Montréal,  23 oct. - 5 nov. 1999
Numéro 48
 
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     « An optimist believes this is the best of all worlds. A pessimist fears the same is true. » 
  
Doug Larson
 
 
BILLET
  
RACONTE-MOI UNE
HISTOIRE
  
par Brigitte Pellerin
   
   
          L'autre dimanche, je suis allée me ballader dans le ventre d'une machine qui est assez rare de nos jours, merci. Un U-Boat. Un de ces sous-marins allemands utilisés lors de la Seconde Guerre (il y en avait apparemment plusieurs dans notre Saint-Laurent bien-aimé) pour faire peur à tout le monde.  
  
          Une merveille technologique; et une chance incroyable de pouvoir y entrer et s'y promener à l'intérieur, puisqu'il s'agit du seul exemplaire au monde à être accessible au public.  
  
          Mais là n'est pas la question. Mis à part l'émoi bien naturel de se trouver devant pareille rareté, et nonobstant la file d'attente, je fus frappée de plein fouet par une révélation (encore une) métapsychologique. 
 
 
Wham! 
  
          C'est qu'en entrant dans le U-505, le guide commence à nous raconter une petite histoire (enfin, nous la crier par les oreilles serait plus juste – cout'donc, sont-tu tous sourds, les Amerloques?) comme quoi notre petit groupe de vingt personnes étions les membres de l'équipage et que nous nous apprêtions à vivre l'expérience ultime qui consiste à arpenter le sous-marin en prétextant que nous y étions condamnés pour les 100 prochains jours que durerait notre mission.  
  
          Des petits exercices cuculs, des questions auxquelles il fallait répondre, un rôle (cuistot, responsable des missiles ou préposé aux balais) qu'il fallait assumer pour la vingtaine de minutes que durait la visite guidée – obligatoire, soit dit en passant; pas moyen de simplement visiter toute seule comme une grande.  
  
          Ça m'émaaarve comme c'est pas possible. Comme si on ne pouvait apprécier une visite dans un musée sans une petite histoire pour « faire vrai ». Comme si à part l'entertainment, il n'existait aucune autre forme de communication et/ou d'information.  
  
          Comme si ça nous prenait toujours un cadre à l'intérieur duquel penser. Et où m'en vais-je, avec tout ça? Ahhh.  
  
Bam! 
 
          Ce qui me chipote cette semaine, entre autres choses, c'est cette manie – que dis-je, ce tic nerveux – qui nous fait toujours lever les yeux au ciel, y cherchant LA réponse aux innombrables conflits-problèmes-récriminations qui se retrouvent chaque matin dans les cinq premières pages des journaux.                          
  
  
  
« En dehors d'une petite histoire à la Hollywood bien ficelée, on dirait qu'on n'arrive pas à réfléchir – et apprécier ce qui se passe autour de nous – tout seuls comme des grands. »
 
 
 
          Par exemple: l'usine de GM, les homards autochtones, la grève des camionneurs ou encore celle, évitée de justesse, des travailleurs de l'auto.  
  
          À chaque fois qu'il y a un de ces conflits, on entend toujours la même chose: un de ces quatre matins (et très souvent, le quatrième matin), on entend ENFIN la voix rassurante du lecteur de nouvelles qui nous apprend que le premier ministre a décidé d'intervenir.  
  
          Le PM (Chrétien ou Bouchard – un à zéro en faveur de l'unité nationale) commence par faire LE POINT: une déclaration, qui sert à orienter tout le monde. Le premier ministre « déplore », se dit « préoccupé », trouve « dommage », « espère » que les parties sauront trouver un consensus satisfaisant. Le bon monde écoute ça, et se dit soit 1) d'accord ou (devinez?) 2) pas d'accord avec le premier ministre.  
  
          « Ben franchement, le gouvernement devrait plutôt mettre tout ce monde-là dehors et mettre la clef dans la porte. GM... ça fait combien qu'ils ramassent, depuis dix ans? »  
  
          « Ben voyons donc! Qu'est-ce qu'ils attendent pour mettre leurs culottes? On va-tu se laisser manger la laine sur le dos encore longtemps? Plus d'essence depuis une semaine, des médicaments difficiles à trouver, du lait qui arrive sous forme de yogourt aux fraises... Ça va faire! »  
  
Thank you Mam! 
  
          Le lendemain matin, le premier ministre lit ses journaux et « prends le pouls » de la population. Deux fois sur deux, voici ce qui arrive: à l'écoute de l'opinion de ses ouailles, après analyse des éditoriaux, et à la demande générale, le gouvernement « intervient » 
  
          Youppie!  
  
          Et puis on passe à autre chose. Un autre conflit ethnique éclate, trois bombes tombent quelque part à l'autre bout du monde, Eltsine re-re-re-rentre à l'hôpital, et puis zut! faudrait bien penser à aller faire poser les pneus d'hiver.  
  
          Céline Dion s'achète un nouveau terrain de golf; pendant que tout le monde retourne écouter ses téléromans, peinard. Parce qu'en dehors d'une petite histoire à la Hollywood bien ficelée, qu'il ne nous reste qu'à ingérer tranquillement-pas-vite, on dirait qu'on n'arrive pas à réfléchir – et apprécier ce qui se passe autour de nous – tout seuls comme des grands.  
  
          Entertainment... Comme le disait Rock et Belles Oreilles: c'est là qu'on est rendus.   
 
 
 
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