Montréal, le 6 février 1999
Numéro 30
 
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COUP D'OEIL SUR L'ACTUALITÉ
 
 
     Dans le cadre des négociations sur l'« union sociale », le gouvernement canadien, les neuf provinces anglophones et les deux territoires se sont mis d'accord pour ignorer la constitution, compliquer un peu plus le système fédéral, nier le principe de subsidiarité et faciliter une plus grande intervention étatique dans les programmes sociaux. Cette entente permet « d'encadrer », et donc de légitimer, les invasions d'Ottawa dans les champs de juridiction provinciale. Le gouvernement du Québec, qui n'aime pas avoir de compétition dans le contrôle qu'il exerce sur son cheptel, a refusé de signer l'entente.
  
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     La cour fédérale a déclaré illégal le couplage de données qui permettait au gouvernement canadien de retracer les prestataires d'assurance-emploi qui prenaient des vacances à l'extérieur du pays tout en continuant de recevoir leurs chèques. Selon la juge Danièle Tremblay-Lamer, l'intérêt du public dans la lutte contre les fraudeurs ne justifie pas l'invasion de la vie privée qui résulte de cette pratique. Le couplage de données entre Douanes Canada et le ministère du Développement des ressources humaines a permis de récupérer 45 millions $ au Trésor fédéral en 1997-98 au terme de 62 000 enquêtes. Ceux qui se désolent du fait que les fraudeurs auront dorénavant la vie plus facile devraient se pencher sur le véritable problème au lieu de réclamer toujours plus de contrôle, soit le fait que ce genre de service soit étatisé. Une assurance-emploi privée, sur le modèle des REER, pourrait facilement être offerte sur le marché et fonctionner sans les contrôles bureaucratiques imposés par le gouvernement.  
(La Presse) 
 
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     Le procès de Jean-Paul Labaye, propriétaire du bar l'Orage à Montréal, s'est poursuivi au cours des derniers jours. M. Labaye est accusé d'avoir tenu une maison de débauche parce que des couples d'échangistes se rencontraient dans le bar en question, puis allaient participer à des orgies dans un appartement privé un étage plus haut. Les délibérations ont mis en lumière la stupidité de vouloir réglementer les pratiques sexuelles d'adultes consentants, de même que l'hypocrisie des forces policières qui procèdent à ce genre d'enquête. Ainsi, un policier qui s'était rendu incognito sur les lieux du « crime » à deux reprises a admis en cour que ce qu'il avait vu était similaire à ce qu'on retrouve sur des films pornographiques facilement accessibles au public. Lui-même avoue d'ailleurs louer ce genre de films vidéos régulièrement. Le bar l'Orage n'a jamais fait l'objet de plainte, ni des voisins, ni des clients. 
(La Presse) 
  
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     Les cols bleus de Montréal ont de nouveau débrayé le 2 février dernier en pleine heure de pointe, alors qu'une pluie verglaçante s'abattait sur la métropole. D'autres conflits similaires font rage dans les municipalités de banlieue. Les villes se plaignent de n'avoir que des pouvoirs limités pour s'opposer à cette guérilla syndicale et demandent depuis longtemps au gouvernement provincial de changer le rapport de force entre les administrations locales et leurs employés. Mais une nouvelle solution seraient-elle en train d'émerger dans la tête de nos dirigeants municipaux? Un communiqué de presse de l'Union des municipalités du Québec déclare en effet que « là où les conditions sont devenues invivables par la rigidité des conventions collectives, les moeurs syndicales hors contrôle ou les coûts d'exploitation éhontés, il faut carrément demander au secteur privé de prendre la place. »  
 
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     Une belle carrière dans la fonction publique n'est plus l'idéal des jeunes étudiants les plus brillants, comme c'était le cas dans les années soixante. Après trente ans de croissance artificielle, le parasitisme bureaucratique est de moins en moins un idéal professionnel, s'il faut en croire un sondage du Centre for Research and Education on Women and Work. Aujourd'hui, c'est plutôt le contraire qui se produit: les trois quarts des meilleurs fonctionnaires fédéraux songent à quitter leur emploi, et 21% comptent le faire dans l'année qui vient. L'étude, qui s'est penchée sur les « travailleurs du savoir »qui composent 56% de la fonction publique (économistes, scientifiques, analystes, programmeurs, traducteurs, etc.) trace un portrait sombre où règnent la désillusion et les frustrations liées à l'avancement professionnel. Les fonctionnaires se plaignent de devoir travailler pour un public qui les respecte peu, pour des patrons qui ne reconnaissent pas leur travail, et ils déplorent les règles bureaucratiques rigides qui les empêchent de progresser et d'acquérir de l'expérience. Selon les auteurs de l'étude, ces données témoignent d'une « crise majeure » pour la fonction publique. Enfin une bonne nouvelle pour les contribuables, le secteur privé et la liberté! 
(The Ottawa Citizen) 
  
