Montréal,  9 oct. - 22 oct. 1999
Numéro 47
 
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     Le QUÉBÉCOIS LIBRE est publié sur la Toile depuis le 21 février 1998.   
   
     Il  défend la liberté individuelle, l'économie de marché et la coopération volontaire comme fondement des relations sociales.   
      
     Il  s'oppose à l'interventionnisme étatique et aux idéologies collectivistes, de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter les individus.      
  
     Les articles publiés partagent cette philosophie générale mais les opinions spécifiques qui y sont exprimées n'engagent que leurs auteurs.      
 
 
 
 
ÉDITORIAL
  
LES GUIDOUNES DU PSDLQ
 
par Martin Masse
 
  
          Le Parti soi-disant libéral du Québec (PSDLQ) tenait la semaine dernière un autre conseil général – il faut bien donner l'impression aux militants qu'ils servent à quelque chose – dans le but encore une fois de « rénover » son programme. Après la tenue de tant de conseils généraux, de colloques et de réunions de stratégie, après la publication de tant de documents de réflexion et de programmes électoraux, on se demande ce qu'il peut encore rester à élaborer et à rénover, surtout que le Québec fait face aux mêmes problèmes économiques et constitutionnels depuis des décennies. 
  
          Un parti qui existe depuis le 19e siècle n'a-t-il pas une idéologie déjà bien élaborée, dans ce cas-ci le libéralisme? Ce serait naïf de le croire. Comme je l'écrivais en juin dernier, alors que les libéraux tenaient un autre conseil général pour là encore poursuivre la rénovation de leur programme, le PSDLQ n'est qu'un parti de guidounes centriste et incohérent, qui rassemble des gens de toutes les idéologies surtout à cause de leur opposition au séparatisme. Si ce parti doit constamment remettre son programme à jour, c'est justement parce qu'il n'en a aucun et qu'il cherche simplement à voir de quel côté le vent tourne et à s'y adapter le mieux possible pour des raisons électoralistes.  
  
          Tous le monde est conscient de cela et c'est pourquoi le verbiage médiatique de la fin de semaine a tourné autour des propos du président de la commission politique du parti, Marc-André Blanchard, qui a semblé critiquer l'incohérence du discours de son chef en déclarant: « On ne peut pas d'un côté dire qu'on va baisser les impôts et de l'autre qu'on va réinvestir massivement dans toutes sortes de programmes sociaux ». Quel magnifique exemple de logique cartésienne! La pagaille a duré au moins une journée et le parti a failli ne pas s'en remettre. On pouvait voir à la télé des militants souffrant de dissonance cognitive et désorientés à l'idée de devoir clarifier leurs priorités politiques. Heureusement, le chef Jean Charest a ramené l'ordre en déclarant qu'il n'y avait aucune contradiction entre ces deux buts et en ordonnant à tout le monde de se rasseoir entre ses deux chaises. 
 
 
Truc de marketing 
  
          Toute cette mise en scène n'est bien sûr que de la frime pour épater la galerie et permettre aux commentateurs du réseau RDI d'avoir quelque chose à se mettre sous la dent pendant les émissions spéciales consacrées à l'événement. Loin d'être un partisan de la clarification idéologique en effet, M. Blanchard n'est qu'une autre girouette typiquement libérale – comment aurait-il pu sinon accéder à la présidence de la commission politique?! – qui sait comment estimer la vitesse et la direction des vents. Il a en effet proposé comme piste de réflexion politique à suivre la fameuse « troisième voie » des socio-démocrates européens Tony Blair et Gerard Schroeder. Pour un parti dit libéral, donc théoriquement quelque part au centre-droit sur l'échiquier politique, c'est plutôt inusité!  
  
          La troisième voie n'est qu'un autre truc de marketing utilisé par des politiciens de gauche pour faire croire à l'électorat que leurs partis (le Parti travailliste britannique et le Parti social-démocrate allemand) ne sont plus aussi dogmatiquement socialistes qu'ils avaient l'habitude de l'être et qu'on peut maintenant leur faire confiance pour ne pas complètement bousiller l'économie. Après presque deux décennies de traversée du désert, le truc a fonctionné et les deux partis sont maintenant au pouvoir, ce qui suscite l'intérêt de toute une intelligentsia de gauche occidentale qui ne sait plus vers quoi se tourner pour contrer la « mondialisation », la « montée du néolibéralisme » et les arguments en faveur du libre marché.  
  
          On peut comprendre que d'autres partis socialistes s'intéressent à cette stratégie de marketing et évaluent l'opportunité de s'en inspirer ou non. Il y a quelques semaines, les néo-démocrates canadiens décidaient ainsi de ne pas suivre cette avenue et de rester de bons socialistes dogmatiques (voir LE NPD GARDE LA GAUCHE, le QL, no 45). En France, le gouvernement socialo-communiste de Jospin semble ouvert à la stratégie, mais ne sait pas trop s'il devrait l'admettre ouvertement ou non à cause de l'hystérie que cela provoque chez ses alliés d'extrême-gauche. En bout de ligne, toutes ces manoeuvres de positionnement ne changent évidemment pas grand-chose: ces partis et gouvernements restent foncièrement interventionnistes, mais préfèrent ne plus le dire ouvertement et miser sur le « réalisme » et le « pragmatisme » de leur approche pour amadouer les électeurs.  
  
          En quoi, donc, ce type de stratégie peut-il s'avérer pertinent pour un parti qui se prétend libéral, qui s'inscrit donc nominalement dans un mouvement historique antisocialiste, de défense de la liberté individuelle et du libre marché? Poser la question, c'est y répondre... 
  
