Montréal, le 9 janvier 1999
Numéro 28
 
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     Le QUÉBÉCOIS LIBRE est publié sur la Toile depuis le 21 février 1998.   
   
     Il  défend la liberté individuelle, l'économie de marché et la coopération volontaire comme fondement des relations sociales.   
      
     Il  s'oppose à l'interventionnisme étatique et aux idéologies collectivistes, de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter les individus.      
  
     Les articles publiés partagent cette philosophie générale mais les opinions spécifiques qui y sont exprimées n'engagent que leurs auteurs.      
 
 
 
 
 
 
 
 
ÉDITORIAL
 
PIERRE VALLIÈRES,
DÉFENSEUR DE LA LIBERTÉ?
  
par Martin Masse
 
   
          L'ex-terroriste felquiste Pierre Vallières est décédé le 22 décembre à l'âge de 60 ans. La mort de ce pauvre type ne mériterait certainement pas qu'on s'y attarde en éditorial si ce n'était des louanges qu'on lui accorde depuis et surtout de l'incroyable article de propagande qui est paru le lendemain sous la plume du scribouilleur Jean Dion dans Le Devoir, avec le titre outrancier: « Je défends la liberté » 
  
          Pourquoi rendre hommage à un homme qui s'est tant trompé dans son cheminement idéologique? Parce qu'une bonne partie de l'intelligentsia québécoise d'aujourd'hui se reconnaît justement dans ce militant qui est allé « au bout de ses idées ». On l'admire pour avoir osé faire ce que tant d'autres auraient voulu faire, ce trip du délivreur de peuple opprimé à la Che. Tout l'aspect négatif, violent, totalitaire, même monstrueux de cet « engagement » est occulté. C'est du personnage mythique des belles années de militantisme dont on se souvient, pas de l'extrémiste poseur de bombes.  
  
          Ainsi, Dion mentionne le passage de cinq ans en prison de Pierre Vallières, sans un seul mot sur la cause de cet emprisonnement: sa participation à un attentat à la bombe dans une usine en 1966, où une femme a perdu la vie et trois autres personnes ont été blessées. On lit aussi que « toute sa vie aura été marquée par l'indignation et la volonté de résistance au nom de la dignité humaine ». La dignité humaine?!! Dans son célèbre livre Nègres blancs d'Amérique, Vallières prônait la formation de groupes de guérilla et l'utilisation de la violence armée pour « libérer le Québec » 
  
          Ce fou furieux était de la trempe des idéalistes utopistes qui, lorsqu'ils ont pris le pouvoir en Russie, en Chine, au Cambodge, à Cuba ou ailleurs, sont systématiquement devenus des monstres. Dans une entrevue en 1989, il admettait d'ailleurs que « ça m'a pris longtemps pour me rendre compte que vous ne tuez pas les gens pour défendre une idée » (The National Post, 24 déc. 1998). 
 
 
Double standard 
  
          Qu'on se rappelle le tollé de protestation chez les bien-pensants lorsqu'on a appris il y a deux ans que le nouveau lieutenant-gouverneur du Québec, Jean-Louis Roux, avait brièvement flirté avec l'idéologie fasciste lors de ses années de collège 55 ans plus tôt. M. Roux avait dessiné une swastika sur son sarrau blanc. On a rapidement eu sa tête et sa démission, même si ce comédien jusque là respecté n'a jamais fait partie de mouvement fasciste ou violent et n'a jamais commis de crime. Fait crucial cependant, M. Roux était fédéraliste et professait des opinions plutôt conservatrices. D'autres personnalités « respectables » qui ont un passé marxiste-léniniste, comme le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe, ne sont étrangement pas victimes de ce genre de chasse aux sorcières. 
  
          Chez les parlotteux du Québec, un Jean-Louis Roux est un déshonneur national, mais on peut par contre honorer la mémoire et encenser un ex-terroriste d'extrême-gauche ultranationaliste, condamné de surcroît pour complicité dans un meurtre, et qui a prôné la violence pendant plusieurs années. Dans le courrier des lecteurs de La Presse (8 janvier), un certain Robert Campeau qui a travaillé avec Vallières à mettre sur pied un magazine parle de cet « être lumineux et passionné (...), un homme-enfant qui avait le don de croire si fort à tout ce qu'il faisait qu'il réussissait chaque fois à rallier toute une équipe de gens qui ne demandaient pas mieux que de croire eux aussi, à ce que d'aucuns qualifiaient d'utopique ou d'irréaliste. » À faire pleurer... de stupidité! On lit d'ailleurs aussi dans La Presse du même jour que cette autre grande prêtresse du nationalo-gauchisme, l'ancienne directrice du Devoir (où Vallières a déjà travaillé) Lise Bissonnette, allait assister à une cérémonie à sa mémoire avec d'anciens felquistes et des célébrités du monde artistique.  
  
          Cette hypocrisie n'est bien sûr pas exclusive à notre petite intelligentsia provinciale. Ailleurs en Occident, on retrouve le même double standard. En France par exemple, les néo-fascistes du Front national sont à bon droit frappés d'ostracisme; par contre, les communistes (qui n'ont renoncé que très récemment à leurs dogmes staliniens) sont respectés et font partie du gouvernement! L'ex-dictateur Augusto Pinochet est conspué et pourrait subir un procès en Espagne; Fidel Castro, lui, continue de recevoir l'appui de tout ce qui grouille et grenouille à gauche, et a encore une fois accueilli notre ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy la semaine dernière. Il est vrai que Pinochet a eu le malheur d'établir les bases d'une économie de marché « néolibérale » dans son pays (ce qui en fait le plus prospère en Amérique latine aujourd'hui) et qu'il a finalement cédé le pouvoir à un gouvernement élu démocratiquement. Le dictateur Castro continue, lui, à opprimer son peuple et à éliminer ses opposants mais il le fait avec de bonnes intentions de gauche, ce qui lui vaut l'admiration générale.  
  
Libération de groupe vs liberté individuelle 
  
          L'ex-felquiste Vallières a renoncé à la violence dans les années 1970 et est devenu désenchanté par rapport à ses idéaux séparatistes. Il a passé le reste de sa vie à défendre d'autres causes, notamment celles des homosexuels, des Amérindiens, et des Bosniaques. Des causes louables, mais que l'on n'aide pas en leur appliquant une grille d'analyse marxiste. C'est un combat pour la « libération » abstraite de « groupes opprimés » qui a motivé Pierre Vallières toute sa vie, pas un combat pour la liberté individuelle. Et on le sait, les luttes menées dans une perspective collectiviste mènent bien plus souvent à un pouvoir excessif pour une petite élite et à l'oppression des autres individus qu'à une plus grande liberté pour tous.  
  
          Vallières a d'ailleurs combattu toute sa vie le seul système économique qui garantit la véritable liberté, le libéralisme. Jean Dion conclut son article avec ce passage tendancieux: « dans les médias, il a également pris la plume pour attaquer l'économisme et le néolibéralisme à tout crin et défendre l'idée qui lui était la plus chère, celle de la liberté ». La liberté?! C'est une insulte à tous ceux qui la défendent vraiment que d'associer cet idéal à Pierre Vallières. On n'en trouve aucune trace dans la vie de cet homme, sauf du point de vue tordu d'un journaliste de cette feuille de chou qu'est Le Devoir 
  
  
  
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L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
 
  
Le Québec libre des 
nationalo-étatistes 
 
          « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »  

Alexis de Tocqueville 
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840)

 
 
 
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