La théorie fallacieuse de la pénibilité du travail* |
Un concept bien ficelé qui revient toujours dans la bouche des champions
du socialisme en Belgique est celui de la pénibilité du travail, qui
entraîne un « droit » à une pension soit prématurée, soit mieux rémunérée,
voire les deux. Le cas des fonctionnaires de la Société nationale des
chemins de fer belges est particulièrement criant à cet égard. Avant
d'aborder le sujet, considérons un peu les points suivants.
Le concept de droit
D'abord, revenons au concept de droit qui, sous les coups de butoir des
positivistes, a été dévoyé, maltraité, manipulé et transformé pour
justifier l'intervention de l'État et de son monopole de la violence
dans nos vies. Un droit est caractérisé par l'exercice naturel d'une
liberté (ex.: le droit de respirer, d'exprimer son opinion, de ne pas
être d'accord, de se déplacer…) tant que celle-ci ne nuit pas aux droits
d'autrui (principe de non-agression, de non-entrave aux libertés et
droits d'autrui).
Dans le monde du travail, cela se traduit pour quiconque par le droit de
chercher un emploi ou d'entreprendre dans n'importe quel domaine pour
lequel il sera rémunéré à la hauteur de la valeur concédée par le
preneur de ses biens ou services dans un contexte de libre marché et de
libre fixation des prix selon la loi de l'offre et de la demande. N'en
déplaise aux politiques, fonctionnaires et autres bêtes étatiques, leur
« travail » repose sur une agression vis-à-vis des acteurs privés qui
n'ont pas librement consenti à leurs postes, rémunérations et avantages
sociaux. Si j’ai tort, je demande que l'on me produise le contrat
d'embauche signé pour chaque politique et fonctionnaire (y compris les
fameux emplois subventionnés dans les associations sans but lucratif et
autres organes paragouvernementaux) sur lequel tous les habitants du
Royaume auront apposé leur signature, et ce individuellement.
Au passage, le raisonnement est le même avec ces grandes entreprises,
lobbies et corporations de touts sortes qui obtiennent des privilèges de
l'État afin de se partager le marché après avoir évincé la concurrence.
Il y a une violence faite à l'individu via l'utilisation du bras armé de
l'État et de ses lois abusives. C'est un rapport non consenti et donc
une violation du Droit naturel. La résultante est une charge accrue pour
le consommateur forcé de payer des prix plus élevés. Il se peut aussi
que ce dernier n’ait dès lors pas les moyens de payer de tels prix, le
privant tout simplement de ces biens et services. Le « salaire » via le
monopole de l'État est une rente non consentie par une large frange de
la population qui en paie le prix, tantôt en monnaie sonnante et
trébuchante, tantôt sous la forme de privations ou pénuries.
J'ai le droit de chercher du travail. Personne ne peut m'en empêcher. Je
n'ai pas le droit de forcer autrui à me verser un revenu via le monopole
de la violence de l'État. Personne n'a l'obligation de me donner un
travail car, dans un tel cas, il ne s'agirait pas ici du libre exercice
d'un droit et donc d'une liberté individuelle, mais de l'octroi d'un
privilège, créant dès lors une caste de personnes mieux loties. Nous ne
sommes plus alors dans une logique où mes clients consentent à me verser
un revenu qui viendra constituer mon salaire, charges déduites, mais
dans une logique d'agression via la confiscation par la voie fiscale
et/ou législative d'une partie du revenu de l'un pour donner à l'autre
privilégié.
Il y a bel et bien une violation des droits naturels de l'individu
dépouillé d'une partie de son revenu pour venir enrichir celui qui aura
obtenu gain de cause. Cette violation est matérialisée par des prébendes
et privilèges. Même dans le libre marché, je ne peux forcer autrui à me
payer plus que le prix de l'utilité que ma contrepartie est prête à
m'accorder pour le bien ou service que je mets en vente. Chercher un
travail et offrir ses biens et services dans le cadre du libre marché
dans une approche mutuellement volontaire est parfaitement en harmonie
avec le Droit naturel. Revendiquer le « droit » au travail en obtenant un
privilège d'État via la création d'une rente requalifiée en salaire en
constitue une violation pure et simple.
