Réjean Breton est professeur de droit du travail à l'Université
Laval. Il est l'un des rares universitaires au Québec qui ose aborder
directement la question du pouvoir excessifs des syndicats. Dans un essai
publié il y a quelques semaines aux Éditions Varia, Les
monopoles syndicaux dans nos écoles et dans nos villes, il dénonce
ces grands monopoles engendrés par le Code du travail qui ne servent
plus qu'à défendre les intérêts d'une minorité
de privilégiés. L'extrait qui suit en décrit les effets
négatifs sur la qualité de l'éducation:
« La CEQ [Centrale de l'enseignement du Québec]
croit fermement que des écoles de qualité reposent sur les
principes suivants: monopole d'État en éducation, monopole
syndical superposé au monopole d'État, permanence d'emploi
pour les syndiqués, salaire et affectation selon l'ancienneté,
et une politique de l'éducation assujettie à une large négociation
avec les monopoles syndicaux à travers la négociation de
conditions de travail qui débordent très largement sur la
qualité elle-même de l'éducation.
Pourquoi ne pas faire reposer l'école sur des enseignants de qualité,
sur les meilleurs disponibles?
Pour commencer, il faudrait savoir qui sont les bons, qui sont les meilleurs,
dans quelles écoles on les trouve! Qui connaît les meilleurs
profs de français dans nos écoles primaires? Très
peu de gens. Comment valoriser des personnes dans un système qui
empêche qu'on les connaisse?
Comment savoir qui sont les bons et les meilleurs quand n'existe aucun
système d'évaluation?
Le système actuel prend pour acquis que ceux qui sont en place,
permanents pour la plupart, possèdent la compétence et la
motivation nécessaires à leurs fonctions. Ils ont été
embauchés, donc ils avaient les qualités exigées;
ils sont toujours là, donc ils répondent aux exigences. Ce
système présente l'avantage considérable d'être
simple, sécuritaire pour ceux qui sont en place, et peu exigeant
pour tout le monde. Les profs ne subissent pas le stress de voir leur travail
observé d'un peu plus près, et les responsables des écoles
n'ont pas à vivre le stress d'évaluer les performances de
leurs enseignants.
Prendre pour acquis la compétence des employés, ça
permet de faire l'économie de beaucoup de temps, de beaucoup de
travail d'évaluation difficile et ingrat, et de beaucoup de tension
entre les principaux acteurs en éducation. Ne pas évaluer
périodiquement les enseignants, c'est faire l'économie d'une
confrontation sur l'essentiel: la direction de l'école fait comme
si la compétence allait de soi en l'attribuant automatiquement à
tous les permanents, et le syndicat voit là une manière de
faire qui respecte les acquis des travailleurs qui sont des professionnels
de l'éducation.
(...) La CEQ ne doit pas aimer les bons enseignants: elle n'en parle jamais.
Ils ont le défaut de ne pas être moyens, et de faire ressortir
davantage la médiocrité de ceux qu'elle maintient en poste
dans nos écoles. Posons-nous la question, à défaut
pour la CEQ de le faire: c'est quoi un bon prof? Les opinions divergent
grandement sur cette question, mais ce débat est essentiel pour
éventuellement identifier les bons enseignants, ce qui permettrait
aux parents de connaître la valeur des écoles de leur quartier
ou de leur région.
« La CEQ ne doit
pas aimer les bons enseignants: elle n'en parle jamais. Ils ont le défaut
de ne pas être moyens, et de faire ressortir davantage la médiocrité
de ceux qu'elle maintient en poste dans nos écoles. »
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Le bon prof, c'est d'abord un excellent communicateur. Qui adore la matière
qu'il enseigne. Le bon prof de français est un passionné
de la langue, qui ne se fatigue pas d'en parler, qui cherche par tous les
moyens à faire comprendre aux jeunes qu'ils pourront d'autant mieux
communiquer avec les autres qu'ils posséderont leur langue, qu'ils
auront développé une forte capacité d'expression orale
et écrite. Un très bon prof ne peut pas ne pas être
passionné. Il ne peut pas être ennuyant. S'il l'est, ça
veut dire qu'il n'est pas bon communicateur, auquel cas on ne doit pas
lui permettre d'enseigner à nos jeunes du primaire qui ont le droit
absolu à un départ de qualité dans l'univers des connaissances.
Les parents s'intéresseraient sans doute davantage à l'école
de leurs enfants si le débat de la qualité des enseignants
et des écoles avait enfin lieu au Québec. Ils s'y intéresseront
si leurs opinions signifient quelque chose. La qualité de l'école
passe par le pouvoir des parents: ils doivent pouvoir juger l'école
et son personnel. Ils doivent pouvoir comparer pour choisir dans l'intérêt
de leurs enfants. C'est pourquoi il est si important que les enseignants
soient évalués, et que les bons soient reconnus et valorisés.
(...) Actuellement, les bons professeurs sont tenus cachés ou presque.
Tout le système contribue à ce qu'ils ne soient pas identifiés,
reconnus. Ils sont noyés dans un système d'éducation
impersonnel qui ne tient aucun compte des qualités et des défauts
des enseignants en chair et en os que l'on trouve dans les salles de cours.
La convention collective, la loi en éducation, impose la règle
du commun dénominateur, de la standardisation: tout le monde il
est égal, tout le monde il est pareil. Selon cette loi qui a cours
en éducation, tous les profs se valent une fois entrés dans
le système. Ils sont interchangeables. Subitement, par une opération
de l'esprit de la convention collective, ils n'y a plus de professeurs
médiocres qui en côtoient d'excellents; miraculeusement, la
règle de l'ancienneté aplanit les écarts injustes
de compétence et de motivation. La convention collective vient corriger
les injustices de cette vilaine mère nature qui n'a pas eu ce réflexe
syndicaliste de nous faire tous égaux. »
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