Montréal, le 24 octobre 1998
Numéro 23
 
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COURRIER DES LECTEURS
  
  
CHRÉTIEN AND DEMOCRACY
  
     Interesting view of Ralph Maddocks (PEPPERGATE: OF CAPSICUM AND CARROLL, QL no 22). Through the Looking Glass, Featuring Alice is yet another good book by Lewis Carroll. « Words mean whatever I want them to mean », is a quote. 
  
     Well, Jean Chrétien was educated in Law in Quebec, he spent his formative years as a unilingual francophone, never having been exposed to thinking about freedom, individual rights versus collective rights. What else could we expect but a totalitarian view of free speech and the right to protest peacefully???  
  
     Pierre Trudeau used Chrétien as a workhorse, never having any respect for his thinking abilities, nor his personal views (Trudeau admitted this on national TV). So Chrétien became the politicians' politician, able to gain and hold on to power despite his weaknesses and narrow views on society. Indeed, he rarely, if ever, thinks about social issues, he never speaks on the topic, ever. 
  
     Chrétien is in power for two reasons: 1) Ontario voters were afraid of Reform, and 2) Conservatives were in power in that province, and Ontario voters rarely put the same party in power at the same time, in Ottawa and Queen's Park that is. The big surprise would be if Chrétien ever did open his mind and realize there is more to life than potatoes and roast beef. 
  
     You shall see it during the upcoming Quebec election. Chrétien will use the Olde Pork Barrel Politics and the sheep (thanks, Jean, for the comparison) will vote Liberal.  Will enough? I suggest not, Charest will take his payoff and be gone from political life, perhaps to the Senate. Why? Because Quebecers like a winner, and Charest is NOT a winner. He has lots of gravy in his speeches, some meat, but no colour or flavour. 
  
     Quebecers, like the ROC, are fed up with cutbacks and budget reductions. For Charest to emulate Harris is too late, Quebecers see what happened here, and do not like it. Your big concern should be who will succeed Bouchard, as he will win and then, in my opinion, will likely retire to the USA with his family. Your NEXT PM is the big issue. 
  
  
  
Dan MacInnis
Mississauga, Ontario
dan.louise@sympatico.ca
 
 
 
 
 
 
 
 
OPINION
  
CROISSANCE ET
DÉMOCRATIE
  
par Jean-Luc Migué*
  
 
          On peut dégager de la logique politique une prédiction un peu troublante et déjà soumise au test empirique par les statisticiens. Ce corollaire s'énoncerait comme suit: la croissance engendre la démocratie, mais la démocratie s'avère plutôt défavorable à la croissance. On notera que cette position représente un renversement de l'enseignement économique traditionnel. En 1962, dans Capitalism and Freedom(1), Milton Friedman enseignait que les libertés économiques et les libertés civiles et politiques étaient complémentaires, qu'elles se renforçaient mutuellement. L'élargissement des droits politiques (démocratiques) favoriserait le renforcement des droits économiques, qui accélérerait à son tour la croissance. L'observation ne confirme pas cette relation.  
  
          Les faits sont les suivants: La hausse du niveau de vie s'accompagne partout d'un progrès certain de la démocratie, mesurée par les indices conventionnels que sont le droit de voter, de manifester et de voyager, et aussi l'étendue des libertés de religion et de parole. En fait, la croissance est la condition sine qua non de l'avènement de la démocratie. Celle-ci ne saurait s'implanter et se perpétuer en l'absence d'un degré avancé de développement économique préalable. L'Afrique noire d'après 1960 et Haïti ont fait la preuve qu'une baguette magique ne saurait servir de garant d'une démocratie durable. Le simple départ du pouvoir colonial et l'implantation factice de la démocratie par une agence (armée) internationale ne sauraient remplacer le développement minimal dans l'avènement de la démocratie. 

