Montréal,
le 15 mai 1999 |
Numéro
37
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OPINION
LE BAL DES EXCLUS
par Léo-Gilles Savard*
Les dernières propositions étapistes de quelques penseurs
indépendantistes montrent à quel point l'option d'un gouvernement
québécois souverain bat de l'aile. Même rejetées
du revers de la main comme hypothèse de travail, cela n'empêche
pas la voie d'un référendum gagnant d'être minée
et chimérique. |
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Diviser pour régner
On aura beau investir des millions$ pour la tenue d'un débat public
sur l'avenir du Québec, le devenir de notre collectivité
ne s'articulera jamais sur des réponses à un questionnement
borné à ce qu'il adviendra d'un gouvernement provincial qui
s'acharne à s'imposer comme le dénominateur commun d'un peuple
toujours à se définir. René Lévesque le répétait
sans trop agir pour que ça change, l'ensemble de la population du
Québec croule sous les paliers et les officines de gouvernements.
Et à trop gouverner, on n'arrive qu'à produire des masses
anonymes d'exclus. C'est le diviser pour régner à l'état
pur!
Notre histoire témoigne largement de ce phénomène.
Les amérindiens ont été exclus dès les débuts
de la Nouvelle-France comme non civilisés et païens. Les colons
parlant différentes langues ou patois de la mère patrie étaient
des exclus pour l'élite de la monarchie du temps. À la conquête
britannique, on ne gouvernait que pour l'avantage des marchands anglais.
Et le Canada des provinces reste une organisation mercantile qui doit son
existence au projet de construction d'un chemin de fer d'une mer à
l'autre, telle est encore sa devise! Même l'épisode soi-disant
patriotique de la rébellion 1837-38, fomentée par les instruits
de l'époque en faveur d'un gouvernement responsable pour les colonies
d'Angleterre en Amérique, il était tout aussi vide d'un projet
social. On proposait un changement de structures politiques sans toucher
aux systèmes d'exclusion qui avaient cours.
Le seul et unique projet social qui a battu la campagne et rallié
plus de 49.5% de la population a été ce rêve catholique
d'une société rurale égalitaire où chaque famille
avait son lopin de terre et de quoi subsister honorablement. Si ce beau
plan s'est effondré c'est bien parce que la hiérarchie de
l'église a abusé de sa position privilégiée
et s'est appliquée à exclure des gens de son paradis. L'exclusion
de centaines de milliers de laissés pour compte qui sont allés
faire fortune aux États-Unis, en Ontario et dans l'ouest du Canada
suivaient les traces des coureurs des bois. Ils voulaient briser le carcan
de la pauvreté bénie des paroisses rurales et des autorités
de patronneux du moment.
D'hier à aujourd'hui
De nos jours, l'exclusion se vit au quotidien comme jamais dans la province
de Québec. Les médias colportent les revendications de celles
et de ceux d'entre nous qui ont les meilleurs morceaux du gigot social.
Sur les jeunes, les chômeurs, les assistés sociaux, les malades,
les immigrants, bref sur cette majorité de divisés pour le
règne de quelques-uns, on s'en tient à décrire leurs
misères criantes, les crimes qu'ils commettent ou les statistiques
anonymes qui les caractérisent comme pauvres et mal pris.
« René
Lévesque l'a maintes fois souligné, l'enjeu de la souveraineté
dans l'esprit d'un très grand nombre de Québécoises
et de Québécois se traduit par une souffrance extrême
d'être trop gouvernés! »
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Pas besoin de consultation publique où ils seront absents, pour
savoir que tout ce monde ne rêve qu'à des conditions de vie
décentes! Et si le moindrement un projet social leur faisait miroiter
qu'ils auraient de quoi s'assurer un avenir seulement confortable, ils
voteraient de tout coeur pour un Québec souverain. Ces gens n'aspirent
pas à un salaire de médecin, même pas de fonctionnaire
de l'État, ils voteraient OUI pour qu'un pays de juste partage naisse.
Mais, les systèmes d'exclusion sont tellement forts, et ce depuis
des siècles dans les contrées canadiennes, que même
un gouvernement souverainiste à Québec s'appuie sur une fonction
publique majoritairement fédéraliste. Que la majorité
des postes dans les structures municipales et autres pouvoirs régionaux
sont détenus par des fédéralistes convaincus. Que
tous les médias d'information, à de très très
rares exceptions, dépendent de gens viscéralement opposés
à la souveraineté. Que les pouvoirs économiques déterminants
sont eux aussi tenus par des inconditionnels du Canada.
C'est l'option elle-même d'un gouvernement souverain du Québec
qui est évacuée par l'absence d'un projet social de bien
commun. On a eu des gestions gouvernementales souverainistes à Québec
qui ont ménagé la chèvre et le choux, qu'est-ce que
cela a donné? Le bel étandard d'une langue française
à sauvegarder et qui se meurt partout! Des mesures de prise en charge
gouvernementale toujours plus tatillonnes et des taxes ou impôts
monstres!
Tant et aussi longtemps que cette situation d'exclusion prévaudra,
pas un tribun, soit-il d'une rare éloquence, n'arrivera à
vendre l'idée qu'il n'y aura plus d'exclus après un référendum
donnant un gouvernement souverain à un peuple à se faire.
René Lévesque l'a maintes fois souligné, l'enjeu de
la souveraineté dans l'esprit d'un très grand nombre de Québécoises
et de Québécois se traduit par une souffrance extrême
d'être trop gouvernés! Quand la valse des exclus cessera-t-elle
pour faire place à une ronde solidaire? En tout cas, ne comptez
pas sur moi pour m'aligner main dans la main avec celles et ceux que je
considère comme des profiteurs de l'actuel régime d'exclusion!
(*) Léo-Gilles Savard
réside à Albanel, Québec |
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