(page 3)
La vraie cause du problème La situation n'est évidemment pas aussi simple. En fait, quiconque s'est un peu intéressé à l'industrie porcine au cours des dernières années voyait la tempête venir. Le Devoir titrait ainsi en manchette le 7 avril 1997 que Nous sympathisons évidemment avec la détresse de bon nombre de producteurs porcins, des gens subventionnés certes, mais le plus souvent très travaillants. Doit-on toutefois leur avancer une aide d'urgence? On pourrait peut-être justifier une mesure ponctuelle si la chute des prix du porc n'était que passagère. Investir l'argent des contribuables en nouvelles subventions directes et indirectes aux syndicats agricoles ne réglerait toutefois rien, car on n'attaquerait pas les véritables racines du problème. Ce qu'il faut comprendre ici, c'est que la surproduction actuelle et la crise d'endettement des petits exploitants est l'aboutissement logique de nos politiques agricoles. Dresser la liste des programmes dont ont bénéficié les producteurs québécois et canadiens et les ayant amené à trop investir dans le cochon serait bien trop fastidieux. On peut toutefois rappeler que les producteurs de porc américains (eux-mêmes bien gavés aux mangeoires publiques!) accusaient en 1988 leurs compétiteurs canadiens de bénéficier d'au moins 29 programmes de subventions. On mentionnera aussi que nos producteurs de porc ont pu profiter de prix plancher grâce aux très coûteux programmes d'assurance revenu financés à plus de 66% par les gouvernements provincial et fédéral. Nos exploitants ont ainsi reçu de l'ensemble des contribuables plus de Le confort de la dépendance Les privilèges consentis aux éleveurs par nos gouvernements auront finalement incité bon nombre d'entre eux à trop investir dans leurs installations. Si l'on a réussi à exporter des millions de porcs québécois au cours des quinze dernières années, on oublie trop souvent de dire que se sont les contribuables québécois qui ont subventionné massivement le bacon des consommateurs américains et japonais. Le problème toutefois, c'est que l'on ne peut pas forcer les consommateurs étrangers à manger du porc québécois s'ils décident, pour une raison ou une autre, de passer à autre chose. La surproduction québécoise de porc a également eu des impacts environnementaux désastreux. On oublie en effet un peu trop facilement que les producteurs de porc étaient en train d'intoxiquer les principaux bassins versants de la vallée du Saint-Laurent il y a quelques années et qu'il a fallu que les trois paliers de gouvernement investissent des centaines de millions de dollars pour construire des fosses à purin et de nouvelles usines de filtration pour prévenir une tragédie écologique. Les subventions aux producteurs de porc nous auront donc coûté très cher en installations supplémentaires pour amortir l'impact environnemental de leur surproduction. Quelle devrait alors être la politique de nos gouvernements? Il n'y a évidemment qu'une seule approche viable à long terme: couper toutes les subventions au monde agricole et mettre les fonctionnaires de l'agro-alimentaire à la porte. Une telle politique provoquera évidemment plusieurs faillites. Elle aura toutefois le mérite de forcer certaines fusions et de récompenser les producteurs les plus efficaces, ce qui n'est pas le cas actuellement. L'émergence de méga-porcheries ne sera pas un drame, car elles ont davantage les moyens de prévenir les dommages environnementaux, tout en assurant un rythme de vie souvent plus intéressant à leurs employés que les exploitations familiales. On peut toutefois espérer que les institutions financières, qui ont elles aussi beaucoup à perdre dans cette histoire, ne tireront pas sur la plug trop rapidement. Car il sera dans leur intérêt d'attendre que leurs clients les plus dynamiques commencent à diversifier leur production pour répondre aux véritables attentes des consommateurs – ce qu'ils auraient fait depuis longtemps dans une véritable économie de marché, n'en déplaisent aux chantres de la gestion publique du monde agricole. 1. Guy Debailleul, 2. La Fédération des producteurs de porc (FPP) avançait ainsi il y a quelques mois que près de 60% de la production de ses membres était destinée à l'exportation, que ceux-ci généraient des revenus annuels de plus d'un milliard de dollars, près de 31 000 emplois et des retombées économiques directes et indirectes de plus de 2,7 milliards par année (La Presse, 23 septembre 1998 et Le Devoir, 7 avril 1997). 3. La Presse, 23 septembre 1998. (*) L'article sur la Grande Dépression annoncé dans le dernier numéro du QL sera publié dans le prochain.
|