Réfléchissons collectivement
Enfin, puisque la question nous est soumise, faisons un petit effort pour
y réfléchir, collectivement, comme la grande famille que
nous sommes (yuk). Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi j'ai
eu une petite révélation l'autre matin en sirotant ma caféine-au-lait.
Un Québécois, c'est un tata qui paie les taxes les plus élevées
en Amérique du Nord.
C'est rempli d'allure, non? Et puis c'est une définition sur laquelle
tout le monde est d'accord (et 1-0 pour le consensus); y compris notre
premier ministre lui-même-en-personne. Si fait, il l'a avoué,
le niveau de taxation, au Québec, est « presque
intolérable ». Presque, qu'il dit...
Il a même trouvé le temps d'ajouter, en pleine Assemblée
nationale: « Il n'y a personne qui peut nier que le
fardeau fiscal des Québécois est excessif. »
Right on.
Alors voilà. Si l'interdiction de tourner à droite sur une
rouge, la meilleure recette de soupe aux pois à l'ouest de la tour
Eiffel et la manie d'avoir un festival TOUTES les maudites fins de semaine
de l'été ne sont pas des indices suffisants pour reconnaître
le vrai Québécois d'entre les morts, sachez que le taux supercalifragilistiquement
élevé de taxes est un indicateur simple, rapide, et particulièrement
fiable pour distinguer qui est Québécois de qui ne l'est
pas.
Ça vous va, comme définition? Ah, vous m'en voyez ravie.
Mais j'ai un peu peur qu'on ne la refuse, au Bloc. Parce que paraît-il
que maintenant, selon l'ancien secrétaire général
de la CSN qui a passé au Bloc via Télé-Québec
(Pierre Paquette, pour ceux qui ne l'auraient pas reconnu) la question
n'est plus de savoir qui est Québécois, mais plutôt
qui VEUT être Québécois. Eh misère, il n'y a
rien à faire: je serai toujours en retard sur la mode.
Allons. C'est que ça change tout. Voyons ce qui pourrait se produire
si...
Pas de discrimination
Admettons qu'on me donne le choix. Admettons que j'aime bien le Québec,
et que je sois ravie de crécher à Montréal. Admettons
aussi que j'aime bien le Canada. Bref, mettons que d'une façon générale,
je suis bien heureuse d'être contente et que jusqu'à la semaine
dernière, je ne m'étais jamais demandé quelle était
mon identité métaphysique. Le mec du bureau de l'Étiquettage
National m'appelle et me demande: « Êtes-vous-tu
Québécoise, madame? »
Euh, ben... j'sais pas. Qu'est-ce que ça change?
« Voyez-vous, si vous choisissez le Québec, vous
êtes officiellement Québécoise. Mais choisir le Québec
a un prix – que vous considérez raisonnable j'en suis convaincu
– et ce prix, c'est un taux d'imposition presque intolérable. Alors,
on vous inscrit comme Québécoise? Vous allez recevoir par
la poste votre écusson que vous pourrez porter au Festival Juste
Pour Rire ainsi que le t-shirt officiel du CCPQ (le Club des Citrons Pressés
du Québec).»
(...)
Voyez le problème? Pensez-vous que le titre de Québécois
deviendrait un best-seller? Pas si on laisse les gens choisir, si vous
voulez mon avis – et zut pour les conditions gagnantes. C'est peut-être
bien pour cette raison que Lucien Bouchard a pris la peine de préciser,
et à plusieurs reprises S.V.P., que « tout le
monde est Québécois, sans exception. »
Pas de zigonnage. Tout le monde passe au cash.
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de Brigitte Pellerin |