Montréal, 9 juin 2001  /  No 84  
 
<< page précédente 
 
 
 
ÉCRIVEZ-NOUS
 
 
     Vous n'êtes pas d'accord avec le contenu d'un article? Vous avez une opinion à partager?
     LE QUÉBÉCOIS LIBRE publiera toutes les lettres pertinentes. N'oubliez pas d'écrire vos nom et lieu de résidence. We also accept letters in English.
 
COURRIER DES LECTEURS
 
LES LIBERTARIENS ET LES PAUVRES
 
 
Re: LES PAUVRES SONT-ILS LES ENNEMIS DES LIBERTARIENS?, le QL, no 83 
 
Monsieur Tremblay,  
 
          Considérant que vous êtes mon ennemi – conceptuellement parlant – je vais reprendre à mon compte un de vos propos: « ...l'identité des ennemis, et leurs supposés attributs, en dit beaucoup sur les propositions centrales de l'idéologie qui les attaque, en bien ou en mal. » Cette tendance – ce préjugé – qui anime votre pensée polito-philosophique vous amène à poser votre questionnement de manière bien spécifique. Dans mon livre à moi, il aurait fallu poser la question inverse: « Les libertariens sont-ils les ennemis des pauvres? » Je vous laisse deviner ma réponse. 
 
          En fait, l'implacable – que dis-je, l'extraordinaire – logique de l'argumentation qui vous amène à conclure que « La "guerre contre la pauvreté" ne peut en fait être qu'une guerre contre les pauvres » me fait penser à une vieille blague qui court dans le domaine de la santé publique: En voyant le taux de naissance de bébés prématurés par territoire de CLSC dans la région de Montréal, le père dit à sa femme: « On va déménager à Westmount, on aura dix fois moins de chance de mettre au monde un bébé prématuré que dans Hochelaga-Maisonneuve. » 
 
Jean-François Labadie
Faculté de médecine
Université de Montréal
 
 
 
 
FAUT-IL ENCADRER LE POUVOIR ÉCONOMIQUE?
 
 
Chers libertariens, 

          On ne peut nier qu'il existe un pouvoir dit économique. Ne faudrait-il alors, comme tout autre pouvoir, l'encadrer, le baliser? 
 

Mathieu Delarue
 
Réponse de Martin Masse: 
 
Monsieur Delarue, 
 
          Votre question est très pertinente mais la réponse que vous suggérez, fondée sur une mauvaise compréhension de la notion de pouvoir, sous-tend malheureusement l'attitude très négative de beaucoup de gens envers l'économie capitaliste. 
 
          Laissez-moi d'abord vous parler du pouvoir politique. Comme vous le savez, celui-ci est exercé par une seule instance décisionnelle, l'État. Dans notre régime parlementaire britannique, au contraire de systèmes un peu plus équilibrés comme celui des États-Unis, le pouvoir est très concentré. Les décisions se prennent en théorie par l'ensemble de nos représentants élus au Parlement, mais on sait que les contrepoids qui avaient naguère une influence (la Couronne, le Sénat) n'en ont plus aujourd'hui et qu'en réalité, c'est le cabinet, et même le bureau du premier ministre, qui décident de presque tout. 
 
          Historiquement, la liberté politique a été acquise, dans quelques pays libéraux en Occident, par des révolutions ou par un encadrement et un balisement graduels du pouvoir du souverain, pour employer vos termes. Mais même dans ces pays libéraux, la croissance des États-providence au 20e siècle, la nationalisation de nombreux secteurs économiques, l'intervention de plus en plus poussée des bureaucraties dans tous les aspects de nos vies, de même que la concentration du pouvoir décisionnel que je viens d'évoquer, ont fait en sorte que le pouvoir politique est devenu extrêmement concentré et donc dangereux, comme au temps des monarques absolus.  
 
