Montréal, 1er avril 2000  /  No 59
 
 
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Martin Masse est directeur du QL. La page du directeur
  
  
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     Le QUÉBÉCOIS LIBRE est publié sur la Toile depuis le 21 février 1998.
 
     Il  défend la liberté individuelle, l'économie de marché et la coopération volontaire comme fondement des relations sociales.
 
     Il s'oppose à l'interventionnisme étatique et aux idéologies collectivistes, de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter les individus.
 
     Les articles publiés partagent cette philosophie générale mais les opinions spécifiques qui y sont exprimées n'engagent que leurs auteurs.
 
ÉDITORIAL
 
LE BUDGET DE L'AN 1
LIBERTARIEN
 
par Martin Masse
  
  
          Le ministre québécois des Finances Bernard Landry annonçait il y a trois semaines, lors du dépôt de son budget, de maigres réductions d'impôts de 4,5 milliards $ étalées sur trois ans. On comprend pourquoi il ne peut faire mieux lorsqu'on constate que les dépenses de programmes de l'État (c'est-à-dire, excluant le service de la dette, qui s'élèvera à 6,75 milliards $ cette année) sont passées de 38,3 en 1999-2000 à 39,5 milliards $ en 2000-2001.  
  
          Le gouvernement se fie simplement à la croissance économique et aux rentrées fiscales qui augmentent miraculeusement – une gracieuseté du dynamisme économique de nos voisins du Sud – pour continuer dans ses habitudes dépensières et éviter de faire des choix difficiles. D'ailleurs, il faut bien comprendre que ce que l'on appelle « réductions d'impôts » dans la novlangue officielle ne sont en réalité que des augmentations moins importantes que prévues.  
  
          En incluant la croissance économique et l'inflation à venir, les rentrées fiscales du gouvernement ne cessent en effet d'augmenter. Si par exemple il nous enlevait 100 $ l'année dernière, prévoyait nous enlever 102 $ pendant l'année qui vient et 104 et 106 les deux années suivantes, mais décide plutôt de nous imposer respectivement 101, 103 et 105 $ au cours des trois prochaines années, il ne « réduit » pas nos impôts de façon absolue de 3 $ sur trois ans (ce qui nous mènerait à 97 $), il nous les augmente simplement moins que prévu.
 
          Le président du Conseil du trésor, Jacques Léonard, indiquait toutefois la semaine dernière, lors du dépôt des crédits de dépenses du gouvernement, qu'au cours des cinq dernières années, le poids des dépenses de programmes dans l'économie n'a cessé de décroître, passant de 21,7% du PIB en 1994-1995 à 18,9% en 1999-2000. En 2000-2001, ce poids est ramené à 18,5%, le plus bas niveau enregistré depuis le début des années 1970. Ce qui signifierait que la croissance des dépenses publique est moins rapide que celle de l'économie en général. Il faut cependant regarder tout cela avec un grain de sel: nos gouvernants ont recours à toutes sortes de magouilles comptables pour éviter que certaines dépenses n'apparaissent dans les chiffres officiels et cette tendance ne reflète pas nécessairement la réalité.
 
          Si le ministre se vante de cette diminution relative des dépenses, c'est qu'il comprend au moins qu'il faut aller dans cette direction. L'idéal serait d'y aller plus vite, de couper dans les dépenses de façon radicale au lieu de les augmenter plus lentement, de réduire la dette accumulée de 100 milliards $ pour que le service de la dette nous coûte moins cher, et enfin, évidemment, de baisser les impôts de façon drastique. 
  
          Un gouvernement libertarien ferait-il mieux? Évidemment! Beaucoup mieux. Spectaculairement mieux. En partant de trois principes bien simples qui sous-tendent une véritable approche économique libérale, on peut, d'un simple coup d'oeil sur un tableau, constater qu'une bonne partie des dépenses du gouvernement sont inutiles ou néfastes et devraient être éliminées d'un trait de plume. Ces principes sont: 
  • l'État ne doit pas intervenir dans l'économie;

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  • l'État ne doit pas redistribuer l'argent des poches de certains contribuables à celles d'autres contribuables;

