Montréal, 2 septembre 2000  /  No 66
 
 
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Martin Masse est directeur du QL. La page du directeur.
 
ÉDITORIAL
  
PQ VS PLQ: UN CHOIX 
ENTRE DEUX CORPORATISMES
 
par Martin Masse
  
  
          C'est la rentrée, et les cliques de politiciens qui se font concurrence pour nous imposer leurs solutions visant à assurer notre bonheur ont reparti leur cirque à Québec. Chacune tente de nous faire croire qu'elle est très différente de l'autre et que les solutions qu'elle a concoctées sont tout à fait originales.
 
          Ce sont les acrobates libéraux qui ont ouvert le spectacle cette saison avec un document thématique intitulé La liberté de choisir qui doit servir de base aux débats de leur congrès à la mi-octobre. Liberté de choix, c'est une notion qui nous plaît bien, ça, et qui a quelque rapport avec la pensée libérale classique ou libertarienne qui est la nôtre. On peut lire que « Le Parti libéral du Québec est l'héritier d'une tradition de formations politiques d'inspiration libérale qui remonte à près de 150 ans ». Wow! Un apparatchik du parti aurait-il par hasard lu le numéro spécial du QL sur Notre tradition libérale le mois dernier? Les libéraux auraient-ils décidé de renier 60 ans de social-démocratie et d'interventionnisme pour redécouvrir leurs véritables racines philosophiques? 
  
          Oubliez ça. Le numéro d'acrobatie tombe à plat, ce ne sont que quelques petites pirouettes intellectuelles, rien d'époustouflant. En tentant de définir ce qu'est un libéral au XXIe siècle, les auteurs donnent en fait une bonne définition de ce qu'est un social-démocrate modéré qui veut ratisser le plus large possible. Le document est un fourre-tout de voeux pieux et de notions contradictoires du genre « être plus sensible au développement des régions », « faire la promotion de la primauté de la personne », « appuyer l'économie du savoir », faire preuve d'une « volonté de changement », « favoriser l'égalité des chances », « encourager l'innovation », ou encore cette perle, « allier avec pragmatisme et efficacité deux tendances progressistes: la justice sociale et le dynamisme économique ». 
  
Choisissez: bureaucratie A ou bureaucratie B? 
  
          Ce que les penseurs libéraux ont imaginé pour nous faire croire qu'ils veulent nous laisser libres de faire des choix, c'est d'impliquer les citoyens un peu plus dans l'évaluation et la gestion des services étatisés, sans bien sûr remettre en question la mainmise de l'État. 
  
          En éducation et en santé par exemple, pas question de privatiser les écoles et les hôpitaux. On veut simplement permettre aux parents d'évaluer la qualité des écoles et des enseignants (et puis, que se passera-t-il après?) et on promet « une révision de l'organisation de l'enseignement de manière à mieux répondre aux attentes des parents et des élèves et ainsi leur assurer une plus grande liberté de choix à l'intérieur du système public (...) ». Bref, un choix libre entre une bureaucratie inefficace A et une bureaucratie inefficace B. On propose aussi l'adoption d'une « charte des droits du patient qui définira des délais d'attente raisonnables et qui assurera qu'à l'avenir, le fonctionnement du réseau et toute modification susceptible d'y être apportée se fera dans le respect absolu de droits reconnus aux patients ». Instaurer des « droits » supplémentaires abstraits et irréalistes pour les patients de façon à augmenter l'efficacité de notre système de santé soviétique, quelle trouvaille géniale! 
  
          Bref, on est bien obligé de le répéter à chaque nouvelle saison politique et à chaque congrès: malgré tout ce finfinage, le Parti soi-disant libéral du Québec reste un parti de guidounes social-démocrates et sa philosophie n'a rien à voir avec celle que défendaient les véritables libéraux du 19e siècle (voir LES GUIDOUNES DU PSDLQ, le QL, no 47). Ces derniers croyaient que l'État n'avait pas à régler tous les problèmes du monde et de sa voisine mais qu'il devait plutôt se contenter de protéger les droits individuels et de propriété, entretenir des infrastructures physiques pour favoriser le développement et laisser les gens vraiment libres de faire les choix qu'ils souhaitent dans une économie de marché pour le reste. 
  
