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Montréal, 15 mars 2000 / No 60 |
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par
Olivier Golinvaux
La France doit entrer dans le peloton de tête européen de la création d'entreprise. Monsieur Lionel Jospin l'a clairement annoncé à l'occasion des |
Dans son optique, colbertisme oblige, c'est à la clique des hommes
de l'État qu'il revient de générer les stimulations
idoines: c'est que le Français est un animal mou et très
peu entreprenant s'il n'a pas sa dose de statostimulation! Rien que de
très banal pour notre énarque de premier ministre; après
tout, n'est-ce pas l'État le premier moteur des sociétés
humaines en général et de la société française
en (tout) particulier?
Je peux éventuellement rejoindre Monsieur Jospin sur son constat quand à la mollesse entrepreneuriale de mes concitoyens. Ceci étant, je me garderais bien de proposer – à son instar – de soigner le brûlé à l'aide d'un jerrycan de super. Voyez-vous Monsieur le premier ministre, c'est la statostimulation elle-même qui est amollissante – sauf pour la vigueur de l'appareil étatique bien entendu! En fait, la seule action salutaire pour l'entrepreneurship que pourrait accomplir le brigand étatique est le retrait, l'arrêt des actes de piraterie auxquels il se livre pour subsister et faire vivre sa large et démocratique cour de parasites, le sabordage de son sinistre navire battant pavillon noir. Un rapide coup d'oeil sur la nature de l'entreprise en économie de marché – véritable pléonasme à vrai dire – nous permettra de faire le tri dans le souk des mesures gouvernementales annoncées. Si certaines Entreprise, information et État Toute personne qui se mêlerait de produire des biens destinés non à la satisfaction de ses propres fins humaines, mais à celles de son voisin, fait face à un incontournable problème d'information. Il est déjà passablement compliqué pour Robinson d'arbitrer entre les usages possibles qu'il peut faire de son temps, de son énergie et des biens qu'il a à sa disposition – sans parler de toute la science, de toute la technologie qu'il doit déployer pour parvenir à la bienfaisante adéquation entre les moyens choisis et les buts recherchés. Imaginez lorsqu'il s'agit de produire ce qui doit servir la vie de Vendredi, cet étranger taciturne qui habite l'île voisine ... Impossible pour Robinson d'obtenir de ce dernier une de ces délicieuses viandes rôties dont il a le secret sans lui proposer en échange un La coopération recherchée – si elle prend place – n'est pas autre chose que le fruit d'une action entrepreneuriale. Robinson a observé, analysé puis anticipé sur les goûts futurs de Vendredi. Il a ensuite usé de son temps, de son énergie et de ses biens pour produire en conséquence, courant le risque de l'entrepreneur – i.e., se retrouver avec un panier dont il n'a que faire si d'aventure Vendredi déclinait son offre. Pour minorer ce risque, Robinson a eu tout intérêt à collecter de l'information de manière à réduire l'incertitude autant que faire se peut – sous peine de jouer son temps, son énergie et une partie de ses biens à la loterie de l' Je veux insister ici sur deux points qui me paraissent capitaux pour le sujet qui nous occupe - la question du
Ensuite, il faut relever le rôle crucial du droit de propriété dans l'activité entrepreneuriale. Le capital nécessaire à l'entrepreneur pour se lancer dans un cycle de production ne tombe pas du ciel. Il faut épargner, c'est-à-dire renoncer à de possibles satisfactions immédiates. De plus, affecter ce capital à telle ou telle production implique de ne pas l'investir dans telle ou telle autre. Il y a là autant d'éléments d'informations dont l'entrepreneur se doit de tenir compte pour réussir son projet – qui revient au fond à parvenir à une situation personnelle après échange jugée plus désirable que celle qui prévalait avant échange. Robinson, pour reprendre notre exemple, peut se raviser s'agissant de produire un panier pour tenter d'obtenir un rôti. Il peut estimer qu'il vaudrait mieux pour lui brûler le bois pour faire fuir les prédateurs qui le menacent, et non en faire un panier. Il peut aussi estimer qu'il fera une meilleure opération en produisant un arc et des flèches afin de les échanger contre le poisson que pêche Duschmoll. Si Robinson, qui n'a pas épargné, souhaite mobiliser l'épargne du capitaliste Durand, c'est le respect des droits de propriété de ce dernier – respect se traduisant par son consentement – qui assure la prise en compte de cette information. L'entreprise avec les fonds des autres et sans leur consentement est non seulement une injustice, c'est également un facteur favorisant la prise de risque débridée – quand ça n'est pas carrément le tout et n'importe quoi aventurier. L 'absence de risque personnellement encouru n'invite pas à la mesure – il est toujours plus facile de jouer à la roulette avec le portefeuille d'un inconnu, on ne risque que le gain manqué et non la perte sèche. De plus et comme nous venons de le voir, l'entreprise-rapine implique par le fait même de se priver de l'information précieuse qui aurait pu être délivrée par ceux-là mêmes à qui on demande précisément de la fermer. En résumé, la bonne coordination des agents en économie décentralisée implique, même d'un point de vue technique, le respect des droits de propriété des uns et des autres. Si les hommes de l'État peuvent se rendre utiles aujourd'hui, c'est en déposant les armes fiscales et réglementaires. Le retrait de l'État colbertiste: un demi pas en arrière, deux pas en avant... Toute l'ambiguïté du train de mesures proposées par Monsieur Jospin apparaît alors d'emblée dans une phrase qui en dit long: Il n'est donc pas étonnant de trouver parmi les mesures proposées les dispositions de rigueur assurant aux Français entreprenants le soutien financier de l'État: Pour les entrepreneurs potentiels sans le sou qui jouent le jeu étatique, la nécessité d'obtenir un consentement ne fait en réalité que se déplacer. Ayant pu passer outre au consentement des propriétaires légitimes des fonds grâce à la rapine fiscale – et étant privés par le fait même de l'information que ce consentement aurait médiatisé –, ils devront néanmoins obtenir le consentement d'un fonctionnaire préposé au rationnement du butin, selon son propre cahier des charges. Loin de constituer un simple déplacement de l'épargne, l'opération constitue au contraire une véritable dilapidation de capital. En effet, la satisfaction des consommateurs par les entreprises ainsi financées devient purement accessoire. Le but principal de l'opération est ailleurs: en finançant des À côté de ces petites mesures dirigistes antithétiques du développement entrepreneurial bien compris, on doit relever tout de même quelques toutes petites mesures de retrait de l'État: formalités administratives facilitées, abolition prochaine (enfin, promesse d'abolition...) des redevances perçues lors de la constitution de l'entreprise, engagement à Monsieur Jospin – comme mes collègues du QL et moi-même – souhaite assister à un développement du trafic sur l'autoroute de la prospérité? Eh bien que lui, ses pairs et leurs hommes de main cessent donc de semer des clous sur la chaussée, de siphonner les réservoirs et d'imposer de force des auto-stoppeurs aux conducteurs qui n'y consentent pas.
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