Montréal, 17 février 2001  /  No 77
 
 
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COURRIER DES LECTEURS
  
FALARDEAU ET L'ARGENT DES AUTRES
 
 
          Dans l'article FALARDEAU, LES PATRIOTES ET LA CENSURE (le QL, no 76), l'auteur affirme: « Si Falardeau veut parler contre les Anglais, contre les Canadiens anglais, contre les fédéralistes ou contre les "crottés de boss", qu'il ait au moins la décence de le faire sans utiliser leur fric. »  

          Leur fric est aussi celui de Falardeau comme c'est aussi le mien et le vôtre. M'a-t-on demandé à moi si je voulais qu'on installe une grande quantité d'unifoliés un peu partout au pays (dont la plus grande proportion se retrouve au Québec) avec mon argent? Ce n'est qu'un exemple. Je ne parlerai pas de toutes les dépenses que le gouvernement fédéral a fait pour préserver l'unité canadienne, m'a-t-on demandé mon avis? Je paie des impôts à ce gouvernement à ce que je sache. 
  
          Vivre en société implique nécessairement qu'on ne soit pas toujours d'accord entre nous, ce qui est d'ailleurs l'essence même de la politique. De plus, les organismes responsables du financement du cinéma d'ici sont canadiens, puisque nous payons des impôts, n'est-il pas normal d'en réclamer? Et si l'opinion exprimée de l'auteur à travers son film n'est pas celle de l'organisme ou encore celle de la majorité, refuser le financement pour cette raison est un scandale pour toute société qui se vante de valoriser la libre expression, comme le Canada. N'étant pas dans le domaine, je ne sais pas si Falardeau aurait pu se financer autrement, mais il avait tous les droits de demander du financement à Téléfilm Canada et ce, qu'importe le sujet de son film.

 
          Un dernier point. Selon l'auteur, ÉVIDEMMENT, les patriotes sont les bons et les anglais, les méchants. Dans le contexte actuel, je veux dire contemporain, il est vrai que de taxer les anglophones de méchant est absurde. Mais si on se replace dans le contexte de 1839, j'imagine mal que la conquête d'un peuple par un autre ne se fasse autrement qu'avec de la haine et de la rage. Les Anglais de l'époque, méchants? Nul doute possible, comme l'ont été les Français en afrique ou encore les Israëliens en Palestine aujourd'hui. Comme le mentionne un soldat anglais à un compatriote dans le derneir film de Falardeau: "We're soldiers, not murderers"; sans être des sanguinaires, cette réalité d'être soldat implique que l'on se retrouve un moment donné à être contre quelqu'un ou un pays. Dès lors, on est un méchant. Il est naïf de prétendre le contraire. 
  
Gabriel Lavertu
  
  
Réponse de Gilles Guénette:    
  
Monsieur Lavertu,  
  
          Votre montée de lait contre la présence de l'unifolié confirme ce que j'avançais dans mon article: les problèmes d'éthique n'apparaissent que lorsque sont mêlées politique et contributions publiques. Bien sûr Sheila y va un peu fort avec ses drapeaux. Bien sûr Québec nous les casse avec le sien. Bien sûr "Vivre en société implique nécessairement qu'on ne soit pas toujours d'accord entre nous". Mais si nous n'avions pas à financer, malgré nous, tous ces débordements de nationalisme – qui infailliblement nous divisent –, nous ne serions pas là à nous en offusquer. Tout le monde a "le droit" de dire ou faire ce qu'il veut en autant que les autres ne sont pas forcés d'y être associés. 
 
          Bien à vous, 
  
G. G. 
 
 
 
 
 FALARDEAU ET NOTRE CERVEAU COLLECTIF
 
 
Re: FALARDEAU, LES PATRIOTES ET LA CENSURE (le QL, no 76) 
  
          Monsieur Guénette commet plusieurs erreurs dans son raisonnement. Sa position est grandement nuisible pour l'avancement de notre société, qui se meure à force d'étouffer les idées qui pourraient déplaire à quelques-uns, ceux qui se vantent d'avoir la seule position viable pour justifier le bâillon qu'ils imposent à ceux qui veulent prendre la parole pour exprimer un point de vue différent. 
  
          Nous assistons présentement à une marchandisation de la culture, phénomène grave et lourd de conséquences pour la démocratie. Pour qu'un producteur décide d'investir dans un scénario, il doit y avoir en bout de ligne des gains substantiels. C'est là que le « Think Big » d'Elvis Gratton prend tout son sens. Ce que souhaite le producteur, c'est rejoindre un maximum de personnes, de vendre un maximum de billets pour rentabiliser son investissement; il n'y aura jamais un seul homme d'affaire sensé pour investir dans un film partisan, représentant le point de vue d'une minorité, surtout s'il est contradictoire à celui de la majorité. Personne n'aurait intérêt à produire un film politique, en sachant dès le départ que la moitié ou le trois quarts de l'auditoire est contre l'opinion exprimée, que la polémique soulevée risque de lui couper ses futures subventions et de le priver d'aides extérieures dont la position politique est connue comme opposée à celle du film.  
  