  
 
 
NOUVELLES BRÈVES 
 
 
 
ESPIONS BANCAIRES
 
 
          Les critiques se font de plus en plus intenses aux États-Unis envers un projet de réglementation qui transformerait les banques en véritables espions à la solde du gouvernement fédéral. Comme nous l'expliquions dans une nouvelle brève en décembre, la Federal Deposit Insurance Corporation et le ministère du Revenu voudraient obliger les banques à notifier une série d'agences fédérales chaque fois qu'un client fera une transaction « inhabituelle ». Si ces mesures entrent en vigueur, les banques devront créer un profil financier de chacun de leurs clients, incluant ses habitudes de dépôt et de retrait d'argent. Toute transaction importante ou sortant de l'ordinaire pourra être considérée comme un indice que le client en question blanchit de l'argent, est un trafiquant de drogue, un fraudeur ou un terroriste 
  
          L'Association des banquiers américains s'est dite très inquiète de cette nouvelle réglementation, qui va beaucoup plus loin que celle actuellement en vigueur. Les banques sont déjà obligées de rapporter aux autorités toute transaction financière dépassant les 10 000$, ainsi que les transactions dites « suspectes ». Un banquier du Colorado a expliqué dans un language modéré que la proposition « ne présente pas un équilibre adéquat entre la protection de l'intégrité du système financier et la protection de la vie privée des clients ». De façon plus directe, Steve Dasbash, directeur national du Parti libertarien, a dénoncé le « Big Brother Banking ». Selon lui, cette loi « ferait de chaque commis un délateur à la solde du gouvernement, et de chaque épargnant un suspect criminel » 
  
          Le public américain s'est aussi clairement prononcé contre cette nouvelle intrusion étatique dans la vie privée: en date du 14 janvier, la FDIC avait reçu un nombre record de 10 228 lettres contre le projet et seulement 12 à son appui. Le Congrès doit se pencher plus tard cette année sur ce projet de réglementation.  
(Denver Post) 
 
 
 


 
 
LUCIEN ENTEND DES VOIX
 
 
          Les Québécois ont voté à deux reprises contre la séparation depuis vingt ans. Aux élections de l'automne dernier, malgré la réélection du gouvernement péquiste, ils ont voté à une forte majorité pour des partis qui ne veulent pas de nouveau référendum. Il est évident que presque personne (y compris, si on se fie aux sondages, une majorité de ceux qui ont appuyé le PQ) n'a envie de recommencer à court terme ce débat, qui n'a pas généré une seule position nouvelle depuis les années 1970. Quoi qu'il en soit, les zélotes qui n'ont rien de mieux à faire pour s'occuper ont décidé de relancer un « grand brassage d'idées » sur la séparation au cours de la prochaine année. Un groupe de travail sera mis sur pied par l'exécutif du Parti québécois, des colloques et débats seront organisés, un fonds sera mis sur pied pour repartir la machine de propagande et susciter une discussion qui « va permettre à toute la population de s'exprimer », a promis Lucien Bouchard. 
  
          Non seulement celui-ci ne se rend-il pas compte que la population n'a aucune envie de s'exprimer sur cette question, sa façon de justifier cette nouvelle campagne a de quoi étonner. Voici ce qu'il expliquait à ses militants la semaine dernière: « L'électorat a envoyé un troisième message, un message au Parti québécois, et c'est celui-ci: Les Québécois acceptent que le gouvernement du Parti québécois leur fasse la démonstration de la nécessité de la souveraineté. Je dis: ils acceptent, – et je pèse mes mots – parce que nous leur avons dit pendant la campagne que cela ferait partie de notre action de gouvernement. Ils ne nous ont pas plébiscités sur ce point mais ils ont voté pour nous en sachant que nous allions le faire. » 
  
          Bref, dans leur sagesse collective, les Québécois ne veulent pas de la souveraineté, mais ils voudraient que le gouvernement les convainque que c'est nécessaire. Il y a de quoi peser ses mots pour contrebalancer le fait que les idées qu'on exprime soient aussi farfelues. On savait que le premier ministre a la capacité psychique de se connecter directement sur la conscience collective du peuple pour savoir ce qu'il veut, mais là, il semble y avoir eu un court-circuit dans la communication!  
(LCN-TV) 
  
  
 


 
 
COMPLEXE DE PERSÉCUTION
 
  
          La rectitude politique pratiquée par les gauchistes bien-pensants aux États-Unis est devenue la risée du monde, mais elle continue malgré tout à faire des victimes. La dernière en date est William Howard, un membre de race blanche de l'administration municipale à Washington, qui a dû s'excuser et démissionner après avoir utilisé le terme « niggardly » lors d'une rencontre avec des employés.  
  