          Par contre, et c'est en ce sens que la théorie économique de la politique se révèle riche de corollaires, le progrès de la démocratie ne s'avère pas constituer un élément déterminant de la croissance. Ce qui compte dans l'accélération de la croissance, ce n'est pas tant les libertés politiques que les libertés économiques, soit la liberté de commercer, d'investir, de s'adonner à l'occupation de son choix, de prendre des risques, de garder le fruit de son labeur contre le poids du fisc ou de la réglementation, en un mot le respect des droits de propriété et la libre entreprise. Le complément de cette réalité troublante est que la démocratie suscite la tentation redistributionniste, qui a pour effet de retarder la croissance.  

          Par contraste, les régimes non démocratiques ou despotiques qui sauvegardent les libertés économiques et les droits de propriété, sans égards pour les droits civils, seraient moins sensibles aux pressions des groupes d'intérêts et des majorités. Les quatre tigres d'Asie, la Chine et le Chili de Pinochet sont ainsi devenus dans les temps modernes les économies les plus florissantes du monde malgré leur dossier démocratique peu reluisant. Notons aussi qu'en fait la plupart des régimes despotiques pratiquent la spoliation systématique des populations et l'investissement non rentable. Ils ne respectent donc ni les droits civils, ni les droits économiques. Leurs économies restent sous-développées. 

La tentation du redistributionnisme 
  
          Le résultat empirique le plus révélateur, selon Barro(2), est qu'une faible dose de démocratie favorise la croissance, mais que la relation entre démocratie et croissance devient progressivement négative après qu'un degré avancé de démocratie a été atteint. L'insertion d'éléments démocratiques dans un régime jusque-là despotique favoriserait la croissance en limitant les pouvoirs arbitraires du gouvernement, mais l'injection de doses supplémentaires de libertés politiques entraînerait la multiplication des programmes redistributionnistes néfastes à la croissance. La démocratie moderne, en suscitant l'avènement d'une vaste classe de bénéficiaires inactifs de largesses publiques, a eu tendance à miner les droits de propriété et à offrir au politique une multitude d'occasions de pratiquer le redistributionnisme. L'État providence, quand on y regarde de près, n'est guère plus qu'une vaste commons, où les citoyens sont amenés à siphonner la richesse de leurs voisins.  

          L'État, le vrai, n'est donc pas un mécanisme correcteur des inefficacités ni un redresseur des torts. Il amplifie plutôt les unes et les autres. L'État ne peut garantir la prospérité, pas plus qu'il ne peut créer d'emplois. À moins d'être circonscrit par des règles constitutionnelles rigoureuses, l'État s'emploie à privilégier des groupes d'intérêt qui se serviront du processus politique démocratique pour tondre les consommateurs et les contribuables en leur faveur.  

          Les peuples qui misent sur l'initiative publique et la décision collective en héritent généralement des leaders célèbres mais aussi des emplois cul-de-sac, tels des jobs de bureaucrates. Les solutions politiques sont généralement riches en symboles, mais pauvres en réalisations durables. Par sa nature même, la politique est impuissante à créer les skills, les attitudes et les habitudes personnelles, qui sont les assises du développement économique durable. Ce processus repose sur les incitations individuelles et il prend du temps, trop pour les horizons politiques qui encadrent les politiciens. D'où la place démesurée des symboles et le recours à la polarisation, à l'affrontement entre les cultures en présence.  
  
          Parce que le redistributionnisme est le propre de la politique, celle-ci ne fait pas qu'exploiter les antagonismes; elle les suscite et les alimente. Ce que la politisation produit en abondance par contre, ce sont les symboles de ces réalisations, telles les affiches unilingues, la capitale nationale, le clinquant diplomatique et le nombre d'immigrants inscrits à l'école française. Le fétiche souverainiste est l'expression ultime de la tentation politico-bureaucratique étriquée qui a caractérisé la culture politique chez nous.  
  
  
  
1. Milton Friedman, Capitalism and Freedom, The University of Chicago Press, 1962. 
2. Robert Barro, The Determinants of Economic Growth, The MIT Press, Cambridge, 1997. 
  
  
  
(*) Jean-Luc Migué est professeur à l'ÉNAP. 
  
  
  
 


 
 
 
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