Montréal, le 9 mai 1998
Numéro 10
 
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     « Les citoyens branchés sont clairement libertariens — ils ont beaucoup plus confiance dans la capacité des entreprises et des individus à solutionner des problèmes que dans celle des gouvernements. »  
   
  
  
(sondage, décembre 1997)
  
  
  
  
  
  
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« Blessed are the young, for they shall inherit the national debt. »
  
- Herbert Hoover
 
 
 
 
 
 
LE MARCHÉ LIBRE
 
TROU DE BEIGNE
 
par Pierre Desrochers
 
  
           La journaliste Kathleen Lévesque nous présentait récemment un portrait racoleur de l'ancien directeur du SPCUM et candidat à la mairie montréalaise Jacques Duchesneau (Le Devoir, 2 mai 1998). On y apprenait que le « candidat de l'establishment financier avait fait son lancement modestement au centre Saint-Pierre, lieu associé aux milieux communautaires et progressistes » — mais pourquoi donc les chantres de la médiocrité, du misérabilisme et de l'immobilisme sont-ils toujours qualifiés de « progressistes » par les médias montréalais?  
 
          Ses mots d'ordre sont la décentralisation des services, le leadership face à Québec, l'assainissement des finances et la fierté des Montréalais. L'ancien policier a donc repris à son compte tous les slogans creux que nous rabâchent depuis des années les « intervenants socio-économiques » lors des grandes commissions sur l'avenir de la région métropolitaine. Il réagit d'ailleurs comme le plus borné des gestionnaires publics lorsqu'on lui parle d'alléger le fardeau fiscal de ses concitoyens: « Est-ce que je peux promettre une baisse de taxes quand on est égorgé comme on est là? » Il ajoute même, en administrateur habitué à voir son budget revu à la hausse indépendamment du contexte économique et de la productivité de son service, qu'il faut « trouver de nouvelles sources de revenus », misant en fait sur la récupération d'un point de la TVQ sur les produits consommés à Montréal.  
  
Ramener les banlieusards à Montréal 
  
          Une autre des marottes de l'ex-policier est la vieille complainte des maires de villes mal gérées, ramener les banlieusards dans la ville centre (contrer l'effet trou de beigne? Il doit s'y connaître!). À défaut de s'attaquer au niveau exhorbitant des taxes montréalaises, principale raison du départ de ses ex-concitoyens, il propose plutôt « d'insuffler la fierté à travers la ville ». Il est vrai que la fierté a fait ses preuves pour combler les nids de poule, nettoyer les rues et simplifier la vie des citadins... Le débat est donc ouvert: M. Duchesneau est-il un adepte de la pensée magique ou se contente-t-il de mépriser notre intelligence? 
 
          En fait, le meilleur commentaire que l'on peut adresser sur le sujet à M. Duchesneau a été écrit il y a près de quarante ans par la théoricienne urbaine Jane Jacobs: 
              « À l'heure actuelle, on entend les autorités municipales débiter des balivernes sur la nécessité de “rapatrier les classes moyennes dans la ville”, comme si pour faire partie de celles-ci, il fallait obligatoirement quitter la cité, acheter une fermette et un barbecue, et acquérir de cette façon une valeur marchande. Il est vrai que les grandes villes sont en train de voir partir leurs habitants qui appartiennent aux classes moyennes, mais elles n'ont pas besoin de les rapatrier et de les protéger ensuite comme des plantes de serre. Ce sont en effet les villes qui produisent les classes moyennes. Mais pour les conserver dès qu'elles apparaissent et en faire un élément de stabilité au sein d'une population qui se diversifie d'elle-même, il faut considérer que tous les habitants d'une cité présentent un intérêt pour celle-ci et valent la peine qu'on les retienne là où ils se trouvent, sans attendre de les voir devenir membres des classes moyennes »(1).
          Et ce que nous enseigne la relance de plusieurs villes nord-américaines, c'est que la meilleure façon de revitaliser une ville et ses quartiers est de laisser assez de marge de manoeuvre aux citoyens pour qu'il puisse entreprendre des choses sans se faire étouffer par les bureaucraties municipales.  
 
          Montréal n'a pas besoin d'une autre campagne radiophonique pour mousser la fierté de ses citoyens. Ce qu'il lui faut de toute urgence, c'est un candidat à la mairie qui aura l'humilité d'aller apprendre comment les maires d'Indianapolis, Milwaukee, Cleveland et Philadelphie ont réussi à diminuer le fardeau fiscal de leurs concitoyens tout en leur offrant des services de meilleure qualité. Et de tous les candidats à la mairie de Montréal, Jacques Duchesneau semble être le moins prêt à le faire. 
  
  
1. La première édition de The Death and Life of Great American 
    Cities de Jane Jacobs (Random House), ouvrage  
     malheureusement négligé dans nos départements d'études  
     urbaines et touristiques et dans nos facultés d'aménagement,  
     date de 1961 et est encore facilement disponible.  La traduction  
     française de Claire Parin-Senemaud date de 1991  
     (Pierre Mardaga Éditeur), mais est cinq fois plus dispendieuse. 
 
 

 
 
   
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