          Niggardly est un vieux mot d'origine scandinave qui signifie chiche, pingre (on dirait aussi séraphin au Québec), et qui n'a aucune lien étymologique avec « nigger », le terme péjoratif pour décrire les personnes de race noire. Mais parce que les deux mots sonnent de façon semblable, un des employés s'est plaint d'avoir été insulté et cela a déclenché une cabale publique. L'affaire a mis le maire dans l'embarras et une enquête interne est en cours. Même le président de la NAACP, le principal lobby noir aux États-Unis, a trouvé ridicule qu'on fasse une telle histoire à cause de l'utilisation de ce mot.  
  
          Mais les Noirs ne sont pas le seul groupe minoritaire où quelques militants zélés souffrent d'un complexe de persécution. La controverse a pris une tournure encore plus absurde lorsqu'un groupe de défense des gais a dénoncé le maire Anthony Williams pour avoir accepté la démission de Howard: selon ces pleureuses, M. Howard aurait en effet été mis à la porte parce qu'il est ouvertement homosexuel...  
  
          (Note: À la suite de cette controverse, le maire Williams a finalement admis ces derniers jours qu'il avait agi trop vite en acceptant la démission deWilliam Howard et lui a demandé de reprendre son poste.) 
(The Washington Times) 
  
 
  


 
 
IDENTITÉ CANADIENNE
  
  
          Depuis trente ans, ce qu'on appelle pompeusement « l'identité canadienne » s'appuie presque exclusivement (outre la présence francophone) sur le fait que le Canada est un pays plus socialiste et moins respectueux des droits individuels que les États-Unis. Les nationalistes canadiens vénèrent le système de santé étatisé, les politiques culturelles protectionnistes et les programmes inefficaces de développement régional.  
  
          Des procès-verbaux du conseil fédéral des ministres de l’année 1968 rendus publics par les Archives nationales du Canada montrent bien que c'est cette vision qui guidait le plus grand défenseur du nationalisme canadien, l'ex-premier ministre Pierre Trudeau, dès son arrivée au pouvoir. Alors que le cabinet discutait de la nécessité ou non de suspendre les droits individuels en temps de guerre (certains ministres s'inspirant de l'exemple positif américain pour s'y opposer), M. Trudeau a fait valoir que pour lui, le respect des droits individuels a des limites. 
  
          Selon le procès-verbal, le premier ministre clôt les arguments de cette façon: « Aux États-Unis, ils ont été en mesure de développer des précédents légaux depuis 200 ans, période au cours de laquelle des décisions pratiques ont été prises en temps de guerre sans violation de la Constitution. Le Canada n’a pas eu le temps de développer une histoire légale semblable, et, aussi, n’a pas d’autre choix que de permettre la suspension de la Charte le cas échéant, en temps de guerre », rapporte le procès-verbal de la réunion du 31 octobre.  

          Deux ans plus tard, en octobre 1970, M. Trudeau aura recours à la Loi sur les mesures de guerre pour suspendre les droits individuels et faciliter le travail de l’armée et de la police contre les terroristes du FLQ.  
(Presse canadienne) 
  
  
  



  
  
VIEILLIR EN BEAUTÉ
  
  
          Nos bons bureaucrates ne sont jamais à court d'idées lorsque vient le temps de dépenser notre argent sur des bonnes causes. Profitant de l'Année internationale des personnes âgées (elle-même une invention découlant d'une collaboration bureaucratique à l'échelle mondiale), le gouvernement provincial va dépenser 900 000 $ pour l'organisation d'activités « visant à favoriser et à promouvoir, aux quatre coins du Québec, les échanges entre les générations ». 
  
          La ministre au grand coeur, Louise Harel, qui n'en finit plus depuis des années de nous dire comment elle aime ça être grand-mère, a bien sûr quelque chose à voir avec cette bonne cause. Depuis le dernier remaniement ministériel elle est, outre ministre d'Etat aux Affaires municipales et à la Métropole, ministre responsable des Aînés. Lors du coup d'envoi des activités, elle en a donc profité pour faire son baratin habituel de façon à justifier ces nouvelles dépenses inutiles: « L'année 1999 représente une occasion extraordinaire de rendre hommage à tous les aînés et de leur donner toute la place qui leur revient. Nous devons tous profiter de cette Année internationale des personnes âgées pour promouvoir une image positive du vieillissement. Aussi, il faudra s'assurer de poursuivre, bien au-delà du 31 décembre 1999, et de consolider tout ce qui aura été entrepris durant l'Année Internationale des Personnes âgées. » 
  
          Étrange. Dans les années soixante, les baby boomers ne voulaient faire confiance à personne de plus que trente ans. Maintenant qu'ils atteignent la cinquantaine, leur avant-garde socialiste trouve le moyen de dépenser des fonds publics pour « promouvoir une image positive du vieillissement ». Prédiction du QL: on n'a pas fini d'assister à la « consolidation » des dizaines de nouveaux programmes pour les vieux que la ministre au grand coeur va nous concocter au cours de son mandat.
  
  
  
 
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