  •   
  • l'État doit s'en tenir à ses fonctions essentielles et décentraliser ou privatiser tout le reste.
          Les crédits de dépenses du ministre Léonard, qui révèlent plus de détails sur les secteurs spécifiques où notre argent sera dépensé, nous permettent aussi de voir clairement où on pourrait couper en jouant au ministre des Finances d'un nouveau gouvernement libertarien. L'idée est de prendre un gros crayon de feutre noir et de faire un trait sur tous les postes de dépenses injustifiés selon les critères ci-haut. Certaines dépenses, qui sont essentiellement des exercices de redistribution de la richesse, d'intervention inutile dans l'économie, ou de subventions à des groupes, régions, et industries, peuvent être éliminées demain matin, d'un seul trait de plume. Les conséquences n'en seraient que positives pour l'économie et pour presque tout le monde, sauf pour les parasites qui en profitaient jusque-là. D'autres coupures pourraient prendre quelques mois, dans la mesure où il s'agit de fonctions ou services importants qui devraient être privatisés ou dévolus aux municipalités. Dans la réalité, ces changements ne seraient évidemment pas aussi simple à opérer que dans ce budget fictif. 
  
  
     « D'un point de vue libertarien, l'État n'aurait jamais dû s'impliquer dans la plupart des secteurs où il intervient aujourd'hui, et il n'y a aucune – AUCUNE – justification économique ou morale à ces dépenses. »  
 
 
          Enfin, je ne touche pas, dans ce premier budget, aux deux ministères provinciaux les plus importants, la santé et l'éducation, parce que la seule solution dans ce domaine n'est pas de couper ou de faire de petites réformes à gauche et à droite pour économiser quelques millions, mais de les privatiser entièrement, ce qui implique des bouleversements énormes qui prendront plus qu'une année. Comme ces deux postes monopolisent presque les deux tiers des dépenses du gouvernement, soit 25 milliards $, les coupures ne peuvent se faire pour le moment que sur les 14 milliards dépensés dans les multiples autres ministères. 
  
Exercice comptable radical 
  
          Les politiciens nous ont habitué, avec leur discours ratoureux, à croire que les réformes doivent nécessairement se faire en douceur, les réductions de dépenses par étape et sans créer trop de bouleversement, et surtout qu'on ne doit jamais éliminer totalement des programmes mais simplement réduire temporairement leur budget pour affecter les fonds à des besoins plus pressants, jusqu'à ce que la prospérité permette de délier de nouveau les cordons de la bourse. L'exercice qui suit, au contraire, est radical. D'un point de vue libertarien, l'État n'aurait jamais dû s'impliquer dans la plupart des secteurs où il intervient aujourd'hui, et il n'y a aucune – AUCUNE – justification économique ou morale à ces dépenses. La seule chose à faire est non pas d'y aller mollo, mais d'éliminer sur-le-champ ou le plus tôt possible toutes ces sources de gaspillage. Allons-y donc un secteur à la fois. 
 
 
MINISTÈRE DÉPENSES ACTUELLES  BUDGET LIBERTARIEN
  
   
Culture et Communications 432 millions $ 0 $
 
          Les subventions à la culture ne servent qu'à faire vivre une clique d'artistes parasites et à réduire les prix des activités culturelles pour une petite élite bourgeoise qui a pourtant les moyens de se les payer. Et qui a besoin de Télé-Québec ou des SS de la langue? 
 
Agriculture, Pêcheries et Alimentation 719 millions $ 0 $
  
          L'agriculture devrait fonctionner dans un marché libre comme le reste de l'économie, il n'y a aucune raison de protéger les agriculteurs et de les subventionner comme on le fait présentement. Les quelques fonctions essentielles de ce ministères pourraient être privatisées ou transférées aux communautés locales. 
 
Parcs et Faune 102 millions $ 0 $
  
          Il n'y a aucune raison pour que l'État s'occupe de la nature et des loisirs en forêt. 
 
Famille et Enfance 1,548 milliard $ 0 $
  
          Les gens qui choisissent d'avoir des enfants doivent vivre avec les conséquences et n'ont pas à faire payer leur choix par ceux qui n'en ont pas. Qu'il s'agisse d'aide financière directe, de services de garderie subventionnés, etc., l'État n'a rien à voir là-dedans. 
  
Affaires municipales 1,207 milliard $ 0 $
  
          L'État provincial devrait se désengager totalement de tout ce qui concerne les municipalités et laisser celles-ci gérer leurs propres affaires, lever leurs propres taxes et payer pour leurs propres services de façon autonome et responsable. 
  
