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En fait, le courant du Public Health partage plusieurs des idées du fascisme: le bien-être du peuple défini d'en haut, le pouvoir des corporations professionnelles, la primauté du collectif et la haine de l'individu, le refus de l'argumentation rationnelle, et la glorification de l'intervention étatique. Un mépris pour les choix individuels Dans l'approche du Public Health, le bien-être du peuple est déterminé par l'autorité politique, appuyée par des hommes de science, ou de pseudo-science, regroupés soit en corporations médicales formelles soit en organismes fortement subventionnés. Pour les paternalistes étatistes et leur thuriféraires en sarrau, les individus sont des enfants Le Public Health manifeste un mépris hautain pour les préférences et les choix individuels. Même si un individu sur trois manifeste par ses choix concrets qu'il estime les avantages du tabac supérieurs à ses coûts, la littérature du Public Health ignore ces avantages subjectifs. Quand ils s'aventurent à effectuer des analyses avantages-coûts du tabac, les tenants du Public Health mettent Pour nier la valeur des préférences individuelles, les plus sophistiqués des tenants du Public Health recourent à l'argument de la dépendance: ce qu'ils n'aiment pas est défini comme une drogue qui empêche tout choix rationnel. Il n'est pas étonnant que la littérature économique, qui repose entièrement sur la reconnaissance des préférences individuelles, arrive presque toujours à des conclusions diamétralement opposées à celles du Public Health. Le Public Health partage aussi avec le fascisme la glorification du collectif et la haine de l'individu, ce grain de sable dans la machine. Quand le ministre de la Santé du Québec parle de Devant la santé publique, nouveau vocable des intérêts supérieurs de l'État, forme améliorée de la pureté de la race, il n'y a pas de propriété privée qui tienne. Les restaurants et autres entreprises privées sont désormais des lieux publics, contrôlés comme tels par l'autorité. Armes et tabac, même combat Une autre caractéristique du Public Health réside dans son fréquent refus de l'argumentation rationnelle en faveur d'un militantisme de guerre sainte, qui s'exprime avec éclat dans la lutte pour la prohibition du tabac et contre ce qui reste du droit de porter des armes. Je n'insisterai pas sur la haine que Hitler vouait au tabac et à l'alcool, ni au fait que tous les régimes fascistes se sont empressés de désarmer leurs sujets – hormis certains favoris du régime. Je veux plutôt indiquer des similitudes dans les assauts du Public Health contre la liberté de fumer et contre le droit de porter des armes. Certains prohibitionnistes ne cachent pas leur objectif de rendre les armes aux mains des simples citoyens aussi inacceptables que le tabac, comme le soulignent Don Kates et al., dans un article remarquable qui concerne le droit de porter des armes mais qui s'applique aussi bien, mutatis mutandis, à la guerre sainte contre le tabac(7). Ce n'est pas une coïncidence que les principales revues américaines de Public Health mènent simultanément les deux croisades, ni que l'ex-dirigeante de la Coalition québécoise pour le contrôle des armes à feu milite maintenant dans un organisme antitabac. Peu importe que les prohibitions frappent essentiellement des individus pacifiques, peu importe que seule une infime proportion des armes à feu serve à commettre des crimes violents, et que l'on voit rarement un père de famille massacrer sa femme et ses enfants parce qu'il a fumé deux paquets de Gitanes. Dans le cas des armes comme dans le cas du tabac, on assimile un type de comportement, voire une culture, à un problème de santé publique qui appelle la prohibition et la coercition étatique. Dans les deux cas, on occulte les avantages du comportement démoniaque (la légitime défense dans le cas des armes, le plaisir de fumer dans le cas du tabac) et on monte en épingle ses coûts éventuels. Dans les deux cas, on ignore les recherches en sciences sociales (criminologie et économie), souvent même au point de refuser de citer la littérature pertinente, pour construire des argumentations sous cloche dans des revues mineures et prétendument scientifiques dont les biais crèvent les yeux (l'une d'elles s'appelle Comme le fascisme, le Public Health est porteur de politisation et de violence. D'ailleurs, le droit de fumer les plantes que l'on veut semble encore plus explosif que le droit de porter des armes. Parmi les quelques lettres haineuses que j'ai reçues, la seule qui proférait des menaces physiques était un e-mail concernant un de mes articles sur le tabac. Beauté du courrier électronique, j'ai fait une exception à ma pratique usuelle et j'ai répondu à l'auteur des menaces en suggérant qu'il essaie de les mettre à exécution. N'ayant pas l'habitude du corps à corps, j'ai quand même vérifié que mon revolver était Big