Montréal,
18 mars 2000 / No 58 |
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Le QUÉBÉCOIS LIBRE est publié sur la Toile depuis
le 21 février 1998. |
Il défend la liberté individuelle, l'économie
de marché et la coopération volontaire comme fondement des
relations sociales. |
Il s'oppose à l'interventionnisme étatique et aux idéologies
collectivistes, de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter
les individus. |
Les articles publiés partagent cette philosophie générale
mais les opinions spécifiques qui y sont exprimées n'engagent
que leurs auteurs. |
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ÉDITORIAL
LA
SANTÉ POLITIQUE
DE
NOS GOUVERNANTS
par
Martin Masse
Le contrôle étatique sur la gestion des soins de santé
produit des paradoxes surprenants. Alors qu'on dénonce habituellement
les structures bureaucratiques parce qu'elles sont des machines à
dépenser sans compter, dans le cas de la santé, c'est le
contraire qui se produit: tout le monde critique le fait que le gouvernement
ne dépense pas assez.
On l'a vu avec la fameuse cagnotte fédérale de 840
millions $ que Québec préfère garder dans un
compte en banque, qui a suscité la critique universelle. Qui peut
par ailleurs affirmer que le gouvernement ne devrait pas dépenser
plus dans le réseau des hôpitaux, alors que les listes d'attente
pour les chirurgies s'allongent et que l'on constate des pénuries
de spécialistes dans à peu près tous les secteurs?
Oublions un instant la question de la répartition appropriée
et de la gestion efficace des ressources à l'intérieur du
système (voir à ce sujet LE CHAOS PLANIFIÉ
DANS LES URGENCES, le QL, no
54 ). Même si tous les fonds présentement disponibles
étaient utilisés de la façon la plus efficiente possible,
il se peut que ces ressources globales ne soient pas suffisantes pour répondre
à la demande.
On le sait, la population vieillit et l'espérance de vie s'allonge,
les gens sont de plus en plus exigeants et souhaitent demeurer en santé
le plus longtemps possible, les méthodes de traitement high-tech
sont de plus en plus coûteuses. On peut penser que le citoyen moyen
est prêt à consacrer une plus grande part de ses revenus à
la santé. Comment alors devrait-on déterminer le niveau idéal
de ressources globales consacrées à ce domaine, de façon
à bien refléter la demande globale des citoyens? |
Une
solution à long terme
Dans le cadre de notre système de santé étatisé,
c'est bien simple: le gouvernement décide. Ces dernières
années, on a effectué des coupures. La prospérité
récente et les surplus budgétaires ont permis au gouvernement
de réinjecter quelques centaines de millions et d'éponger
les déficits des hôpitaux. Mais ce qu'on a entrevu ces derniers
jours dans les déclarations ministérielles, c'est la possibilité
d'une solution à long terme à ce débat. C'est le ministre
des Finances Bernard Landry qui l'a proposée: établir un
plafond de dépenses qui resterait stable quelle que soit l'évolution
des finances du gouvernement.
« Comme les besoins sont en croissance exponentielle
et que la population vieillit et va continuer à vieillir, il faut
que les pays disent: nous allons mettre tel pourcentage de notre PNB et
nous en tenir à ça », a expliqué
le ministre. « Les sociétés sérieuses
devront décider de la portion du PNB consacrée à la
santé et gérer à l'intérieur de ça.
»
C'est la solution technocratique par excellence: la ministre de la Santé
Pauline Marois tiendra au printemps des consultations publiques sur la
gestion et le financement du réseau. Nous déciderons alors
« collectivement » d'un chiffre magique, qui servira
de balise pour le futur. Et comme cette décision sera le reflet
de notre volonté collective solidairement exprimée, tout
le monde sera officiellement content et personne ne pourra dorénavant
critiquer les choix du gouvernement, puisque nous aurons atteint une situation
optimale en regard de tous les choix collectifs que nous avons à
faire.
On sait bien sûr à quoi rime cette mascarade consultative.
Mais pourquoi donc le gouvernement se sent-il obligé de proposer
une telle solution, de figer dans le béton le niveau des dépenses
pour un domaine en constante évolution, où les besoins et
les demandes du public changent d'année en année? N'aurait-il
pas avantage à dépenser plus, puisque c'est manifestement
ce que la population demande, sondage après sondage?
Bonne
gestion politique
En fait, les besoins et demandes du public n'ont rien à y voir.
Une telle balise serait utile pour le gouvernement simplement parce qu'elle
ferait en sorte de rendre des choix difficiles plus faciles à gérer
politiquement.