Tourisme 53 millions $ 0 $
  
          L'État n'a pas à subventionner les entreprises touristiques ni à les aider à attirer les touristes. Si elles ne peuvent faire elles-mêmes leur propre marketing, c'est leur problème, pas un problème de société. 
  
Ressources naturelles 329 millions $ 0 $
  
          Ce ministère n'est qu'une fontaine à subventions pour les entreprises minières et n'a aucune raison d'exister. 
  
Recherche, Science et Technologie 213 millions $ 0 $
  
          Les entreprises pour qui la recherche est importante et qui en retirent des profits n'ont qu'à la payer elles-mêmes, comme le font toutes les entreprises qui doivent investir dans quelque projet que ce soit pour croître et faire des profits. L'implication de l'État est inutile. 
  
Régions 124 millions $ 0 $
 
          Ce ministère distribue simplement de l'argent aux entreprises, groupes communautaires, et autres parasites régionaux qui veulent profiter de la campagne tout en jouissant de la richesse créée en ville. Si ça ne fait pas leur affaire de rester en région, qu'ils déménagent à Montréal. 
  
Travail  66 millions $ 0 $
 
          Le ministère qui protège la mafia syndicale. Aucune utilité. 
 
Affaires internationales 111 millions $ 0 $
  
          Les Québécois eux-mêmes, dans les relations qu'ils entretiennent avec l'étranger par l'entremise des entreprises et institutions privées, sont capables de faire les démarches nécessaires dans tous les cas où c'est pertinent. Pour les questions plus politiques, le ministère canadien des Affaires étrangères est déjà là pour s'en occuper, que Québec s'en serve. 
  
Industrie et Commerce 151 millions $ 0 $
 
          Le ministère du b.s. pour les entreprises et des cadeaux aux petits copains du secteur privé. Aucune utilité. 
  
Immigration et Relations 
avec les citoyens
171 millions $ 0 $
  
          Il y a déjà à Ottawa un ministère responsable de l'immigration pour tout le pays, le Québec n'a pas besoin d'en avoir un deuxième. Quant aux relations avec les citoyens, plus elles sont minimales, mieux nous nous en porterons. 
  
Emploi et Solidarité sociale 3,997 milliards $ environ 2,0 milliards $
 
          Tous les programmes bidon de réinsertion à l'emploi peuvent être immédiatement éliminés. Quand à l'assistance sociale, elle devrait être graduellement éliminée pour tous ceux qui sont aptes au travail. Personne n'a le droit de vivre en permanence aux crochets de la société. L'entraide et la charité privée pourront prendre le relais pour ceux qui en ont vraiment besoin. Le montant approximatif de 2 milliards dépensé la première année sera donc éliminé complètement après deux ans. 
 
Finances 508 millions $ environ 8 millions $
 
          Pourquoi un ministère des Finances responsable de presque rien, après toutes ces coupures, aurait-il besoin d'un demi-milliard de dollars pour brasser de la paperasse? 
  
Assemblée nationale 115 millions $ environ 15 millions $
 
          Un gouvernement libertarien, après avoir éliminé la majorité des ministères, des lois et de la réglementation inutiles, laissera les citoyens en paix. Les députés n'auront à se réunir que très peu fréquemment pour passer ou amender quelques rares lois vraiment importantes. L'Assemblée provinciale pourra très bien fonctionner avec 15 millions $. 
  
Conseil exécutif 60 millions $ environ 1 million $
 
          Le ministère du premier ministre, qui s'occupe de tas de programmes qui distribuent des bonbons à gauche et à droite. Un premier ministre libertarien n'aurait presque rien à faire, et donc presque pas d'argent des contribuables à dépenser. 
  
Transports 1,444 millions $ environ 1 milliard $
 
          Les autoroutes peuvent être privatisées et d'autres responsabilités routières dévolues aux municipalités. La Société d'assurance automobile et d'autres services peuvent être privatisés. Toutefois, les routes du Québec sont déjà dans un état piteux et ces réformes peuvent prendre un certain temps. Le budget de ce ministère devra donc diminuer graduellement à mesure que ces changements surviennent. 
  
