Montréal, le 16 mai 1998
Numéro 11
 
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(sondage, décembre 1997)
  
  
  
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LE MARCHÉ LIBRE
 
SUR L'ART
DE DÉGRAISSER UNE
ADMINISTRATION MUNICIPALE
 
par Pierre Desrochers
 
  
          Élu maire d'Indianapolis en novembre 1991, Stephen Goldsmith s'est rapidement imposé comme l'un des administrateurs municipaux les plus novateurs d'Amérique du Nord. Responsable de la douzième plus grande ville des États-Unis, il a rapidement mis en oeuvre un ensemble de mesures qui lui ont permis de réduire de façon importante les dépenses de sa ville et d'abolir nombre de réglementations inutiles.  
 
          Invité de l'Institut Fraser et de la CIBC Mortgages Inc le 28 avril dernier à Toronto, il a présenté une conférence sur le thème Smaller Government Prescriptions for Big City Problems* dans laquelle il confiait le secret de sa réussite à quelques centaines d'élus, administrateurs municipaux et gens d'affaires de la grande région de Toronto. En voici quelques extraits: 
  
#1. Les politiciens municipaux doivent vanter les conséquences bénéfiques de leurs actions 
  
          La seule façon de privatiser convenablement des services municipaux est d'en faire ressortir les bénéfices pour les contribuables. L'une des principales erreurs à éviter, selon le maire d'Indianapolis, est de parler uniquement de privatisation et de coupures de services. Réduire ou privatiser gauchement certains services publics est à la portée de n'importe quel élu ou administrateur. Diminuer les dépenses tout en répondant de façon plus adéquate aux besoins des citoyens est beaucoup plus ardu et exige une bonne dose d'imagination dans le ciblage d'un service public et la conduite d'une privatisation.  

#2. Chaque service municipal a son échelle géographique propre qu'il faut bien saisir avant de privatiser 
  
          Chaque service municipal a sa logique géographique qui est souvent noyée dans l'administration municipale. La gestion d'une usine de traitement des eaux usées s'effectue ainsi à un niveau complètement différent de celui des parcs de quartier. La privatisation des services doit se faire en conséquence. L'administration Goldsmith a donc confié le traitement de ses eaux usées à une entreprise multinationale, tandis que l'entretien des parcs de quartiers a finalement été dévolu à plusieurs églises et organismes à but non-lucratifs, chacun s'occupant des parcs dans son voisinage. 

#3. Le secret d'une bonne privatisation 
  
          Les façons de faire et les contrats de services octroyés par les administrations publiques sont généralement des modèles de stipulations inutiles et de contraintes byzantines. La stratégie de l'administration municipale d'Indianapolis est toutefois de demander des résultats et non pas d'imposer des procédures. La tonte du gazon ne comporte ainsi qu'une seule contrainte, sa hauteur. Il est donc fini le temps où l'on devait couper le gazon un nombre déterminé de fois dans l'été, indépendamment du fait que la saison estivale soit aride ou pluvieuse.  
 
          La gestion de l'aide sociale, qui souvent aux États-Unis est du ressort des villes, est un exemple encore plus intéressant de cette approche. L'administration Goldsmith a ainsi donné en sous-traitance l'aide sociale de sa ville à l'entreprise America Works. Contrairement aux services publics traditionnels où les fonctionnaires sont évalués en fonction de leur capacité à remplir correctement des formulaires, America Works ne reçoit de l'argent de la ville que dans la mesure où elle trouve un emploi dans le secteur privé pour plus de six mois à un bénéficiaire de l'aide sociale. Selon le maire Goldsmith, les résultats seraient très concluants. 
  
#4. Une privatisation bien menée sera toujours plus rentable que la gestion publique des services 
 
          La privatisation de l'usine de traitement des eaux usées d'Indianapolis a d'abord été une opération très controversée. Voulant contrer le projet, les employés municipaux ont fait publier une étude démontrant que l'usine d'Indianapolis était la plus efficace d'Amérique du Nord. Le maire Goldsmith est néanmoins allé de l'avant avec son projet de privatisation. Une entreprise multinationale « employant autant de détenteurs de doctorats que ma ville compte de salariés » a finalement remporté le contrat. Les résultats ne se firent pas attendre. Au bout de deux ans, le coût d'opération annuel de l'usine avait diminué de 44%. Monsieur Goldsmith estime que chaque privatisation de services a réduit  leur coût en moyenne de 25%. 
  
#5. Faire participer les employés municipaux à l'exercice de privatisation 
  
          Les employés de la ville d'Indianapolis sont invités à faire des soumissions lors de chaque exercice de privatisation. Ils en ont remporté un certain nombre, et là aussi les économies réalisées par l'administration municipale se sont avérées être en moyenne de 25%. Les employés municipaux font néanmoins souvent de meilleurs salaires que par le passé, car ils peuvent se partager les sommes n'ayant pas été dépensées dans l'année. C'est ainsi que s'ils remportent une soumission pour entretenir un certain nombre de rues au coût de 30 millions $, ils peuvent se redistribuer les surplus s'ils parviennent à remplir leurs obligations pour 28 millions $. Selon le maire Goldsmith, il y a maintenant plusieurs années que l'on ne voit plus à Indianapolis d'employés municipaux debouts à côté de leur camion en train de regarder un de leurs collègues travailler. 
 
          Le maire a également confié une anecdote révélatrice. Il réalisa ainsi peu de temps après avoir privatisé l'usine de traitement des eaux usées de sa ville qu'il aurait dû privatiser simultanément les égoûts. Son administration alla donc en appel d'offres pour privatiser le système de collection des eaux usées. Placés devant le fait accompli, les cols bleus de sa ville n'eurent pas d'autres choix que de soumissionner eux aussi. Pour augmenter leurs chances d'obtenir le contrat, ils décidèrent toutefois de s'adjoindre les meilleurs administrateurs qu'ils connaissaient, les gestionnaires privés de l'usine de traitement des eaux usées. Ils soumissionnèrent ainsi de concert avec l'entreprise privée contre leurs anciens administrateurs de la bureaucratie municipale et se virent attribuer le contrat. 
 
         M. Goldsmith a également tenu à souligner que les bons employés municipaux n'avaient jamais de difficultés à se trouver un emploi auprès des entreprises privées ayant remporté les soumissions et que son administration faisait d'ailleurs tout son possible pour leur faciliter la transition. 
  
L'envers de la médaille 
  
          La politique est l'art du possible. Le maire d'Indianapolis a donc dû faire quelques compromissions pour mener ses réformes à terme. La plus importante a été d'acheter la paix avec la police municipale. On compte donc aujourd'hui un plus grand nombre de policiers que par le passé, et leurs salaires sont également plus substantiels. Monsieur Goldsmith souligne toutefois que la plupart sont des patrouilleurs et non des administrateurs, ce qui aurait contribué de façon notable à faire baisser la criminalité dans sa ville. Il a également réinvesti une portion notable de l'argent économisé (plus de 700 millions $ US) dans un vaste programme de réfection des infrastructures. On aimerait néanmoins que les politiciens montréalais soient capables de telles compromissions.
  
  
(*) Notre chroniqueur a bénéficié d'une bourse de l'Institut Fraser pour assister à cette conférence. 
  
[ L'allocution de M. Goldsmith sera bientôt reproduite dans le mensuel Fraser Forum de l'Institut Fraser. 
  De plus, le maire d'Indianapolis a complété récemment un ouvrage relatant son expérience qui devrait bientôt 
  passer sous presse. Les lecteurs du Québécois Libre seront avisés dès sa parution. ] 
 
 
 
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