Montréal,  6 nov. - 19 nov. 1999
Numéro 49
 
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MOT POUR MOT
  
ASSUJETTIS AU FISC À 46%
 
 
          À entendre les groupes de pression pleurnichards et les intellos gauchistes pérorer sur le « démantèlement de l'État » et les « coupures sauvages » pratiquées par nos gouvernements, on pourrait croire que celui-ci a tellement rétréci qu'il est en voie de disparaître. Et pourtant, il n'a jamais été aussi obèse!  
  
          Nous versons aujourd'hui plus de 46% de nos revenus à l'État, contre 33% en 1961. Non seulement s'agit-il d'un vol immoral des fruits de notre travail au profit d'une classe de parasites, mais comme l'indique la première étude publiée par l'Institut économique de Montréal, ce fardeau fiscal élevé a aussi des conséquences néfastes sur toute l'activité économique.  
  
          Nous publions ici le résumé de cette étude, qu'on peut lire en entier sur le site de l'IEDM. Les auteurs sont Jean-Luc Migué, président du conseil scientique de l'IEDM – et collaborateur du QL – ainsi que Michel Boucher, professeur à l'ÉNAP. 
 
 
 
RÉSUMÉ DE L'ÉTUDE 
« FISCALITÉ DES QUÉBÉCOIS ET CROISSANCE »
  
  
          Cet essai s’emploie à définir une philosophie fiscale, fondée sur le principe de la généralité des lois, qui doit présider à une économie prospère et respectueuse de l’individu.  
  
          Les gouvernements canadiens exercent sur l’économie canadienne une ponction supérieure à celle de toute autre période antérieure, à l’exception de la deuxième guerre mondiale. La famille canadienne moyenne verse plus de 46% de son revenu en taxes, contre 33% en 1961. Le compte de taxe de la famille canadienne s’est alourdi de 1 286% depuis 1961, pour absorber à lui seul plus de ressources que les trois composantes des dépenses essentielles combinées que sont le logement, l’alimentation et le vêtement. Des quatre pays avec lesquels on commerce le plus, c’est au Canada que l’ensemble du fardeau fiscal s’est le plus appesanti au cours des trois dernières décennies. Le seul impôt sur le revenu a augmenté deux fois plus qu’aux États-Unis.  
  
          Là où le Canadien moyen verse 86,79 $ en taxes de toutes sortes, et l’Ontarien 93,16 $, le contribuable québécois est allégé de 100,00 $. L’Américain de son côté n’est affligé que d’un fardeau de 76,22 $. Il n’y a guère que le Français et l’Italien moyen, de tous les habitants du G-7, qui portent un fardeau plus lourd. Le jour J de l’année où les Québécois cessent de travailler pour les gouvernement tombe le 6 juillet. Les Québécois sont bons derniers au Canada en cette matière depuis 1985. Le territoire le plus lourdement taxé d’Amérique du Nord. L’abaissement généralisé (plutôt que ciblé) des taxes, et même l’affectation de tous les surplus budgétaires à la compression des taxes, de préférence au gonflement des dépenses ou même au remboursement de la dette, déclencherait une véritable explosion de prospérité retrouvée. 
  
          Le taux marginal d’imposition le plus élevé s’inscrit à 51,7% au Québec, sur un revenu de 63 500 $. Ce taux spoliateur se compare à un taux de 44,7 en Alberta, de 45 en Ontario et de 43,7 (sur un revenu de 425 000 $) aux États-Unis. Les taux marginaux doivent baisser pour tous. Cette prescription est particulièrement pressante pour les bas revenus qui subissent des taux spoliateurs supérieurs à 100%, et qu’on dissuade souvent de s’intégrer à l’économie du travail; elle n’est pas moins impérieuse pour les taux les plus élevés qui s’appliquent à partir de 63 500 $. 
  
          Du côté de la fiscalité des entreprises, les taux d’imposition des profits s’inscrivent à 44% au Canada, à comparer à 34% dans les 47 pays retenus par le 1999 World Competitiveness Yearbook. Le taux est de 39% aux États-Unis. Si on combine les taxes sur le capital et sur la propriété des entreprises, la position du Canada est presque la plus mauvaise au monde, à 4% du PIB. C’est au Québec que cette forme de fiscalité (taxe sur le capital) pèse le plus lourd. L’allègement de la fiscalité des entreprises s’impose donc, surtout des entreprises non manufacturières et novatrices qui se retrouvent en position défavorable vis-à-vis leurs contreparties américaines et celles d’autres pays. 
  
  
« Le compte de taxe de la famille canadienne s'est alourdi de 1 286% depuis 1961, pour absorber à lui seul plus de ressources que les trois composantes des dépenses essentielles combinées que sont le logement, l'alimentation et le vêtement. »
 
 
          La résorption du déficit canadien s’est faite essentiellement (pour les 2/3) par la hausse du fardeau fiscal. Et le gros de cette manne fiscale provient de l’impôt sur les revenus, dont le produit s’enfle automatiquement par le subterfuge frauduleux de la non indexation des déductions et des revenus monétaires. Implanter sans restrictions la pleine indexation des revenus et des crédits. Cette taxe sournoise appelée non-indexation (Québec) et désindexation (fédéral 1986) a valu un appesantissement fiscal de plus de un milliard par année au seul gouvernement fédéral. 