Choisissez: corporatisme A ou corporatisme B? 
  
          Une mini-controverse a toutefois permis aux clowns qui partagent la scène avec les acrobates de faire semblant de se distinguer. C'est une petite phrase du président de la Commission politique libérale, Marc-André Blanchard, dénonçant le corporatisme dans le message de présentation du document, qui a tout déclenché: « Notre principal objectif est de redonner le contrôle au citoyen, à la famille, aux parents, à l'élève et au patient. Concrètement cela signifie entre autres de donner priorité aux personnes et de mettre fin à la domination des groupes d'intérêts sur le bien commun. » 
  
          Ce sont là de bien belles paroles d'inspiration libérale. Lorsque les élites et les groupes d'intérêts s'entendent entres eux pour se partager le pouvoir et le magot par-dessus la tête des citoyens, il n'y a bien sûr pas de liberté réelle pour ceux-ci. Sauf que cela ne correspond à rien dans les propositions concrètes du parti. Aussi longtemps que L'État contrôlera de vastes pans de l'économie et qu'il permettra aux mafias syndicales, patronales, professionnelles, communautaires et autres de s'enrichir avec nos taxes et de décider à notre place, les groupes d'intérêts vont continuer à avoir préséance sur les citoyens. Le PLQ ne remet rien de cela en question. Il n'en fallait toutefois pas plus pour faire bondir les comiques gouvernementaux. 
 
  
     « Aussi longtemps que L'État contrôlera de vastes pans de l'économie et qu'il permettra aux mafias syndicales, patronales, professionnelles, communautaires et autres de s'enrichir avec nos taxes et de décider à notre place, les groupes d'intérêts vont continuer à avoir préséance sur les citoyens. » 
 
 
          Selon l'ex-ministre et maintenant vice-présidente du Parti québécois, Marie Malavoy, le PLQ risque de bouleverser la paix sociale avec son nouveau programme. « Le modèle de Jean Charest propose une confrontation avec les partenaires de la société plutôt qu'une mobilisation de leur force pour faire progresser le Québec », a-t-elle déclaré en entrevue avec la Presse canadienne. Selon elle, l'opposition veut museler les syndicats, les associations étudiantes et les groupes socio-économiques et communautaires. « En diminuant le rôle du mouvement syndical, qui parlera au nom des travailleurs? En affaiblissant les associations étudiantes, qui défendra les intérêts des étudiants? Qui défendra les défavorisés? Doit-on diminuer l'influence du Conseil pour la protection des malades? » 
  
          « La société québécoise en est une de concertation (...) alors le Conseil du patronat joue un rôle, l'Alliance des manufacturiers aussi, de même que la CSN et la FTQ. Si la FTQ, en particulier, ne jouait pas le rôle qu'elle joue dans la société, est-ce qu'on aurait le Fonds de Solidarité? Est-ce qu'on aurait la paix industrielle que nous avons et la concertation que nous avons depuis des années? », a commenté de son côté le ministre des Finances, Bernard Landry. 
  
          Comme on le voit, plus d'un demi-siècle après son exécution, Mussolini reste toujours influent et sa pensée socio-économique, le corporatisme, est toujours bien vivante – au Québec. 
  
Une alternative au libéralisme et au communisme 
  
          Il est étrange que la philosophie qui domine les débats politiques au Québec, le corporatisme, ne soit pratiquement jamais nommée. On parle de néolibéralisme, de social-démocratie, de conservatisme et de progressisme, mais ce sont en fait des variantes du modèle corporatiste qui s'affrontent (voir notamment le livre du politologue Clinton Archibald, Un Québec corporatiste?, publié en 1983, qui passe en revue le développement de cette idéologie de 1930 à nos jours; et LE CORPORATISME, TOUJOURS L'IDÉOLOGIE OFFICIELLE AU QUÉBEC, le QL, no 1). 
  