Le concept de pension
Cette clarification étant maintenant faite, penchons-nous un peu sur la
question de la pension. Sa définition est très simple: il s'agit en fait
d'une partie du revenu que l'on diffère dans le temps afin de s'assurer
un revenu futur une fois la retraite arrivée. Je cotise aujourd'hui à
échéances régulières (tous les mois par exemple) afin de percevoir un
pécule pour mes vieux jours. En assurance, il s'agit d'une rente viagère
qui s'éteint au décès de l'assuré bénéficiaire. À noter que le principe
de la rente viagère en assurance repose sur la capitalisation. Les
sommes que je verse tous les mois sont capitalisées et portent donc
intérêts jusqu'à la date de la retraite où l'assureur passe du statut de
créancier à celui de débiteur. Il paie la rente selon les termes du
contrat passé avec le désormais retraité.
Les premiers assureurs étaient en fait des caisses de secours mutuel
apparues en Occident dès le Moyen Âge et dont l'essor alla de pair avec
la révolution industrielle dès la seconde moitié du 18e siècle. Cet
ordre basé sur la responsabilité individuelle, la prévoyance et la libre
contractualisation a été perturbé par l'apparition de la pension par
répartition sous Bismarck au 19e siècle en Allemagne. Son principe
repose sur le modèle suivant: les personnes actives, en emploi,
cotisent pour financer le paiement d'une rente aux non actifs,
c'est-à-dire les pensionnés. On a ainsi progressivement assisté à une
éviction du système privé par capitalisation au profit du modèle
étatique par répartition. C'est Hitler qui généralisera le monopole du
système par répartition, qui sera vite repris par le régime de Vichy. La
France et la Belgique ne l'ont pas abandonné depuis. Les États
européens, à des rares expressions près en raison de réformes (par
exemple, la Suède), obéissent à ce modèle caractéristique de
l'État-providence.
Le système de pension par répartition repose sur l'équation simplissime
suivante: nombre d'actifs X cotisation moyenne = nombre de retraités X
retraite moyenne. L'État se positionne donc comme la contrepartie unique
vis-à-vis des cotisants et des bénéficiaires de cette rente qui n'ont
plus vraiment à savoir comment, où et à quel prix tirer le meilleur
rendement de leurs cotisations. Ces dernières sont d'ailleurs passées du
statut libre au statut forcé. Chaque allocataire potentiel n'est plus
invité à l'exercice de ses propres droits naturels selon sa
responsabilité individuelle et dans le respect des droits naturels
d'autrui. Bien au contraire, chaque allocataire présent ou à venir se
transforme en un lobbyiste ou mercenaire qui n'aura d'autres buts, à
l'instar des nobles et aristocrates de l'ère précapitaliste, de
quémander et obtenir prébendes et privilèges dus à son rang et à sa
condition (du moins le pense-t-il avec conviction).
On voit ainsi fleurir une multitude de régimes de pension d'État aussi
complexes qu'inégaux et injustes, faisant la part belle aux politiques
et à leur clientèle électorale, à savoir les fonctionnaires. C'est
logique car ils ne résultent pas de la libre négociation entre les
acteurs économiques. Ils n'émanent pas de la libre concurrence entre les
parties, de la contractualisation volontaire, de la coopération sociale
et du principe de non-agression. On comprend dès lors très vite comment
ce système de pensions géré par le monopole de l'État dégénère en une
affreuse machine aux bureaucraties pléthoriques et procédures complexes,
en plus de provoquer lentement mais sûrement la désintégration du lien
social entre les individus de cette même société.