Brother en santé Enfin, fidèles à leurs prédécesseurs, les fascistes de la santé publique considèrent l'État comme l'incarnation de la volonté collective. Devant les exigences de la pureté publique, il n'y a pas d'appel possible à la liberté individuelle contre l'intervention de l'État. Un exemple révélateur – presque trop beau pour être vrai – s'en trouve dans la dernière livraison d'une grande revue juridique américaine, The Yale Law Journal. Deux savants professeurs de droit, Jon Hanson et Kyle Logue, entreprennent d'examiner rationellement, pour faire changement, les arguments économiques en faveur du droit de fumer, arguments que la littérature du Public Health (tout comme l'Étude d'impact commandée par le gouvernement du Québec pour justifier l'inique loi sur le tabac(9)) passe généralement sous silence. L'aspect le plus intéressant de l'article du Yale Law Journal réside dans les recommandations politiques que les auteurs tirent de leur analyse, à savoir l'imposition aux fumeurs actuels d'une Les auteurs admettent que leur proposition peut faire craindre l'avènement de Big Brother, mais ils font remarquer (et je les caricature à peine) qu'il est déjà parmi nous de toute manière et qu'on s'y est résigné, après tout. Quiconque veut connaître les implications totalitaires du Public Health devrait lire les passages pertinents de cet article(11). Il faut le lire pour le croire. La paternité de l'idée n'appartient toutefois pas à Hanson et Logue, mais à un obscur partisan canadien du Public Health qui, dans un numéro de 1992 du Canadian Medical Association Journal, avait proposé de soumettre à autorisation administrative les fumeurs actuels. Pour achever leur oeuvre de pureté publique, les fascistes du Public Health ne s'arrêteront pas au tabac et aux armes à feu. Le professeur John Lott, qui note aussi la similarité des deux sortes de visées prohibitionnistes, prévoit que l'automobile sera éventuellement leur prochain objectif(12). Du reste, ils ont déjà bien d'autres choses dans leur ligne de tir, dont l'obésité et l'absence d'exercice physique. Des économistes sérieux leur ont d'ailleurs fourni quelques arguments en calculant que si le « coût externe » (c'est-à-dire le coût supporté par le reste de la société) du tabac est plus que compensé par les taxes payées par les fumeurs, la sédentarité, par contre, impose un coût externe net de 24 cents (US) pour chaque mile qu'un individu ne court pas(13). La liberté permet à l'individu de choisir de fumer ou non, de porter des armes ou non, de faire son jogging ou non, de posséder une automobile ou non, et cetera. Pour les fascistes de la santé publique, un coût social apparaît du simple fait qu'un individu reste pacifiquement chez soi et néglige une activité qu'ils jugent, eux, bonne pour Prenez un comportement, une attitude, une culture que vous n'aimez pas et définissez-les comme des tares ou des maladies. Si la nouvelle maladie frappe un grand nombre d'individus, vous avez sur les bras une épidémie et un problème de santé publique. Enfin, confiez la tâche de préserver la santé publique à l'État administratif actuel, pieuvre dont les innombrables tentacules s'abouchent à pratiquement toutes vos activités. Vous obtenez la recette du fascisme de la santé publique. 1. Cité par Jacob Sullum, For Your Own Good. The Anti-Smoking Crusade and the Tyranny of Public Health, New York, Free Press, 1998, p. 62. 2. Canadian Medical Association Journal, vol. 127, no 9 (1er novembre 1982), p. 831-832. 3. Cité par Jacob Sullum, op. cit., p. 6. 4. Voir le compte rendu des travaux de la Commission des Affaires sociales. 5. Bernard C.K. Choi, Research in Human Capital and Development, vol. 7 (1993), p. 149. 6. Thompson et Forbes, op. cit., p. 831. 7. Don B. Kates et al., Tennessee Law Review, vol. 62 (printemps 1995), p. 515. 8. James Bovard, 9. Pierre-Yves Crémieux, Pierre Fortin, Pierre Ouellette, Frédéric Lavoie et Yvan St-Pierre, Projet de loi sur le tabac proposé par le Ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec. Étude d'impact, Gouvernement du Québec, 1997 (publiée en mai 1998). Une évaluation de ce document a été réalisée à la demande du Conseil canadien des fabricants du tabac et présentée devant la Commission parlementaire mentionnée plus haut : Pierre Lemieux et Jean-Luc Migué (avec la collaboration de Filip Palda), Évaluation économique de l'Étude d'impact sur le projet de loi sur le tabac proposé par le Ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Montréal, mai 1998. 10. Jon D. Hanson et Kyle D. Logue, for Ex Post Incentive-Based Regulat p. 1163-1361 ; voir notamment p. 1092-1094. 11. On en trouvera une courte citation textuelle sur mon site Web. 12. John R. Lott, 13. Willard G. Manning et al., The Costs of Poor Health Habits. A RAND Study, Cambridge, Harvard University Press, 1991, p. 11, 31 et passim. ©Pierre Lemieux 1998
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