expérience européenne qu'on connaît bien, cette mouvance idéologique remonte à
au moins un siècle chez nos voisins. Les Roosevelt, autant Theodore que
Franklin Delano, étaient clairement des fascistes.
De la même façon qu'on
peut parler de « socialisme de droite » pour qualifier l'interventionnisme
étatique des gouvernements Bush,
Harper ou Sarkozy, qui redistribuent la richesse des contribuables vers les
banques, les grosses compagnies en semi-faillite et d'autres groupes d'intérêt
privilégiés, il est possible d'identifier un « fascisme de gauche » qui reprend
les aspects autoritaires et collectivistes du fascisme mais pour les appliquer à
des « valeurs » et des « causes » habituellement associées à la gauche. (Comme
je l'ai déjà écrit, les différences sont bien minces entre étatistes de
droite et étatistes de gauche.) Les années qui viennent pourraient bien être
dominées par ce discours fasciste de gauche.
Il y a quelques semaines,
des vedettes hollywoodiennes, incluant Ashton Kutcher et Demi Moore, ont par
exemple diffusé une autre de ces vidéos-propagande très populaires durant la
campagne présidentielle pour glorifier leur politicien favori, Barack Obama.
Celui-ci ayant été élu, la
Presidential Pledge Video vise non pas à susciter un appui électoral mais à
embrigader les citoyens en les amenant à manifester leur engagement envers leur
nouveau duce.
Après quelques extraits
lyriques d'un discours du duce sur fond de musique inspirante, les celebs
donnent le bon exemple en nous témoignant de leurs engagements (« I pledge this,
I pledge that... ») à militer en faveur de diverses causes dégoulinantes de
sentimentalité et de rectitude politique et à se comporter comme de bons
citoyens, y compris un engagement « to flush only after a deuce and not a
single » (tirer la chaîne uniquement après un pipi et un caca, et pas après
seulement un pipi). Inutile de parodier ces idiots, ils le font déjà
eux-mêmes...
La perspective fasciste
apparaît clairement vers la fin quand le chanteur rock Anthony Kiedis déclare
« I pledge to be of service to Barack Obama » en s'embrassant les biceps. « What's
your pledge? », répètent alors à tour de rôle les vedettes, pour faire sentir
coupable le spectateur qui n'a pas encore déterminé ce qu'il peut faire pour son
chef et son pays. (Le nom et le thème de la vidéo rappellent d'ailleurs le
Pledge of allegiance, un cérémonial d'embrigadement nationaliste auquel
doivent s'astreindre de nombreux écoliers américains, et dont on ne se
surprendra pas qu'il ait été
inventé par un militant socialiste américain à la fin du 19e siècle.
Puis, Demi Moore en
rajoute en s'engageant à être non seulement au service de son président, mais
carrément sa servante: « I pledge to be a servant to our president ». On voit
alors apparaître des dizaines de petites cases contenant chacune un des
artistes, qui rapetissent pour devenir un point composant l'image grandiose
(dans le plus pur style de l'art réaliste socialiste, ou fasciste, ou
réaliste héroïque, c'est très similaire) de..., vous l'avez deviné, du
président avec le Congrès et la Maison-Blanche derrière. Le message symbolique
est clair: nous ne sommes tous que des points insignifiants se fondant dans le
Grand Tout. Des drones au service de notre État et de notre führer.
Allez regarder
la
vidéo et essayez d'endurer cette horreur jusqu'à la fin. C'est à vomir. Tous
ces millionnaires qui font la leçon sur un ton infantilisant, et qui se servent
de leur notoriété pour faire la promotion du fascisme. C'est comme ça qu'on
justifie la violence étatique qui s'abat et va continuer à s'abattre sur le
peuple américain, au nom de bonnes causes, au cours des prochaines années: en
glorifiant celui qui va l'imposer et en appelant le bon peuple à se soumettre.
(La glorification de leurs présidents est d'ailleurs ce que sont censés faire
les Américains aujourd'hui à l'occasion du Presidents' Day, un congé férié.)
Une réplique (voir
ci-dessous) à la Presidential Pledge Video a été produite qui montre
d'abord un extrait de la fin, puis un Obama en
Locutus of Borg (la désignation du capitaine de l'Enterprise Jean-Luc Picard
après avoir été assimilé par les Borgs dans un épisode de Star Trek: The Next
Generation) disant, avec un total à-propos: « From this time forward, you
will service us ».
Il faudrait arrêter
d'avoir peur de nommer les choses par leur nom. Comme dans les années 1930,
l'État est en train de détruire systématiquement l'économie. Et le fascisme est
l'idéologie montante dans le soi-disant « land of the free ».