Revenu 614 millions $ environ 14 millions $
 
          Si on simplifie drastiquement l'impôt et la taxation et qu'on élimine toutes les sources de complication du système fiscal, en plus bien sûr de réduire considérablement les montants en jeu, il restera beaucoup moins de paperasse à brasser dans ce ministère. 
  
Conseil du Trésor et  
Administration publique
619 millions $ environ 50 millions $
 
          Encore une fois, avec beaucoup moins de ministères à gérer, beaucoup moins de fonctionnaires et beaucoup moins de paperasse à brasser, ce ministère aura beaucoup moins de travail à faire. 
  
Sécurité publique 670 millions $ environ 70 millions $
 
          Les fonctions de sécurité, maintien de l'ordre et de lutte contre la criminalité sur le territoire québécois n'ont pas besoin d'être assurées avec une police provinciale couvrant une partie importante du territoire, comme c'est le cas présentement. Des corps policiers municipaux ou des agences de sécurité privées peuvent remplacer la Sûreté du Québec (voir COMMENT SE PROTÉGER CONTRE LA MAFIA POLICIÈRE, le QL, no 57). Le gouvernement provincial devrait simplement s'occuper des catastrophes naturelles, situations d'urgence et autres cas qui nécessitent une intervention coordonnée sur tout le territoire. 
 
Justice et Statut de la femme 463 millions $ difficile à évaluer
 
          Les femmes se portent très bien sans statut. Quant à la justice, il s'agit d'une fonction essentielle de l'État qui aurait sans doute plus d'importance dans une société libertarienne et il est difficile de savoir combien d'argent sera économisé dans ce ministère. 
  
Environnement 173 millions $ difficile à évaluer
 
          Il faudrait sans doute faire de nombreuses réformes légales importantes et privatisations avant que la protection de l'environnement puisse se faire efficacement de façon privée. Un gouvernement libertarien s'assurerait que ce processus se déroule correctement avant d'éliminer des sommes déjà minimes. 
  
Réductions réelles 
 
          Résultat? Un gouvernement libertarien nouvellement élu pourrait annoncer, dès son premier budget, des coupures de dépenses et des réductions d'impôts subséquentes RÉELLES pour une somme d'au moins 11 milliards $, dès la première année, et ce, sans toucher à l'éducation et à la santé. Sur trois ans, on parle d'au moins une trentaine de milliards de moins qui seront retirés des poches des contribuables. Bernard Landry a annoncé, rappelons-le, une hausse des dépenses pour les prochaines années et des réductions dans les hausses d'impôts appréhendées de 4,5 milliards sur trois ans. Si on calculait ces coupures d'un gouvernement libertarien de la même manière que le fait le ministre Landry, il faudrait plutôt parler de 40 milliards $ ou plus de réductions d'impôts. Ces chiffres sont évidemment grossiers et ne tiennent pas compte de tas de facteurs, mais ils sont utiles comme ordre de grandeur. 
  
          Quant à la dette, elle peut très bien être remboursée avec la privatisation des multiples sociétés d'État et la vente des actifs de tous les machins comme la SGF qui investissent inutilement dans les entreprises. On parlerait donc de baisses d'impôts supplémentaires considérables dès la seconde année, à cause de la réduction des montants à payer pour le service de la dette. Le 6,75 milliards $ que nous payons chaque année maintenant fondrait en effet très rapidement. 
  
          Un Québec débarrassé de tout ce bois mort bureaucratique deviendrait immédiatement l'endroit le plus intéressant dans le monde où investir, et connaîtrait des taux de croissance dignes des tigres asiatiques tels que 8 ou 10% par année. Les Québécois payeraient non seulement moins d'impôts, mais ils deviendraient rapidement plus riches. Ceux qui auraient été affectés financièrement ou qui auraient été licenciés au cours de ces réformes rapides – fonctionnaires, assistés sociaux, artistes, familles avec enfants, etc. – verraient leur revenu net augmenter rapidement, se trouveraient facilement un nouvel emploi et produiraient enfin vraiment de la richesse au lieu de vivre en parasites en dilapidant de la richesse produite par d'autres. 
  
          Après un budget de l'an 1 d'un nouveau gouvernement libertarien, on pourrait enfin parler du Québec comme d'une véritable société libre et distincte. 
 
 
Articles précédents de Martin Masse
 
 
 
  
Le Québec libre des  nationalo-étatistes  
L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
  
        « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »    

Alexis de Tocqueville   
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840) 

 
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