Préface de L'âge d'or du libéralisme français,
de Robert Leroux et David M. Hart |
Le nouvel ouvrage de Robert Leroux et David M. Hart, qui couvre plus
d'un siècle d'histoire intellectuelle, retrace les succès et les échecs
du libéralisme français, en laissant la parole à ceux qui, de Benjamin
Constant à Gustave de Molinari, l'ont façonné et ont contribué à le
diffuser.
Cet important courant de pensée, qui prend un essor
considérable au lendemain de la Révolution française, est souvent connu
de manière superficielle, réduit à quelques auteurs célèbres. En
réalité, les grands changements du temps ont eu d'innombrables témoins
chez les libéraux. Provenant de différents horizons intellectuels, ils
ont défini les principes d'une société libre; d'où leur acharnement à
combattre le protectionnisme, le socialisme ou le communisme.
Utopistes,
les libéraux l'ont sans doute été, dans la mesure où ils ont mis leur
doctrine au service d'une société à faire et à définir. Mais ils ne se
sont pas limités à contester l'ordre social et à appeler de leurs voeux
diverses réformes; ils ont aussi largement contribué au développement
des sciences sociales et de plusieurs disciplines comme l'économie
politique, l'histoire, la sociologie, la philosophie et même la
littérature.
Chacun des textes est accompagné d'une présentation
biographique de son auteur, puis de quelques commentaires sur la nature
de son apport à la pensée libérale. C'est, au total, pas moins de quatre
générations de penseurs qui se tendent la main à travers le XIXe siècle
et qui offrent ainsi une vue d'ensemble de ce qu'on peut appeler « l'âge
d'or du libéralisme français ».
Nous publions ici la préface de
Mathieu Laine ainsi que la
table des matières,
avec l'aimable permission des auteurs.
* * *
Préface
L'Âge d'or du libéralisme
français est un véritable
trésor. Une mine remplie des plus beaux diamants intellectuels que la
pensée libérale a pu produire. Le travail de sélection de Robert Leroux
et David M. Hart, passés maîtres dans l'art subtil et savant de
l'extraction des plus beaux textes – et ils sont nombreux ! – que le
XIXe
siècle a offerts à l'humanité,
produit l'effet d'un souffle vertueux.
Du grand Benjamin Constant au visionnaire Gustave de Molinari (son
Ultima verba
est prophétique) en passant par
le génie Jean-Baptiste Say, l'audacieuse et courageuse Germaine de Staël
et l'immense Frédéric Bastiat, c'est un feu d'artifice de liberté qui
explose à chaque page, un délice pour l'oeil, l'esprit, l'éthique
universelle et personnelle. Car ces textes ont en commun d'allier la
finesse et l'élégance de la plume, la précision du raisonnement, une
puissante modernité et une incroyable capacité d'innovation dans des
champs aussi variés que l'économie, la sociologie, la philosophie, le
droit ou la morale.
Bien entendu, c'est pour la succession inédite de ces grands penseurs de
la liberté que le XIXe
siècle peut effectivement être
considéré comme un véritable « âge d'or » pour le libéralisme français,
et non pour les politiques menées (autoritarismes napoléoniens, régimes
monarchiques conservateurs, la Révolution de 1848 marquée par
l'opposition violente entre divers courants constructivistes, etc.).
Mais c'est bien le bonheur de cet ouvrage de nous replonger dans une
pensée qui a su résister aux tyrans comme aux modes et penser avec tant
de justesse l'action humaine face aux interventionnismes de toute
espèce.
De cette heureuse promenade, qui puise parfois dans le célèbre
Journal des économistes
du visionnaire Gilbert
Guillaumin, on retiendra notamment, sans goût prononcé du paradoxe, que
le libéralisme n'est pas un simple économisme, comme ses ennemis veulent
souvent le réduire, mais bien un humanisme fondé sur un corps de
principes essentiels à la préservation des droits fondamentaux de l'être
humain. Car ces penseurs ne sont pas les enfants de la révolution pour
rien (on lira Charles Dunoyer sur les révolutions et les
révolutionnaires). C'est pour protéger l'individu de l'arbitraire que le
droit – naturel – de propriété est sanctifié chez Pierre-Louis Roederer,
Charles Comte ou Léon Faucher. Ce n'est pas un vain mot pour Tocqueville
de défendre la liberté de la presse ou pour Daunou de combattre pour la
liberté d'expression. Et toute personne regardant avec objectivité cette
pensée comprend qu'elle s'est très logiquement opposée autant au
colonialisme du XIXe
siècle (lire le texte d'Yves Guyot) et aux tyrans de son époque
(on relira Benjamin Constant sur l'usurpation et le despotisme de
Napoléon) qu'elle ne s'élèvera avec force contre tous les totalitarismes
du siècle suivant.
|
« C'est bien le bonheur de cet
ouvrage de nous replonger dans une pensée qui a su résister
aux tyrans comme aux modes et penser avec tant de justesse
l'action humaine face aux interventionnismes de toute
espèce. » |
Ce livre qu'on dévorera, comme je l'ai fait, d'une traite, en jubilant,
ou dans lequel on picorera avec gourmandise, recèle autant de pépites
insoupçonnées que de monuments de la pensée (on pense par exemple aux
fameux « L'État » et « Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas » de
Frédéric Bastiat, que tout
honnête homme devrait avoir lu au moins une fois dans sa vie,
ou encore ce plaidoyer sublime de Jean-Baptiste Say pour l'entrepreneur,
redécouvert depuis par Schumpeter puis par Kirzner).