          Le corporatisme a des racines profondes dans la pensée occidentale qui remontent à la doctrine catholique au moyen âge. Mais c'est à la fin du 19e siècle qu'il est devenu un programme concret chez ceux qui, d'abord en Europe, ont tenté d'élaborer une vision « organique » de la société. Les corporatistes contemporains sont avant tout des collectivistes nationalistes qui rejettent l'individualisme libéral et l'économie de marché parce que, disent-ils, le laisser faire et la compétition « atomisent » la société et génèrent trop d'inégalités et de divisions. Ils refusent toutefois l'alternative socialiste ou communiste parce qu'elle aussi est source de conflits et de divisions avec son programme de lutte des classes, son rejet utopiste de la propriété privée et son idéal égalitariste trop extrême. Pour eux, la meilleure façon de gérer les conflits et de garder l'unité de la nation est de réunir les dirigeants sectoriels autour d'une même table avec les dirigeants de l'État et de planifier le développement de l'économie et de la société sur la base de la coopération et du consensus. 
  
          Les corporatistes imaginent ainsi la société comme une sorte de corps avec des membres, chacun ayant sa fonction à jouer dans le développement harmonieux de l'ensemble. Ces membres, ce ne sont pas les individus, mais plutôt des groupes qui les représentent dans les milieux de travail et les autres domaines de la vie en société, et auxquels les individus doivent s'en remettre pour défendre leurs intérêts. Dans la doctrine sociale de l'Église, on parlait de « corps intermédiaires »; aujourd'hui, on parle plutôt de « partenaires sociaux » ou, plus prosaïquement, de groupes de pression et de lobbys. 
  
          Cette doctrine a été réitérée avec force par le pape Pie XI dans son encyclique Quadragesimo anno (La reconstruction d'un ordre social, 1931). Publié en pleine période de dépression économique, cet encyclique a inspiré de nombreux esprits horrifiés par ce qu'ils considéraient comme la faillite du capitalisme mais que le radicalisme socialiste ou communiste rebutait. Comme l'écrivait le père Georges-Henri Lévesque en 1933 dans un texte à saveur corporatiste, « ...mort à cet individualisme meurtrier qu'a enfanté un libéralisme économique inhumain, qui a accumulé tant de ruines et nous a jetés dans le désarroi infini où nous nous débattons aujourd'hui. »(1) 
  
L'héritage fasciste 
  
          Ce qu'on sait encore moins cependant, c'est que c'est la même idéologie qui a inspiré Mussolini en Italie, Salazar au Portugal et Franco en Espagne. 
  
          L'idéologie fasciste, c'est en effet autre chose qu'un chef omnipotent qui fait zigouiller tout le monde selon son bon vouloir, comme on a souvent tendance à le croire. Si on fait abstraction des aspects violents et bizarres de ces régimes, le modèle socio-économique qui correspond au fascisme est le corporatisme. Ainsi, comme l'explique Clinton Archibald, en Italie: 
          Les syndicats faisant partie du mouvement fasciste croyaient qu'ils pouvaient développer un système de relations employeurs-employés, basé sur la collaboration des classes sociales, qui, malgré leur opposition naturelle, seraient animées d'idées nationalistes louangeant la primauté de la nation, comme étant le plus grand bien terrestre. Ces syndicats fascistes, avec l'aide de Michele Bianchi et Edmondo Rossini, furent d'ailleurs créés avant même que Mussolini ne prenne le pouvoir en 1922. 
  