Toute est dans toute 
   
          Comme le disait fameusement un poète québécois, « toute est dans toute ». Au Canada comme ailleurs en Occident, le socialisme est dans le libéralisme, les partis politiques grappillent des bouts de programmes à gauche et à droite, et les étiquettes politiques n'ont plus de valeur que sur le plan du marketing électoral. Pendant que les libéraux du Québec se réunissaient en Beauce, les conservateurs fédéraux réunis en congrès à Toronto accueillaient un nouveau député dans leur aile parlementaire, la transfuge Angela Vautour, anciennement du NPD. Le chef du Parti soi-disant conservateur (PSDC), Joe Clark, s'est félicité d'avoir maintenant dans ses rangs cette spécialiste du tétage de subventions, d'assurance chômage et de b.s. pour ses compatriotes du Nouveau-Brunswick, sans y voir une quelconque contradiction avec le programme de son parti.  
  
  
  
« Un gouvernement Charest cohérent n'aurait d'autre choix que de fournir une quantité égale de viande hachée et de petits pois à tout le monde, et d'empêcher les plus riches de s'acheter des filets mignons et du vin à plus de 8$ la bouteille. »
 
 
 
          Lors du conseil général du PSDLQ, les délégués, poussés en cela surtout par l'aile jeunesse du parti, ont par ailleurs voté en faveur d'une résolution qui propose un régime par lequel « les individus prêts à assumer les coûts » pourraient se faire traiter dans les salles d'opération des hôpitaux « en dehors des heures normales, lorsque les ressources sont sous-utilisées ». Notez l'extrême modération de la démarche. On ne parle ni de privatisation, ni de réduction des soins pour qui que ce soit, ni de la création d'un système parallèle d'hôpitaux privés pour les plus riches, mais simplement d'une utilisation plus efficace des ressources publiques et de l'offre d'un choix pour ceux qui peuvent se le permettre et veulent payer. Cela aurait pour effet d'accélérer les traitements pour ces privilégiés, certainement, mais aussi de réduire la pression sur les ressources et donc la longueur des listes d'attente pour ceux qui continueront à suivre le parcours habituel.  
  
          Malgré cette modération, le débat a suscité une forte controverse et l'aile socialiste du PSDLQ a bondi sur ses grands chevaux pour dénoncer cette ouverture à une « médecine à deux vitesses ». Dans une envolée où il s'inspirait manifestement des discours de son idole Fidel Castro, le député d'Outremont Pierre-Étienne Laporte a comparé cette proposition à rien de moins que l'apartheid. « Je suis contre le fait qu'on institutionnalise les inégalités dans le système de santé. À mon avis, il y a derrière cette résolution un esprit qui me répugne. Des plus riches vont avoir accès à des soins alors que d'autres n'y auront pas accès. » Pensez-y! Les plus riches qui peuvent se permettre certaines choses inaccessibles aux plus pauvres, quelle ignominie! 
  
          Le chef soi-disant libéral (et ex-chef soi-disant conservateur) Jean Charest a renchéri avec cet éclaircissement sur les fondements de la philosophie du PSDLQ: « Les propositions qui auraient pour effet que pauvres et riches ne seraient pas traités sur le même pied dans notre régime de santé sont incompatibles avec la philosophie du Parti libéral » 
  
Pas d'apartheid alimentaire 
 
          Quoi qu'en dise Marc-André Blanchard, c'est peut-être une bonne chose finalement si les libéraux ne sont pas tout à fait cohérents dans leurs positions philosophiques. S'ils l'étaient et si Jean Charest appliquait cette profession de foi socialiste de façon systématique à toutes les politiques du parti, nous risquerions la nationalisation totale de secteurs comme l'alimentation ou le logement à la suite d'une victoire électorale du PSDLQ. À part la santé, qu'y a-t-il en effet de plus important que se nourrir et se loger? Mais un gouvernement libéral pourrait-il sans renier sa philosophie tolérer que « pauvres et riches ne soient pas traités sur le même pied dans notre régime d'alimentation », ou encore que « pauvres et riches ne soient pas traités sur le même pied dans notre régime d'habitation » 
  
          Un gouvernement Charest cohérent n'aurait sans doute d'autre choix que de fournir une quantité égale de viande hachée et de petits pois à tout le monde, et d'empêcher les plus riches de s'acheter des filets mignons et du vin à plus de 8$ la bouteille. On ne peut quand même pas tolérer que les riches aient accès à une meilleure nourriture parce qu'ils sont plus riches, ce serait odieux, ça signifierait qu'on institutionnalise les inégalités dans un secteur fondamental pour la survie même des citoyens, comme le dirait le camarade Laporte. Et aussi, il faudrait bien sûr nationaliser les maisons trop grandes et luxueuses et les diviser en logements sociaux similaires (« égaux ») pour tout le monde. Pas question non plus d'apartheid dans l'habitation!  
  
          Ouf, ça a tout de même certains avantages l'incohérence politique, ça permet de limiter les dégâts. Mieux vaut subir les folies que nous infligerait le gouvernement d'un parti soi-disant libéral que celui d'un parti vraiment socialiste. Vue sous cet angle, la démarche de réflexion proposée par Marc-André Blanchard est en fin de compte tout à fait logique. Le nom et l'origine historique du parti n'ont aucune importance, il n'y a que nous, pauvres intellos trop accrochés aux mots et aux concepts, qui nous en préoccupons. S'il veut trouver une bonne stratégie de marketing électoral, c'est bien chez les socialistes hypocrites de la troisième voie, ses congénères philosophiques, que le PSDLQ devrait chercher son inspiration. 
  
  
  
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L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
 
  
Le Québec libre des  
nationalo-étatistes  
 
 
          « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »   

Alexis de Tocqueville  
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840)

 
 
 
 
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