Il est livré à son public, que j'espère nombreux, à un moment clé où le
monde se partage entre ceux qui, happés par la pensée magique,
troqueraient volontiers leur liberté pour maintenir l'illusion d'une
(fausse) sécurité et s'enchaînent d'ores et déjà aux mensonges du
socialisme de gauche, de droite et d'extrême gauche et d'extrême droite,
et ceux, de plus en plus nombreux, qui aspirent à recouvrer ces valeurs
premières qui font le bonheur des peuples en restaurant les droits de
chacun.
Nul doute que cet ouvrage savant et accessible servira la noble cause de
ces derniers et qu'au-delà du plaisir réel d'une lecture délicieusement
enrichissante, il contribuera, dans la lignée d'un Benjamin Constant
rayonnant autant sur la perfectibilité de l'être humain que sur la
liberté individuelle, à l'élévation des esprits et au triomphe annoncé
du pluralisme et de la liberté. Ou mieux encore, comme l'avance Madame
de Staël, de « l'amour de la
liberté » !
* * *
Table des matières
Préface : 3
Introduction : 5
- 1 - Benjamin Constant et la perfectibilité de l'homme (1805) : 13
- 2 - Pierre-Louis Roederer et le droit de propriété (1800-1801) : 19
- 3 - Jean-Baptiste Say et la division du travail (1803) : 31
- 4 - Antoine Destutt de Tracy et l'Esprit des lois de
Montesquieu (1819) : 45
- 5 - Benjamin Constant sur l'usurpation et le despotisme (1814) : 55
- 6 - Charles Comte et la revue Le Censeur (1814) : 71
- 7 - Charles Comte et les causes de la guerre en Europe (1815) : 75
- 8 - Charles Dunoyer sur les révolutions et les révolutionnaires (1815)
: 91
- 9 - Benjamin Constant et la liberté individuelle (1815) : 101
- 10 - Pierre-Jean de Béranger et ses chansons sur la liberté et la
politique (1847) : 111
- 11 - Charles Comte et Charles Dunoyer et la revue Le Censeur
européen (1817) : 117
- 12 - Antoine Destutt de Tracy et la société (1817) : 123
- 13 - Germaine de Staël et l'amour de la liberté (1818) : 133
- 14 - Pierre Daunou et la liberté d'expression (1819) : 141
- 15 - Charles Dunoyer et la question de la liberté chez les peuples
industrieux (1825) : 159
- 16 - Charles Comte et la nécessité de protéger la propriété contre
l'État et l'usurpation (1834) : 175
- 17 - Alexis de Tocqueville et la liberté de la presse (1835) : 187
- 18 - Gustave de Beaumont et la nécessité d'abolir l'aristocratie en
Irlande (1839) : 197
- 19 - Charles Dunoyer et le rôle du gouvernement (1845) : 211
- 20 - Frédéric Bastiat et la question du libre-échange (1846) : 225
- 21 - Ambroise Clément et la spoliation légale (1848) : 235
- 22 - Charles Coquelin et le crédit et les banques (1848) : 249
- 23 - Gustave de Molinari et la production de la sécurité (1849) : 265
- 24 - Frédéric Bastiat et l'État (1848) : 279
- 25 - Frédéric Bastiat et ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas (1850)
: 289
- 26 - Michel Chevalier et le protectionnisme (1852) : 293
- 27 - Léon Faucher et la propriété (1852-1853) : 299
- 28 - Jean-Gustave Courcelle-Seneuil et les lois somptuaires
(1852-1853) : 317
- 29 - Horace Say et la division du travail (1852-1853) : 323
- 30 - Augustin Thierry et la naissance de la bourgeoisie (1853) : 329
- 31 - Henri Baudrillart et l'objet de l'économie politique (1857) : 343
- 32 - Édouard Laboulaye et la question des libertés individuelles
(1863) : 353
- 33 - Louis Wolowski et Pierre-Émile Levasseur et la propriété
(1863-1864) : 363
- 34 - Frédéric Passy et la guerre et la paix (21 mai 1867) : 379
- 35 - Gustave de Molinari et l'évolution de l'État moderne (1884) : 397
- 36 - Yves Guyot et la politique coloniale (1885) : 415
- 37 - Hippolyte Taine et la critique de l'étatisme (1890) : 427
- 38 - Paul Leroy-Beaulieu et l'État (1890) : 437
- 39 - Gustave de Molinari et l'avenir du libéralisme au XXe siècle
(1902) : 449
- 40 - Émile Faguet et le libéralisme en France (1903) : 457
- 41 - Gustave de Molinari et ses dernières réflexions sur le
libéralisme (1911) : 473
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Le Québécois Libre
En faveur de la liberté individuelle, de l'économie de
marché et de la coopération volontaire depuis 1998.
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