          L'État fasciste qui allait naître, peu après, constituait la raison d'être de toute l'activité humaine. D'ailleurs, le cri tout dans l'État, rien contre l'État, rien hors de l'État était un des leitmotive les plus utilisés de Mussolini. Mais comme l'indique Lowell Field, l'État fasciste, c'était aussi un système organisationnel incluant séparément dans des syndicats et conjointement dans des corporations les employeurs et les travailleurs de tout champ de production. 
  
          Bien sûr, en cas de conflit, ce serait l'État qui constituerait l'arbitre final. Dans les corporations donc, les deux facteurs de production devraient, sous la médiation de l'État parfois, fournir leur propre auto-discipline dans toutes les activités économiques. Du développement de ces institutions naît l'État corporatif ou corporatiste. (p. 23-24)
          On reconnaît bien là des éléments clé du numéro de cirque péquiste: étatisme, collaboration des acteurs sociaux dans une économie planifiée, syndicats omniprésents, primauté de la nation. Le PQ se targue d'incarner la modernité politique et d'avoir un programme avant-gardiste. C'est pourtant l'avant-garde des années 1930 qu'il représente. 
  
          Depuis le premier Sommet socio-économique du régime péquiste en 1977, en passant par les dizaines de sommets régionaux ou sectoriels et jusqu'au dernier grand sommet de 1996 présidé par Lucien Bouchard, la « concertation » – ou, du moins, une façade de concertation pour justifier les décisions de l'État – a été au coeur de l'action gouvernementale du PQ. Il suffirait d'ajouter quelques sigles contemporains tels que CPQ, CSN, FTQ, FFQ, FCEI, OCQ, etc., pour reconnaître, dans cette autre apologie du corporatisme présentée en 1936 lors des Semaines sociales du Canada, le modèle de concertation sous l'égide de l'État qui nous est familier aujourd'hui: 
          Chaque corporation formée, il ne faut pas s'en tenir là; il faut enfin faire l'unité entre les diverses corporations d'une même nation, en leur montrant le bien commun de la nation, en leur faisant bien comprendre que toute la nation sera d'autant plus prospère et plus puissante que chaque individu et chaque profession s'appliquera plus fidèlement à exercer sa spécialité, même à y exceller. C'est pourquoi, au-dessus de l'organisation corporative, il faut nécessairement l'organisation intercorporative; il faut que les délégués des différentes corporations (par exemple, de toutes les corporations de la province de Québec) se réunissent de temps en temps pour étudier et promouvoir l'intérêt de l'ensemble des professions, voir à ce que l'intérêt de chaque corporation soit en harmonie avec l'intérêt de l'ensemble et faire des règlements généraux; sans quoi, l'organisation corporative deviendrait bientôt un instrument de désordre; car, si l'égoïsme individuel est possible, il peut aussi, hélas, y avoir l'égoïsme corporatif(2).
          Les dénonciations que l'on entend habituellement visent moins le corporatisme comme système collectiviste et liberticide de planification de la société que l'« égoïsme corporatif » contre lequel cet auteur met en garde. Par exemple, les péquistes ont sans doute peu de sympathie pour les mongols syndiqués venus faire du grabuge lors de leur récent congrès à Trois-Rivières pour dénoncer la perte appréhendée de certains de leurs privilèges dans le projet de réforme municipale. Mais leur solution sera bien sûr de trouver un compromis au sommet pour contenter les élites plutôt que de démanteler le racket de protection qui est à la source du problème. Bref, du péquisme d'aujourd'hui au corporatisme proto-fasciste des années 1930, la filiation est directe.  
  
Influence italienne: fascisme, mafia, spaghetti... 
  