          C'est pourquoi on assiste à une friandisation de la culture, à un nivellement par le bas abrutissant. Les institutions culturelles à buts lucratifs n'ont pas intérêt à soulever la polémique; on remplace le Bye Bye par La Fureur pour ploguer ses poulins, en leur disant bien de s'abstenir de donner leurs idées pour ne pas nuire à leurs affaires. Quand Guénette suggère à Falardeau de ne pas utiliser les fonds publics, ce qu'il dit en des termes plus explicites c'est: « T'es un tout nu, t'as pas d'argent, ferme ta gueule et endure ». Le marché, c'est un lieu de rencontre entre producteurs et consommateurs, et non un lieu d'échanges intellectuels. 
  
          Le cerveau collectif s'atrophie, à force de subir les attaques publicitaires et les émissions de l'industrie du divertissement. On éloigne le plus possible la masse des instruments qui lui permettent d'entretenir sa pensée critique et sa connaissance des enjeux de la société, c'est à dire, les idées. Selon moi, la publication d'idées politiques, quelles qu'elles soient, est une chose saine et primordiale pour le maintien d'une démocratie. Le but d'un organisme comme Téléfilm Canada est justement de promouvoir la liberté d'expression, et je crois que présentement, il promeut la liberté d'expression de ceux qui favorisent les intérêts du pouvoir.  
  
          Le fonctionnaire de Téléfilm Canada, en ce sens, ne devrait même pas avoir pour fonction d'évaluer un scénario, mais bien d'autoriser la subvention et de s'assurer qu'elle est bien utilisée pour faire le film. D'autre part, François Macerola de Téléfilm Canada ne s'est pas demandé si la série sur l'histoire du Canada, si biaisée et si partisane qu'elle est, qu'il a généreusement subventionné, avec mes taxes, pouvait me heurter dans mes convictions. Ce que M. Guénette me dit, c'est que, Téléfilm Canada peut subventionner des productions qui consolident sa position mais qu'il n'a pas à subventionner des productions qui vont à l'encontre de ses convictions. Le Canada est vraiment "le plus meilleur pays au monde", celui où tous ont une chance égale de faire valoir leur point de vue, celui où tous les citoyens sont libres de penser en autant qu'ils pensent du bon bord. 
  
          Se fier aux lois du marché, dans le domaine culturel, c'est exclure la polémique et les idées qui vont à contre courant, c'est donc favoriser la mise en place de la pensée unique telle que décrite par George Orwell dans 1984. Les arguments de Téléfilm Canada sont bidon, et ceux qui osent le nier sont quant à moi aussi mal honnêtes que ceux qui censurent la minorité. Loin d'être un séparatiste, je milite pour que ceux qui n'en ont pas les moyens puissent tout de même faire valoir leur point de vue, pour que moi, citoyen canadien, puisse avoir le droit de les entendre, de les questionner, et de prendre leurs arguments en considération pour me faire une opinion. 
  
Frédéric Labrie
Laval
  
  
Réponse de Gilles Guénette:    
  
Monsieur Labrie, 
  
          Le Bye Bye et La Fureur sont des émissions produites par une télévision d'État, et non par de méchants capitalistes qui veulent niveler la culture par le bas. Par ailleurs, dans 1984, c'est l'État qui impose la pensée unique et la Novlangue, pas le marché.  
  
          De plus, vous me prêtez de fausses intentions, jamais je n'ai dit que Téléfilm Canada était justifié de subventionner des productions fédéralistes et non des séparatistes. Il faudrait abolir Téléfilm Canada et toutes les bureaucraties qui interviennent dans la culture, point.  
  
          Bien à vous, 
  
G. G. 
  
  
  
  
LES GARDERIES À 5 $ SONT-ELLES SI BÉNÉFIQUES?
  
  
          Lors de l’annonce de la nouvelle politique familiale à l'automne 1996, Mme Pauline Marois, ministre responsable de la famille à l’époque, annonçait ainsi les objectifs de cette nouvelle politique: On vise «[…] l'équité à l'égard des familles, une aide universelle mais aussi une aide aux familles à plus faibles revenus, aux enfants pauvres finalement que nous devons sortir de la pauvreté. C'est ça un des objectifs de la politique que nous avons annoncée ». Donc, de façon explicite, la nouvelle mesure du gouvernement était censée venir en aide aux personnes possédant un revenu plus faible. L’objectif a-t-il été atteint? La réponse est non. L’ancienne politique familiale répondait mieux aux besoins des personnes pauvres que ne peut le faire la nouvelle réforme. Plusieurs raisons motivent cette conclusion. 
  