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« La théorie fallacieuse de la
pénibilité du travail est la conséquente directe du système
étatique de pension par répartition où l'on préfère
dépouiller son voisin plutôt que le servir. » |
La théorie fallacieuse de la pénibilité du travail est la conséquente
directe du système étatique de pension par répartition où l'on préfère
dépouiller son voisin plutôt que le servir. Plus grave encore, ce
système de transfert des charges et rentes entre les travailleurs et les
pensionnés est source de conflits intergénérationnels, d'autant plus
exacerbés par l'inversion de la pyramide des âges, l'augmentation du
chômage, la congestion du marché du travail en raison d'un code
législatif complexe et surabondant, et une fiscalité spoliatrice.
Ceci nuit évidemment au développement du secteur privé au détriment du
secteur public, ce qui contribue à accentuer la pression sur ceux qui
produisent au profit de ceux qui vivent de la production d'autrui (avec
en plus la sécurité de l'emploi pour ces derniers). L'effet d'éviction
tend à accroître les exigences en termes de productivité vis-à-vis des
salariés privés et indépendants qui se retrouvent dans une situation
d'asservissement et travaillent dans des conditions de plus en plus
pénibles à défaut d'une répartition équilibrée de la charge de
production de bien et services réels. Il y a là tous les ingrédients
pour un savant cocktail menant à terme à de graves conflits sociaux et à
la révolution lors de l'effondrement du système, qui n'est rien d'autre
qu'un système de Ponzi.
Comme l'énonçait très justement l'excellent Frédéric Bastiat, « L'État
est cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de
vivre aux dépens de tout le monde ». Il n'est donc pas étonnant que, dans
ces conditions, un concept comme la pénibilité du travail soit apparu
sur toutes les lèvres avec, selon les opportunités offertes:
-
la
diminution de l'âge de la pension;
-
l'introduction du concept de prépension;
-
la
réduction des cotisations des uns pour augmenter celles des autres,
voire même l'absence (ex.: pour les fonctionnaires communaux et
provinciaux, la quote-part employeur n'étant pas versée par les
communes et provinces);
-
la
garantie de prestations plus élevées pour certains;
-
la mise en
place conjointement d'un système par capitalisation pour les hautes
castes (ministres, députés, sénateurs.).
Sans nier le caractère pénible de certains métiers tant au plan physique
qu'au plan psychique, on comprend très vite la teneur et l'importance de
cet argument fallacieux pour augmenter l'intrusion de l'État dans la vie
des personnes jusqu'à régenter leur durée de carrière. Pour rappel,
au-delà de 65 ans, les conditions d'exercice d'une activité rémunérée
sont très limitatives, même si les choses s'améliorent devant la
faillite du système public.
Le concept de pénibilité du travail
Explorons maintenant le concept de pénibilité du travail.
Jusqu'après la moitié du 20e siècle en Belgique, l'extraction du charbon
de manière manuelle était pénible et rébarbative, en plus de se faire
dans des conditions de travail déplorables. Les risques de blessures ou
d'accidents mortels étaient élevés. On frémit d'horreur de nos jours à
l'idée que femmes et enfants descendaient dans la mine et c'est tout à
fait normal selon notre échelle de valeurs actuelle. Mais comment se
fait-il que, de nos jours, même dans une Wallonie socio-économiquement
très mal en point, plus aucun enfant, plus aucune femme ne doivent
descendre à la mine? Certes, la fermeture des mines peut être invoquée
mais alors la région aurait dû être désertée. Or, il n'en en rien. La
meilleure explication réside dans le concept de destruction créatrice de
Joseph Schumpeter.
Des industries disparaissent ou se restructurent en profondeur tandis
que d'autres apparaissent sur fond d'innovation et de recherche et
développement. Mais ce processus n'est possible qu'à travers
l'accumulation du capital et l'augmentation de l'investissement en
capital par travailleur dans des nouveaux secteurs et créneaux porteurs.
Il faut du capital pour alimenter la dynamique créatrice et productive,
ce qui implique de payer les salaires idoines au fur et à mesure que les
profits sont générés.