Coûts économiques des taxes et croissance  
   
          Les taxes ralentissent la croissance à long terme; en fait la fiscalité tue la prospérité. La relation qui relie croissance et taille de l’État révèle qu’une baisse de 10 points (% du PIB) des taxes s’accompagne d’une hausse approximative de un point (%) de la croissance. Au total le budget de dépenses publiques expliquent 42% des variations de croissance entre les pays de l’OCDE. Relation illustrée au Canada par la prospérité relative de l’Ontario et de l’Alberta; et négativement par le dépérissement du Québec et de la Colombie Britannique. L’Ontario comptait 381 600 emplois de plus en 1998 qu’en 1995; c’est 46,5% de toutes les créations d’emplois canadiens. Pendant la même période, la création d’emplois observée au Québec dépasse tout juste les 123 000, soit 15% de tous les emplois canadiens.  
  
          Toutes les taxes exercent des effets dépressifs sur l’économie, parce que toutes affectent de façon négative les incitations des agents économiques à travailler (chômage durable), à épargner, à investir, à prendre des risques (sous-performance des bourses canadiennes) et à innover. On estime qu’au Québec, une augmentation de un dollar du fardeau fiscal entraîne une baisse de 99 cents de la production et donc des revenus de l’économie privée. 
  
          Cet impact des taxes est si réel qu’il a donné lieu à la courbe Laffer. À partir d’un certain poids fiscal, que le Québec a peut-être atteint, il se peut que les rentrées fiscales y perdent à l’évasion fiscale, et au refus des gens de s’engager dans des activités productives. En dépit de la baisse de taxes que l’Ontario a votée depuis 1995, le revenu du gouvernement est en hausse de 9% et le déficit provincial décline. L’observation d’une économie souterraine florissante, les multiples détours empruntés pour éviter les taxes de vente, l’hésitation à faire du surtemps déclaré, la faible attraction du Canada pour les capitaux nationaux et étrangers, ainsi que la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux quand ce n’est pas l’émigration des citoyens les plus riches et les plus talentueux, tout tend à suggérer qu’au Canada, au Québec en particulier, la baisse des taxes élèverait les rentrées fiscales et pourrait même comprimer le déficit. 

Coûts politiques des taxes  
  
          Dans une version de la Loi de Parkinson, les dépenses publiques augmentent pour rejoindre les revenus. « Qu’on leur donne l’argent; ils ne manqueront pas de le dépenser ». L’analyse et l’histoire récente ailleurs attestent que la façon de freiner les instincts du gouvernement, c’est de le rationner dans ses revenus.  
  
          Dans la vision conventionnelle, le gouvernement recherche le bien commun et prélève juste assez de taxes pour y pourvoir. Quand on abandonne ce postulat désinstitutionnalisé, on réalise que les gouvernements réels s’emploient surtout à opérer des transferts politiquement inspirés entre les individus et les groupes. Il faut présumer alors que les exigences fiscales sont infinies. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à observer le fourmillement des intérêts qui grouillent autour du Trésor public pour s’approprier le « dividende fiscal » qui n’est même pas encore réalisé. Le déplacement des ressources vers les activités redistributives retarde la croissance et interdit à l’économie de réaliser son plein potentiel. Il faut en conséquence imposer au législateur d’obtenir des super majorités plutôt que de simples majorités à l’assemblée législative pour hausser les taxes, ou exiger de tout futur gouvernement qu’il obtienne l’approbation des votants, comme le propose le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et l’Alberta, ou encore qu’il procède par referendums populaires (comme en Suisse). 
  
          Il faut aussi ne jamais tolérer la fermeture d’une échappatoire ou l’adoption d’un péage ou tarif, qui ne soient compensées par l’allègement des taxes plus générales. L’assiduité du Québec à poursuivre les fraudeurs nous a valu un alourdissement fiscal de 2,7 milliards, et pas un sou d’allègement pour le reste des honnêtes gens. À long terme, une fois mises en place les contraintes suffisantes au gonflement de l’État et à l’exemple du gouvernement albertain, les exigences de la croissance nous invitent à tendre vers la taxe proportionnelle sur le revenu. 

Implantation de services substituts aux monopoles publics  

          Par suite de la hausse prévisible de la demande de services (vieillissement de la population, hausse du revenu, évolution de la technologie médicale) aujourd’hui offerts en exclusivité par les gouvernements, la consigne d’allègement prononcé des taxes doit être assortie d’une condition. En même temps qu’ils se retirent de la production de services en monopoles publics, les gouvernements doivent, à  l’exemple de la plupart des pays, ouvrir la voie à l’implantation de substituts privés, en particulier dans les services de santé, de retraite et d’éducation. En favorisant ainsi la croissance d’une capacité supplémentaire privée, ces pays sont parvenus à atténuer la pression des coûts sur le régime public; la qualité des soins et la multiplicité des choix y ont gagné, tandis que les files d’attente se sont raccourcies. L’abolition des monopoles publics enrichirait les Québécois. 

 
  
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