          Auparavant, les familles pauvres pouvaient bénéficier d’une aide financière pour la garde. Elles avaient droit de demander le programme de subvention à la garde des enfants. Ce programme venait directement en aide aux personnes qui en avaient besoin en leur accordant une aide conditionnelle et dépendante de leur niveau de revenu. Le gouvernement provincial payait une certaine partie des frais quotidiens pour le service de garde et la famille devait simplement payer la différence entre l’aide accordée par le gouvernement et le tarif régulier de la garderie.  
  
          De plus, depuis l’implantation de ce nouveau régime, les parents qui payent pour envoyer leurs enfants à la garderie ne bénéficient plus de crédits d’impôts pour frais de garde. Avant la venue de la politique des garderies à 5$, les frais de garde faisaient l’objet d’un crédit remboursable au niveau provincial, c’est-à-dire que même si les familles ne payaient pas d’impôt, elles pouvaient recevoir le montant déductible en retour d’impôt. Ces mêmes frais faisaient l’objet d’une déduction au niveau fédéral, mais ils n’étaient pas remboursés si la famille ne payait pas d’impôt. Maintenant, pour l’ensemble des parents qui bénéficient du programme de places à contribution réduite, tout l’argent qui sert à payer les frais de garde est considéré comme une simple dépense et ne peut plus faire l’objet de crédits d’impôts au niveau provincial. Cependant, au niveau fédéral, la déduction s’applique encore, mais seulement sur les frais réellement payés, soit 5$ par jour à raison du nombre de jours d’utilisation des services.  
  
          Quelles sont les conséquences d’un tel changement? Les familles que l’on qualifie de pauvres sortent plus désavantagées avec la venue de la politique des garderies à 5$ que si elles payaient la garderie au tarif régulier et profitaient des crédits et déductions d’impôts.  
  
          Premièrement, lorsque les parents utilisent les services d’une garderie à 5$, ils ne peuvent plus inclure les dépenses pour frais de garde dans leur rapport d’impôt provincial et le montant qu’ils peuvent inscrire dans leur rapport fédéral est diminué de près du trois quarts (75% : 20$/jour vs 5$/jour). Les résultats sont donc simples: les familles paient plus d’impôt au niveau fédéral et provincial (voir tableau).  
 
          On remarque aussi que les familles ayant un revenu familial net inférieur à 28 500$ sortent désavantagées d’un point de vue monétaire. Le revenu familial net disponible à la fin de l’année est moins élevé que ce qu’il aurait été si les garderies étaient encore au tarif régulier. Cependant, pour l’ensemble des familles ayant un revenu familial net supérieur à cette limite, le résultat est l’inverse. Il est donc permis de conclure suite à cette simple analyse que cette politique ne vient pas en aide aux familles les plus pauvres, mais plutôt aux familles qui ont un revenu familial net de plus de 28 500$ par année. Cette conclusion peut être expliquée par le fait qu’avant l’entrée en vigueur des places à contribution réduite, les familles se situant sous ce seuil avaient droit à des déductions fiscales pour frais de garde supérieures à ces dernières. 
 
 
Revenu familial net par année (en dollars) 26 000 28 000 28 500 29 000 30 000
Impôt à payer si garderie à 22$ - 1 824 - 1 190 - 285 235 885
Impôt à payer si garderie à 5$ 2 586 3 220 3 615 3 950 4 095
Différence 4 410 4 410 3 900 3 715 3 210
           
Revenu net familial disponible          
Si garderie à 22$ 22 698 24 064 23 659 23 639 23 985
Si garderie à 5$ 22 249 23 615 23 720 23 885 24 740
Différence - 449 - 449 61 246 755
  
 
          En bref, on peut constater qu’en ce qui concerne l’objectif de lutte contre la pauvreté, la politique semble avoir raté complètement sa cible. Ces calculs sous-estiment l’impact de la politique sur les pauvres puisqu’ils ne tiennent pas compte de la baisse des prestations d’allocations familiales versées par le provincial. Ainsi, depuis le 1 septembre 2000, le gouvernement québécois a diminué le montant global versé aux familles québécoises par le biais d’allocation d’environ 150 millions de dollars, ceci ayant pour but de financer les services de garde à tarifs réduits. 
  
Jean Dubé
étudiant en sciences économiques
Université Laval
 
 
 
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