Montréal, le 23 mai 1998
Numéro 12
 
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 LE MARCHÉ LIBRE
 
LA VÉRITÉ DES PRIX
ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
  
par Pierre Desrochers
 
          On parle beaucoup depuis quelques années de modifier les comportements des consommateurs en instaurant des « écotaxes » pour hausser le prix de certaines matières premières et sources d'énergie. Ce remède ne s'attaque toutefois pas à la véritable source de nos problèmes, soit la distorsion systématique du système des prix pratiquée par nos gouvernements depuis plusieurs décennies. 
          Le principal problème économique est de coordonner l'ensemble des activités économiques pour répondre aux besoins des individus en utilisant le minimum de ressources. Le moyen ingénieux qu'ont trouvé nos ancêtres pour faire le meilleur usage des ressources rares a été le système des prix. Dans un marché compétitif, les producteurs, motivés par la conservation de leur part de marché ou par la possibilité de faire des profits, ont tout intérêt à minimiser leurs coûts. Ils n'ont dès lors d'autres choix que d'innover continuellement pour diminuer les matériaux et l'énergie requis pour leur production, tout en cherchant à rentabiliser au maximum leurs opérations en trouvant de nouveaux usages utiles pour leurs déchets. La concurrence est donc garante d'une amélioration continue de l'utilisation des ressources rares. 
  
          Les pouvoirs publics ont toutefois complètement faussé les prix du marché au cours des dernières décennies par l'instauration d'un grand nombre de mesures redistributives (subventions, dégrèvements fiscaux, etc.). Ces mesures ont eu plusieurs conséquences environnementales néfastes. Le développement des villes nord-américaines au cours des dernières décennies, déjà qualifié en 1968 par l'économiste Wilbur Thompson de « systèmes de prix dénaturés », est très révélateur à cet égard. Les diverses mesures incitatives à la construction d'infrastructures et de résidences unifamiliales ont ainsi entraîné une surconsommation d'énergie et de matériaux, notamment dans la destruction excessive des terres agricoles, dans le choix de modes de logement et de transport à l'entretien coûteux, de même que dans une gestion particulièrement déplorable des ressources hydriques. Les nombreux maux associés à l'étalement urbain seraient aujourd'hui beaucoup moins importants si les pouvoirs publics ne les avaient pas provoqués. 
  
          La forme de nos villes n'est cependant que la pointe de l'iceberg. Les subventions à l'industrie québécoise la plus polluante, l'élevage du porc, s'élèvent à plusieurs centaines de millions. Nous savons également que la déforestation massive dans les économies sous-développées est en majeure partie attribuable aux incitatifs mis en place par les gouvernements nationaux; le saccage de la forêt amazonienne pour l'élevage du bétail n'aurait ainsi jamais été rentable sans subventions. 
  
La vérité des prix: une solution 
  
           Rétablir la vérité des prix devient dès lors une stratégie de choix pour protéger l'environnement. L'exemple de l'enlèvement des déchets domestiques, où le prix facturé aux citoyens n'a rien à voir avec la production domestique de déchets, est particulièrement révélateur. On a ainsi observé une modification substantielle du comportement des citoyens, tant au niveau des habitudes de consommation que du recyclage, dans tous les cas où l'on a rétabli une certaine vérité des coûts dans ce domaine. On a également observé que la déforestation de la jungle brésilienne s'est à toute fin pratique arrêtée avec la fin des subventions à l'exploitation du bétail et que depuis qu'il a coupé ses subventions à son industrie charbonnière, le Royaume-Uni est l'un des seuls pays à atteindre ses objectifs en termes de réduction de gaz à effet de serre. 
  
          Une autre conséquence bénéfique du rétablissement de la vérité des prix serait une hausse notable du recyclage des déchets dans nos économies. Les coûts de l'enfouissement ou de l'incinération seraient beaucoup plus élevés qu'actuellement, ce qui inciterait les producteurs de déchets à trouver de nouveaux débouchés pour leurs rebuts. L'arrêt des subventions à l'extraction des matières premières rendrait également ces dernières beaucoup moins compétitives face aux déchets recyclables. 
  
          La vérité des prix, contrairement aux écotaxes, permettrait également de diminuer considérablement les coûts de nos bureaucraties publiques. Elle encouragerait les producteurs novateurs à trouver de nouvelles façons imaginatives de réduire leur consommation en ressources et de nouveaux usages pour leurs déchets.  
  
 
 
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