Le premier ministre Lucien Bouchard en a expliqué la logique dans
deux courtes phrases: « On sait bien que la santé
est un domaine dont les besoins sont presque inépuisables. Mais
il faut un encadrement budgétaire. » Sans «
encadrement budgétaire » en effet, c'est-à-dire
si on laisse l'offre de soins s'ajuster à la demande, les coûts
de la santé vont exploser de façon exponentielle. Parce que
les soins sont en théorie « gratuits »,
il n'y a pas de discipline au niveau de la demande. Les patients veulent
les meilleurs soins le plus vite possible et n'ont pas à se préoccuper
de gérer ce que ça leur coûte et de faire eux-mêmes
des choix difficiles, alors qu'ils doivent par exemple se demander s'ils
ont les moyens de vivre dans un appartement plus grand, de s'acheter une
deuxième voiture, ou de prendre des vacances dans le Sud cette année.
« Le socialisme et l'étatisme se nourrissent de la
croyance naïve dans la capacité des politiciens à faire
des choix qui seront dans l'intérêt du plus grand nombre,
alors que leur gestion du secteur de la santé montre bien que ce
n'est pas le cas. »
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Mais le gouvernement ne peut pas permettre cette explosion des coûts,
qui le forcerait à augmenter les taxes ou à couper dans d'autres
postes de budget, par exemple dans les milliards en subventions que Bernard
Landry aime bien distribuer à ses petits amis du secteur dit «
privé ». Pour mieux comprendre la nature de ces choix
politiques, on peut imaginer les politiciens comme des entrepreneurs, qui
visent à récolter les votes plutôt que les profits.
De ce point de vue, ils ont avantage à agir de la sorte s'ils considèrent
que les gains de popularité qu'ils récolteront dans d'autres
secteurs compenseront pour les pertes dues aux restrictions budgétaires
dans la santé. La gestion des ressources en santé ne vise
en fin de compte pas à répondre aux besoins et demandes de
la population, mais plutôt à maximiser les retombées
électorales – et référendaires – pour le Parti québécois.
La
solution: une médecine privée
Voilà pourquoi nos gouvernants ont eu le « courage
politique » de restreindre les budgets de la santé
ces dernières années et pourquoi ils sont prêts à
considérer une solution absurde comme l'imposition d'un plafond
de dépenses en proportion du produit national brut. Même si,
pour toutes sortes de raisons comme le vieillissement ou la découverte
de traitements permettant de vivre plus vieux, une majorité d'entre
nous étaient prêts à dépenser un peu moins sur
les loisirs ou l'habillement, et un peu plus sur les soins de santé,
nous n'avons pas le choix de continuer à recevoir la quantité
de soins que le gouvernement a décidé à notre place
de nous fournir.
Seule une médecine privée, où les patients auraient
le contrôle sur les ressources qu'ils souhaitent consacrer à
leur santé, permettrait de remédier à cette absurdité.
Il est vrai qu'il faudrait alors faire des choix difficiles, puisque l'illusion
de la gratuité ne jouerait plus dans les décisions à
prendre. Si quelqu'un préfère par exemple investir beaucoup
plus dans une police d'assurance plus complète de façon à
garantir qu'il obtiendra les traitements les plus efficaces et coûteux,
ce sera son choix; si une autre préfère profiter du bon temps,
s'en remettre aux organismes de charité pour recevoir des soins,
et se dire qu'elle pourra bien mourir après avoir fait le tour du
monde parce qu'elle aura accompli son rêve dans la vie, ce sera son
choix aussi. Chacun sera libre de choisir de payer pour plus ou moins de
soins, et chacun devra vivre avec les conséquences.
Il n'y a pas d'autres façon de répondre aux besoins et demandes
des citoyens: il faut les laisser faire leurs propres choix dans un contexte
de libre marché. Les imprudents et les paresseux seront bien sûr
moins avantagés dans un tel système, mais les autres pourront
bénéficier de soins d'une qualité supérieure
– s'ils décident eux-mêmes que c'est dans leur intérêt
et qu'ils sont prêts à y consacrer les ressources nécessaires.
Le socialisme et l'étatisme se nourrissent de la croyance naïve
dans la capacité des politiciens à faire des choix qui seront
dans l'intérêt du plus grand nombre, alors que leur gestion
du secteur de la santé montre bien que ce n'est pas le cas. Les
choix qui sont faits à notre place par nos gouvernants, c'est avant
tout en ayant à coeur leur propre pouvoir qu'ils les font.
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Le Québec libre
des nationalo-étatistes |
L'ÉTAT,
NOTRE BERGER?
« Après
avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu,
et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses
bras sur la société tout entière; il en couvre la
surface d'un réseau de petites règles compliquées,
minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus
originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour
pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais
il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais
il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point,
il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne,
il comprime, il énerve, il éteint, il hébète,
et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un
troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le
berger. »
Alexis
de Tocqueville
DE
LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840) |
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