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Montréal, 28 octobre 2000 / No 70 |
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par
Martin Masse
En ce début de cirque électoral, le moment est propice pour se demander à quoi exactement servent les programmes des partis, ces documents en général interminables, ennuyeux et compliqués qui contiennent les orientations, justifications et promesses des |
À part quelques fanatiques de la politique et les journalistes et
commentateurs qui doivent en parler pendant des semaines, sans doute une
partie infinitésimale seulement des électeurs vont les lire.
Qui, même parmi ceux qui ont voté libéral, a jamais
feuilleté un exemplaire du fameux Livre rouge des libéraux?
La réaction de l'électeur moyen qui jette ce document dans la boîte à recyclage lorsqu'il le reçoit est tout à fait compréhensible. Les partis s'engagent à faire des centaines de choses. Les solutions proposées relèvent systématiquement d'une logique bureaucratique et il est difficile de juger s'il est préférable de créer une nouvelle agence pour régler un problème, comme le suggère tel parti, ou s'il ne vaudrait pas mieux instaurer un crédit d'impôt, comme le suggère tel autre. L'électeur moyen sait par ailleurs que toutes ces promesses sont autant d'hameçons pour accrocher son vote et qu'il passera beaucoup d'eau sous les ponts avant qu'elles ne soient réalisées, si elles le sont jamais. Et puis, même si elles le sont, les gouvernements ne créent-ils pas toujours plus de problèmes qu'ils n'en règlent? Pourquoi les domaines que l'État contrôle et ceux où il intervient, santé, éducation, emploi, investissements, sont-il toujours en crise? Pourquoi les problèmes auxquels on promettait des solutions magiques aux dernières élections ne sont-ils toujours pas réglés? Des solutions en bloc Sans doute la meilleure illustration de la futilité des programmes électoraux nous vient-elle, cette fois, du Bloc québécois. Ce parti, on le sait, n'a qu'un seul but: promouvoir et faciliter la séparation du Québec du reste du Canada. Outre le nationalisme, il ne défend aucune idéologie bien précise, même si on peut sans doute le qualifier de centre-gauche comme son équivalent provincial, le Parti québécois. Mais il n'a pas besoin de défendre d'idéologie puisqu'il n'aspire pas au pouvoir et ne pourrait y accéder de toute façon. Malgré cela, le Bloc n'a pas pu se défaire du fétiche du programme électoral. Le parti dévoilait donc quelques jours avant le déclenchement des élections sa Le mouvement séparatiste est dans l'une de ses phases creuses et personne ne veut entendre parler de la question nationale. Elle est donc rapidement évacuée dès les premières pages, où l'on peut lire que Mais selon la Presse canadienne, dans le reste du document, on Pourquoi ne pas s'en tenir à une promesse de lutter contre toute intrusion fédérale dans les champs de compétence des provinces? Cela aurait au moins l'avantage d'être réaliste et de cadrer avec le but ultime du parti. Pourquoi ne pas se limiter à une démonstration courte et simple de l'inutilité de la plupart des actions d'Ottawa, que les députés du Bloc s'engageraient à combattre que l'indépendance du Québec se fasse ou non? Même le QL serait prêt à appuyer un tel programme! Mais non, même un parti dont l'objectif politique fondamental est la disparition d'un niveau de gouvernement ne peut s'empêcher d'offrir des solutions futiles pour améliorer la gestion de ce gouvernement. Fétichisme programmatique Ce fétichisme programmatique, c'est bien sûr celui des étatistes pour qui un État, ça doit faire des tas de choses, et un parti politique qui se respecte, ça doit proposer de faire des tas de choses, même dans le cas spécifique d'un parti qui ne pourra jamais rien faire du tout. Ne rien proposer de nouveau, ce serait en effet Cette tournure d'esprit a été exprimée de façon magistralement claire et limpide il y a quelques jours dans un éditorial du Devoir, la feuille de choux nationalo-gauchiste montréalaise qui se prend pour Le Monde. L'auteur, Michel Venne, y critique un document du Parti libéral du Québec qui faisait l'objet de débat quelques jours plus tôt lors d'un congrès dans le cadre du processus d'élaboration du programme électoral du parti. Sous un titre pourtant très alléchant, La liberté de choisir, ce document ne présente en fait que quelques propositions ultra timides pour desserrer l'étau bureaucratique qui étouffe notamment les secteurs de l'éducation et de la santé (voir PQ VS PLQ: UN CHOIX ENTRE DEUX CORPORATISMES, le QL,
Pourquoi donc le thème de la liberté est-il incongru dans un programme politique, selon l'éditorialiste? En fait, M. Venne considère tout simplement qu'un parti politique n'est pas un vrai parti s'il n'a pas d'idées précises pour manipuler plus intensément les Le principe de la liberté de choix ne peut pas être le principal fondement du programme d'un parti qui souhaite exercer le pouvoir. On attend de l'État aujourd'hui que, au nom de valeurs universelles, il protège le bien commun par diverses politiques qui comportent inévitablement des contraintes. Ce qui compte c'est que celles-ci soient déterminées par la délibération, de manière démocratique.Ce passage ahurissant mérite de figurer dans une anthologie de la pensée nationalo-gauchiste québécoise. Le chat sort enfin du sac. Offrir la liberté aux citoyens n'est pas un programme dans une démocratie. Promettre des baisses d'impôts non plus. C'est clair, la liberté individuelle et les taxes modérées, ça n'a pas de bon sens! On attend de l'État aujourd'hui qu'il protège le bien commun par diverses politiques qui comportent inévitablement des contraintes. Par contre, la poigne de fer bureaucratique, le chef qui propose une Direction dirigiste Si les partis politiques tiennent tant à produire des programmes électoraux étoffés au point d'en être incompréhensibles, ce n'est en fin de compte pas vraiment pour courtiser les électeurs mais plutôt pour convaincre les étatistes comme M. Venne qui peuplent les salles de rédaction de nos médias qu'ils ont un Même l'Alliance, qui souhaite pourtant réduire le rôle de l'État, se sent obligée de jouer ce jeu jusqu'à un certain point et d'offrir des solutions pour des tas de problèmes dont un gouvernement fédéral ne devrait tout simplement pas s'occuper. Stockwell Day n'a pas peur de dire que les programmes de création d'emplois sont inutiles et source de gaspillage et que l'on devrait laisser le secteur privé s'occuper de cela; pourquoi alors ne pas aller plus loin et déclarer la même chose pour la santé, l'éducation, la recherche scientifique, et d'autres domaines où l'Alliance propose de dépenser ou d'intervenir plus ou mieux que les libéraux? Parce que les parlotteux médiatiques à la Michel Venne – ils dominent encore la plupart des médias au Canada – vont lui rentrer dedans en prétendant qu'il Si la plupart des électeurs ne lisent pas les programmes électoraux, ne voient pas beaucoup de différence entre les partis et s'intéressent peu à la politique, c'est sans doute parce qu'ils n'ont pas de temps à perdre à chercher des distinctions et des nuances alors qu'ils savent que ces débats se font de toute façon en vase clos au sein d'une petite élite et que les positions des divers partis ne sont pas si éloignées qu'ils veulent bien nous le faire croire. Tous sont étatistes et socialistes à des degrés plus ou moins élevés. L'Alliance nous offre sans doute la Si l'influence des parlotteux nationalo-gauchistes continue de baisser au Canada comme au cours des dernières années, peut-être nous proposera-t-on un tel programme dans une prochaine élection.
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Le Québec libre des |
Alexis
de Tocqueville
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