Montréal, 6 nov. - 19 nov. 1999 |
Numéro
49
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On se souviendra qu'au début de la décennie, les intellos
gauchistes occidentaux qui ne souhaitaient pas voir la liberté et
le capitalisme s'installer trop rapidement sur les ruines du communisme
suggéraient la méthode des petits pas et dénonçaient
les partisans d'un changement trop brusque. Dix ans plus tard, le verdict
est clair: les réformistes pressés, ceux qui ne croyaient
pas qu'on pouvait se maintenir indéfiniment entre la tyrannie et
la liberté, ni qu'une économie pouvait à la fois être
flexible et planifiée, ont réussi à ramener leur pays
dans le giron de la civilisation occidentale. C'est le cas, notamment,
de la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie, la Slovénie et les
pays baltes. Gabor Demszky, maire de Budapest et l'un des dirigeants de
l'Alliance des libéraux démocrates en Hongrie, est optimiste
quant à l'avenir de ce pays:
More and more Hungarians want to decide the most important matters themselves. One year after our third free elections, it is increasingly clear that citizens reject the idea of an omnipotent state. The majority of Hungarians have tasted freedom, and it has left a cathartic impression on them. Freedom is no longer an abstract idea. Today, they ask concrete and sensible questions: Who spends the money we earn? Do we make decisions or does some office decide for us? Do we choose a school for our children or does a bureaucrat tell us where to take them? (WSJ) Ailleurs, en Russie, au Bélarus, en Ukraine, en Serbie et en Roumanie, les gouvernements n'ont pas réussi à instaurer les institutions et mécanismes essentiels à une société démocratique et à une économie de marché et la situation continue d'être chaotique. Elle le restera aussi longtemps que des réformes capitalistes cohérentes ne seront pas entreprises. Ce ne sont pas des milliards de nos dollars envoyés sans notre consentement par nos gouvernements et le Fonds monétaire international dont ces pays ont besoin, c'est d'une nette rupture avec le passé et d'un engagement ferme en faveur de la liberté, un démantèlement complet des murs invisibles. Sommes-nous vraiment libres? Ici en Amérique du Nord, la bataille contre les totalitarismes n'a bien sûr jamais eu lieu. Communistes et fascistes sont restés une petite minorité, même dans les périodes où ils dominaient sur d'autres continents. Nous vivons une période de prospérité inégalée dans l'histoire de la civilisation, les technologies modernes comme l'internet permettent une liberté de communication et d'expression sans précédent, en même temps que le champs de l'autonomie individuelle s'est élargi avec la disparition de nombreux tabous et normes sociales et religieuses oppressives. Posons-nous toutefois les mêmes questions concrètes que les Hongrois: Qui dépense l'argent que nous gagnons? Prenons-nous nous-mêmes les décisions ou sont-elles prises quelque part dans un bureau quelconque? Pouvons-nous choisir une école pour nos enfants ou est-ce un bureaucrate qui nous indique où les envoyer? Dans tous ces cas, nous ne sommes pas libres: c'est l'État qui confisque la moitié de notre revenu et l'État qui s'arroge le pouvoir de décider un tas de choses qui ne devraient concerner que nous-même.
La réalité, c'est que même dans des pays qui ont officiellement été toujours Corruption morale à Chandler C'est souvent la population elle-même qui réclame à cor et à cri la construction de murs de Berlin invisibles. Ces derniers jours, les citoyens de la petite ville de Chandler en Gaspésie ont manifesté contre la décision de la compagnie Abitibi-Consolidated de fermer la papetière locale, entraînant par le fait même 600 mises à pied. C'est tragique pour les personnes concernées, mais l'usine était l'une des moins productives en Amérique du Nord. L'économie est un système complexe en constant renouvellement, et il est inutile de tenter de figer les choses comme elles l'étaient par le passé. Lorsqu'un processus de création de richesse a perdu sa raison d'être économique, on ne peut le maintenir qu'en le faisant fonctionner à perte, en y engloutissant de la richesse créée ailleurs. C'est justement ce que les citoyens de Chandler exigent des gouvernements. Corrompus moralement, comme une partie importante de la population de leur région, par des décennies de dépendance envers l'État – exactement comme l'étaient les citoyens des pays communistes – ils considèrent qu'un revenu stable leur est dû, rationalité économique ou pas. Lors de la manifestation, des pancartes et des orateurs ont dénoncé le Le gouvernement provincial a adopté le lendemain de la manifestation un Les briques dans nos têtes La lutte héroïque contre les totalitarismes est peut-être terminée, mais celle qui vise à protéger la liberté contre des centaines de petites attaques se poursuit de plus belle, ici comme dans les ex-pays de l'Est. Il faut maintenant lutter non pas contre une tyrannie sanguinaire, contre un monstre bien identifié qui suscite facilement l'antagonisme, mais plutôt, dans un contexte où tout le monde prétend valoriser la liberté, contre l'incohérence. Même s'ils constituent des cibles faciles, il est en effet trop simple de dénoncer uniquement les politiciens et la classe de parasites bureaucratiques qui nous gouvernent. Ces gens n'ont que le pouvoir que nous leur accordons. Ces murs invisibles, ils les construisent en prenant pour matériau les briques que chacun de nous porte dans sa conscience, les briques de la dépendance, de la peur, de l'insécurité, de la résignation, de la complaisance, de l'hypocrisie, de la convoitise, de l'indifférence. La liberté n'est pas un cadeau que nous accorderont nos bons dirigeants si nous le méritons; c'est d'abord une attitude, des choix que nous faisons tous les jours, une indépendance personnelle que nous entretenons et des limites que nous imposons à ceux qui tentent de nous contrôler et de nous asservir à leurs causes. Cette attitude est loin d'être très répandue et valorisée dans le Québec contemporain, comme ailleurs en Occident. Dix ans après la chute du Mur de Berlin, il est encore impossible de conclure que la liberté a vraiment triomphé pour de bon. Articles précédents de Martin Masse |
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