Montréal, 17 mars 2001  /  No 79
 
 
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Hervé Duray est étudiant à l'Ecole Supérieure de Commerce de Grenoble et tient La Page libérale, un site dédié au commentaire des informations sous un angle libéral.
 
LA PAGE LIBÉRALE
  
CRISE AU JAPON: 
AU SECOURS KEYNES!
 
par Hervé Duray
  
 
          Après dix années de crise, les Japonais souffrent encore... de crise! Les remèdes keynésiens massifs appliqués à l'économie japonaise n'ont pas eu l'effet escompté. Au contraire. 
  
          Un article récent dans le quotidien français Les Échos rappelle la situation catastrophique dans laquelle se trouve le Japon, et donne les clés pour analyser la situation. Rappelons les faits.
 
Crise niponne 
 
          Le Japon est en crise: le PIB stagne, le chômage est en hausse. Ce pays va mal, l'euphorie des années 80, la bulle immobilière a explosé, laissant des banques, des compagnies d'assurance exsangues. Les bilans sont truffés de dettes irrécouvrables, les entreprises se sont accordé des garanties croisées... Le secteur bancaire japonais et l'immobilier sont à l'agonie. Une agonie qui dure depuis 10 ans. 
 
          Cette crise a été « traitée » par l'État japonais dès le début. Les banques ont toutes été sauvées. Les compagnies immobilières aussi. Toute l'économie tombant avec ces deux secteurs, le gouvernement a donc jugé nécessaire de « soutenir » l'activité partout. Après dix années d'échec, on devrait voir un retour au réalisme chez les hommes de l'État nippon. Il n'en est rien. Le ministre des Finances cherche à « garantir une reprise économique capable de s'assumer toute seule ». En fait, l'État japonais injecte de l'argent, bonne vieille recette keynésienne, et espère que la reprise se fera toute seule ensuite. Il cherche « la voie d'une reprise autonome ». 
 
          Les recettes keynésiennes sont poussées à bout: « les dépenses générales atteindront un chiffre record [...]. Pour stimuler l'activité, Tokyo accorde 7 milliards d'euros à quatre secteurs prioritaires ». Le correspondant des Échos au Japon ajoute que: « comme chaque année, le secteur des travaux publics, l'outil traditionnel des gouvernements successifs, sera doté d'une confortable enveloppe, de 9440 milliards de yens (100 milliards d'euros ou 90 milliards de dollars US). Un fonds de réserve de 300 milliards de yens a même été prévu pour des chantiers supplémentaires ». 
  
          Ouf! devant de tels montants, répétés depuis 10 ans, on prend la mesure de l'inutilité du keynésianisme pour générer une reprise économique, mais les hommes de l'État n'en ont cure. Quel meilleur moyen pour eux de justifier leurs actions? L'économie va mal, l'État va vous aider. Ce faisant, l'économie va toujours aussi mal, et allons-y pour un bon cercle vicieux! 
 
  
     « Quand des entreprises vont mal, elles doivent trouver en elles mêmes les ressources qui vont leur permettre d'évoluer vers la rentabilité, et quand elles ne les trouvent pas, elles libèrent les ressources qu'elles immobilisent pour de nouveaux investissements. » 
 
 
          « L'économie est dans un état qui requiert un nouveau coup de pouce ». Signé Yoshiro Mori, premier ministre du Japon. Du grand art. Que l'on ne m'accuse pas de mauvaise foi, car cette déclaration du premier ministre japonais est bien la preuve de ce que j'affirmais au paragraphe précédent.  
 
          Rions un peu maintenant. Selon l'auteur des Échos, « les experts se montrent déjà sceptiques ». Il y a de quoi en effet! « Onze plans de relance depuis 1992, sur un total de plus de 1100 milliards de dollars ». Il faut se souvenir aussi que les taux d'intérêts sont quasi-nuls au Japon. Rajoutez à cela les dernières statistiques sur l'économie: « hausse du nombre de chômeurs, déflation continue, baisse de la production industrielle, de la consommation ». Bref toute la panoplie d'une économie en déconfiture. « De quoi rendre M. Mori inquiet », dixit Les Échos. En effet: son poste est menacé! 
  
Faillite de l'État 
 
          Pourquoi le keynésianisme ne marche-t-il pas? Tout simplement parce que quand des entreprises vont mal, elles doivent trouver en elles mêmes les ressources qui vont leur permettre d'évoluer vers la rentabilité, et quand elles ne les trouvent pas, elles libèrent les ressources qu'elles immobilisent pour de nouveaux investissements. Dans ce cas, les actionnaires perdent puisqu'ils supportent le risque. 
  
          Dans le cas du Japon, un système de participations croisées similaire au système français rendait le système financier très fragile: les entreprises se font des prêts mutuels, prennent des participations au capital les unes des autres. Les actionnaires étaient les autres entreprises. Vous comprenez donc pourquoi le risque de faillite d'une banque met tout de suite en difficulté tout le système... 
  
          Les plans de relance ont empêché les adaptations. Les entreprises ont bénéficié de subventions. Dès lors, pourquoi rechercher à assainir les comptes? Pourquoi gagner en productivité? Chaque plan repousse les nécessaires réformes, rendant l'adaptation plus difficile, plus coûteuse. Comme en Union Soviétique. Après 70 ans, il faut du temps pour reconstruire. 
 
          Au Japon, 10 ans de keynésianisme seront difficiles à effacer. À tel point que selon l'agence Fitch, « une accélération du rythme des réformes structurelles est nécessaire pour rétablir la perspective d'une croissance soutenue à moyen terme et pour empêcher l'installation d'un dangereux engrenage de l'endettement public ». L'État japonais est même rétrogradé par cette agence: sa cote baisse! La dette du Japon a en effet explosé en 9 ans... de 60% à 130% aujourd'hui, et ce n'est pas fini. D'après les prévisions du ministère des Finances, ce taux devrait augmenter de 30% encore, le portant à 170%! 
 
          Cet exemple de faillite complète de l'interventionnisme étatique devrait être médité par tous les dirigeants de par le monde. Mais ils perdraient alors leurs principaux jouets... 
 
 
 
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