Montréal,  6 nov. - 19 nov. 1999
Numéro 49
 
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            Vos réactions        
 
 
 
 
 
 
     « Thanks to words, we have been able to rise above the brutes; and thanks to words, we have often sunk to the level of the demons. » 
  
Aldous Huxley
 
 
BILLET
  
ILS SONT FOUS
CES GAULOIS
  
par Brigitte Pellerin
   
   
          C'est l'an de grâce 1999, et toutes les affiches ont succombé à l'Office de la langue française. Toutes les affiches sont en français. Toutes? Non, quelques-unes résistent, encore et toujours, au rouleau compresseur. 
  
          Mais pas pour longtemps. 
  
          Le temps est maintenant venu de mettre ces rébarbatifs au pas une fois pour toutes. Les gens bien-pensants ne veulent plus rien entendre (et surtout pas lire) de ces abominations à résonnance anti-gauloise. Les McDonald's, Wal-Mart, Dunkin Donuts et autres Canadian Tire devront franciser leurs trademarks (oops... suis-je en train de commette une félonie? My goodness!) ou bedon sacrer leur camp! 
  
          (Heille... attendez une minute... ça voudrait dire qu'on n'aurait plus droit aux Whoppers? Euh, êtes-vous bien sûrs de votre affaire?) 
 
 
La menace plane... et plane... 
  
          Non mes frères, confrères et compatriotes, ne nous laissons pas attendrir. Ne cédons pas aux attaques sournoises de ces néo-libéraux de la boulette-et-du-beigne-au-sucre-en-poudre. Cela fera. On a été assez gentils jusqu'à maintenant; on a toléré de nombreuses violations à notre identité (distincte) de francophones en Amérique du Nord – ceux-là mêmes qui se battent pour leur « survivance » ... priez pour nous – mais voilà, ça s'arrête drette icitte. 
  
          Wô. C'est qu'il faut prendre au sérieux cette menace qui plane, spécialement au-dessus de la tête des Montréalais, menace d'assimilation, d'anglicisation complète, de disparition du fait français en Amérique. 
  
          Oooohhhh, maman. 
  
          Je sais, je sais. Il me semble que les politiciens devraient s'occuper d'autre chose que de franciser Second Cup (n'empêche... Deuxième Tasse; il me semble que ça ne sonne pas bien). Tout le monde le dit et le répète: on n'a juste pas les moyens de taponner là-dedans. Occupons-nous plutôt des écoles, des hôpitaux, de baisser les impôts, et de toutes ces petites choses qui affectent vraiment la vraie vie du vrai monde. On a d'autres chats à fouetter, nom d'un p'tit bonhomme! (Pillsbury? re-oops) 
  
          Mais je n'y peux rien, il y a là quelque chose qui m'agace suprêmement. Que les péquistes en mal d'ouvrage se cherchent des raisons d'affirmer haut et fort (faisant chier tout le monde et son voisin au passage) qu'ils ne vivent que pour assurer aux (vrais) Québécois un environnement francophone libre de toute « cicatrice » et « blessure », à la limite bof, je m'en tape. En fait, je trouve ça presque trop drôle pour y croire vraiment; et ça me donne du jus pour alimenter les conversations de pub quand je me promène à l'étranger. 
  
  
  
« L'endroit au Québec où la qualité du français est la moins pire est encore Montréal. Ailleurs, dans toutes ces petites villes perdues, le patois local est aussi près de la langue de Molière que moi du NPD. »
 
 
 
          C'est qu'imaginez-vous donc que là-bas, personne ne me croit. Ils sont tous convaincus que je ne porte pas bien l'alcool et que conséquemment, je beurre trop épais histoire de me rendre intéressante. (...) Mais je dérape. 
  
Virage anticipé 
  
          Ce qui me tarabuste dans cette histoire à la Ionesco, c'est qu'on ne cesse de justifier ces mesures ridicules en brandissant des études démontrant qu'à (plus ou moins) court terme, Montréal virera à l'angliche. Que l'anglais prend toujours plus de place sur l'île qui se meurt de n'être qu'une ville. Que l'avenir du Québec passe par un Montréal français. 
  
          Et ils ne sont même pas fichus de réaliser que l'endroit au Québec où la qualité du français est la moins pire (notez l'emphase: la MOINS PIRE) est encore Montréal. Qu'ailleurs (le Saguenay... for one), dans toutes ces petites villes et autres bleds perdus, le patois local est aussi près de la langue de Molière que moi du NPD.                              
  
          Pourquoi cela? Parce que Montréal, et mis à part son côté anglais, vit au jour le jour avec des gens qui parlent tout plein d'autres langues (incluant le VRAI français); que ces gens soient de passage ou qu'ils aient succombé pour de bon aux charmes du boulevard Saint-Laurent. 
  
          Bref, les Montréalais sont en contact continu avec d'autres langues et cultures, y gagnant un vocabulaire plus étendu ainsi qu'une prononciation moins châtiée que ce qu'on retrouve ailleurs dans la province. Parce que le désir d'être compris des touristes et autres « visiteurs » nous force à parler sur le sens du monde, dans un français se rapprochant autant que faire se peut du soi-disant « international ». Ailleurs, eh bien le fait de vivre en vase clos (et tricoté passablement serré) permet aux locaux de s'enfoncer sans reproche dans leurs mauvais plis. 
  
          La même chose se produit avec l'anglais, qu'il me soit permis d'ajouter. Juste à faire un tour dans une ville perdue quelque part dans le nord de l'Indiana pour réaliser que ces gens-là ne parlent pas du tout le même language que le bel anglais cu-cultivé qui nous charme les oreilles à Boston. C'est juste normal, quand on vit dans un environnement relativement fermé, que nos mauvaises habitudes prennent le dessus. Parce que personne n'est là pour nous rappeler que le dialecte local n'est que cela: une sorte de créole (et un clin d'oeil pour Alain Peyrefitte, un!) incompréhensible. 
  
          Alors serait-il possible qu'on nous lâche les baskets et qu'on finisse par passer à autre chose? Parce que les jérémiades linguistiques, ça commence à nous les encombrer sérieusement. Y'en a marre, à la fin.  
 
 
 
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