Les progrès de l'industrie du textile, de l'agriculture et du commerce
d'import/export ont engendré des bénéfices qui ont permis l'accumulation
de capitaux. Capitalistes et entrepreneurs se faisant la compétition
pour attirer les meilleurs travailleurs : c’est cela qui a tiré les
salaires à la hausse, notamment sous la pression provoquée par
l'augmentation du capital investi par travailleur. Même les
entrepreneurs et capitalistes non présents dans les industries les plus
florissantes ont dû concéder des hausses salariales afin de retenir la
main-d'oeuvre nécessaire dans leurs secteurs respectifs.
Quasiment plus personne ne meurt dans les mines de charbon exploitées en
Europe de nos jours, très souvent à ciel ouvert d'ailleurs. C'est encore
le cas dans l'ouest de la Chine, où meurent en moyenne 3 000 mineurs
tous les ans. Voilà un exemple criant de pénibilité du travail faute
d'investissements et de liberté d'entreprendre. Leur travail est pénible
et dangereux, mais c'est justement le manque de capital et
d'investissement dans des outils modernes qui est à blâmer, en plus
d'une absence de liberté d'entreprendre et donc d'innover.
Il faut dire qu’en Belgique aussi, vu le Code du travail, la fiscalité
spoliatrice, le coût du travail, le terrorisme syndical et les
conditions d'accès au permis d'exploitation, ce processus a été
largement freiné. Nous vivons plutôt sur nos chers acquis en ce moment,
ce qui nous amène à consommer le capital accumulé et à nous rendre la
vie pénible à nouveau dans un futur proche. Que penser de tous ces
freins à l'innovation non par manque de capitaux (étrangers, notamment)
devant le principe de précaution cher aux écologistes de tout bord? Ce
n’est rien d'autre qu'un frein à la disparition de la pénibilité du
travail.
Un job chez McDo peut bien sûr être perçu comme rébarbatif, voire
humiliant, surtout s'il est proposé à une personne diplômée. Mais il n'y
a que des intellectuels à la recherche de la rente étatique (s'ils ne
l'ont pas déjà trouvée…), en mal de reconnaissance publique et méprisant
le libre marché (car ils n'y seront pas rémunérés à hauteur de leur
prétendue grandeur) pour développer une telle image du marché du
travail.
Si je dois me maintenir dans de tels emplois, je le fais sur une base
volontaire. Personne ne m'oblige à continuer. J'ajouterai aussi que les
contraintes familiales et autres charges découlant d'une situation
privée ne sont pas la responsabilité de l'employeur. Le salaire raboté
par l'État et ses ponctions abusives ne relèvent pas de la
responsabilité de l'employeur également (près de 250 EUR sont décaissés
par l'employeur pour 100 EUR net en moyenne dans la poche du salarié
belge). Nous ne sommes pas sur Terre pour vivre sur le compte d'autrui
(sauf si c'est une relation librement consentie). Personne ne me doit
une vie et des standards élevés. Également, ce n'est pas la fonction qui
t'honore mais la manière dont tu la remplis.
L'économie de libre marché, la propriété privée consacrée par des
institutions immuables et la parfaite souplesse du marché du travail
sont les leviers nécessaires pour accéder à des standards de vie plus
élevés, y compris des méthodes de production moins pénibles pour les
individus. Réclamer de l'État qu'il intervienne dans l'économie à
tout-va, provoquer des distorsions dans le système de formation des
prix, freiner voire stopper l'innovation, empêcher l'accumulation du
capital, entretenir un système de politiques, fonctionnaires et
transferts sociaux croissants… tout cela aura pour résultat de nous
rendre la vie bien pénible. Surtout celle de nos enfants et de nos
petits-enfants.
*Cet article est une version écourtée et adaptée d’un texte d'opinion
d'abord publié le 18 octobre 2013 sur
CONTRARIO.
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Première
représentation écrite du mot « liberté » en Mésopotamie,
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