          Pas encore convaincu? Les parallèles sont pourtant légion. Comme on le voit, même les puissants syndicats fascistes de l'Italie de 1930 ont leur pendant aujourd'hui, dans nos mafias syndicales à l'influence démesurée. Comment ne pas s'inquiéter lorsqu'un chef syndical aux convictions clairement collectivistes devient l'homme à tout faire de l'État pour gérer les conflits entre les différents membres du « corps social »? L'ex-président de la CSN Gérald Larose préside ces jours-ci des consultations publiques sur les griefs des groupes communautaires qui trouvent que l'État leur impose trop de restrictions. Ces pauvres parasites voudraient pouvoir faire ce qu'ils veulent avec les 350 millions $ par année qu'ils reçoivent, et l'ex-syndicaliste est chargé de trouver un consensus sur la meilleure façon de gérer ce financement et les rapports entre ces groupes et l'État. 
  
          Dans les prochains mois, monsieur Larose présidera par ailleurs une autre grand-messe pour groupes de pression, les États généraux sur la langue, encore une fois prétendument dans le but d'assurer la paix linguistique mais surtout pour obtenir un consensus sur le type de coercition et de persécution étatique de la minorité anglophone qui sera considéré comme acceptable par les élites. Dans les deux cas, le débat se fait entre l'État et les porte-parole de groupes qu'il finance et qui prétendent parler en notre nom. La liberté et les droits individuels ne sont évidemment pas à l'ordre du jour. 
  
          Les penseurs du Parti libéral voient bien, dans leurs rares moments de lucidité, que c'est ce corporatisme qui engendre la pourriture actuelle de la politique québécoise. Mais les soi-disant libéraux sont bien trop corrompus par les mêmes idées, trop lâches et opportunistes pour s'y attaquer vraiment de front. Les remises en question du « modèle québécois » qu'ils proposent ne sont que des réformettes qui ne changeront rien de fondamental. Entre les acrobates corporatistes à prétention libérale et les clowns corporatistes socio-démocrates, il n'y a toujours pas vraiment de choix à faire, même si nous sommes théoriquement libres de choisir. 
  
  
1. Considéré dans la mythologie nationalo-gauchiste actuelle comme un défenseur de la liberté parce qu'il s'est opposé à Duplessis, Georges-Henri Lévesque n'était en fait qu'un des nombreux démagogues collectivistes de l'époque. Il écrivait également en 1933 dans L'Action nationale: « ...coopération appelle direction comme individualisme appelle anarchie. Des forces qui veulent collaborer requièrent absolument, au-dessus d'elles, un principe directeur qui les organise et les oriente vers le bien de tous et chacun. (...) D'où le souci de dresser un plan économique et de constituer un organisme central, un conseil économique national, qui présidera à la réalisation de ce plan. (...) Ce que nous voulons, avec le Pape, c'est une activité économique exercée directement, autant que possible, par les individus et les organismes privés, mais "dirigée, surveillée, stimulé, contenue" (Quadragesimo Anno) par l'État , ou, mieux encore, par un Conseil Économique National qui recevrait son autorité de l'État. » (cité dans Vincenthier, Georges, Histoire des idées au Québec, 1983).
    Peut-on s'étonner de la prépondérance des idées corporatistes dans le Québec d'aujourd'hui quant on sait que le dominicain a formé – à l'École des sciences sociales de l'Université Laval qu'il a fondée – et conseillé des dizaines de politiciens et technocrates qui ont accompli les réformes des années 1960 et 1970? Parmi ceux-ci, on compte notamment Jean Lesage, René Lévesque, Claude Morin, Michel Bélanger. Le père Lévesque a aussi été le maître à penser des syndicalistes Marcel Pépin, Fernand Daoust et Jean Marchand, et de toute la génération de sociologues, politicologues et autres penseurs nationalo-gauchistes comme Léon Dion, Guy Rocher et Fernand Dumont, qui ont dominé le monde académique québécois des années 1960 aux années 1990.  >>
2. Jean-Baptiste Desrosiers, La corporation: nature et structure, cité dans Vincenthier, ibid.  >>
 
 
Articles précédents de Martin Masse
 
 
 
  
Le Québec libre des nationalo-étatistes  
L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
  
        « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »    

Alexis de Tocqueville   
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840) 

 
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