          Notez qu'il s'agit d'un pouvoir réel, un pouvoir de coercition, auquel personne ne peut échapper sous peine de sanction légale. Si vous refusez de payer vos impôts ou de vous conformer aux milliers de règlements qui s'ajoutent chaque année à l'arsenal légal de nos dirigeants, vous risquez une amende ou la prison.  
 
          Puisque vous êtes d'accord avec le principe de la limitation du pouvoir, je suppose que vous n'êtes pas tout à fait fermé à la proposition centrale du libertarianisme, qui est que le pouvoir de l'État doit être le plus limité possible pour que les individus puissent jouir de la liberté.  
 
          Qu'en est-il maintenant du présumé pouvoir économique que vous évoquez? Au contraire du pouvoir politique, il n'est aucunement concentré. Il n'existe aucune instance décisionnelle qui gère de façon centralisée et cohérente une force coercitive dans le domaine de l'économie. Les décisions économiques se prennent chaque jour par des millions de consommateurs, de travailleurs, d'employeurs, de gestionnaires, d'investisseurs, etc. Dans une économie de marché, chacune de ces décisions résulte d'une évaluation des intérêts propres de celui qui décide et se fait sur une base volontaire. Ce sont les échanges et les contrats entre deux ou plusieurs parties qui sous-tendent tous les rapports économiques, pas l'autorité d'un pouvoir qui s'appuie sur la force comme c'est le cas de la politique.  
 
          Même les plus gros joueurs en économie, tels que Microsoft ou McDonald's, n'ont qu'un pouvoir de persuasion et dépendent du bon vouloir des consommateurs. Ils n'ont un « pouvoir » que dans la mesure où ils réussissent à convaincre ces derniers qu'ils ont besoin du produit ou service qu'ils offrent et que celui-ci est le meilleur.  
 
          On entend constamment les manifestants et idéologues anticapitalistes s'attaquer au pouvoir global de McDonald's. Personnellement, je ne vais jamais manger chez McDonald's, je trouve que leur bouffe est franchement dégueulasse. Quel pouvoir a donc cette chaîne de restaurants sur moi? Strictement aucun. McDonald's n'a de « pouvoiréconomique » que parce que des millions de gens à travers le monde pensent autrement que moi et aiment ses produits, et les consomment sans qu'on leur torde le bras.  
 
          Lorsque les contrats et les droits de propriété de chacun sont respectés, nous sommes parfaitement libres de faire ce que nous voulons dans la sphère économique, et il n'y a donc logiquement aucun pouvoir à encadrer ou à baliser. Personne n'est forcé d'acheter quoi que ce soit, de travailler où que ce soit, de produire ou de vendre quoi que ce soit. Être libre ne signifie pas évidemment que nous pouvons obtenir tout ce que nous désirons et que tout est parfait. On peut détourner les mots de leur sens et affirmer qu'en effet, les pauvres ne sont pas « libres » de se payer un château à Westmount. Mais cela signifie simplement que les ressources sont limitées et qu'ils n'ont pas le privilège de s'approprier la propriété d'autrui. Ils sont toutefois libres, à l'intérieur des règles d'une économie de marché, de travailler, de s'enrichir et de tenter de se payer un tel château.  
 
          Vous noterez qu'il existe un lien direct entre les sphères politique et économique. Lorsque le pouvoir politique est fort, il tente systématiquement de « baliser » les relations économiques en accordant certains privilèges et monopoles, en protégeant certains marchés, en transférant l'argent des payeurs de taxes dans les poches de leurs clients, en réglementant au profit de certains groupes. C'est de cette façon que tous les pouvoirs politiques se maintiennent, tout en appauvrissant la population. La seule façon de protéger la liberté de tous les citoyens, c'est en faisant le contraire: en balisant et en réduisant le plus possible le pouvoir de coercition de l'État, et à l'inverse, en évitant le plus possible de baliser les relations économiques fondées sur les contrats et les échanges volontaires.  
 
          Bref, oui, on peut nier qu'il existe un pouvoir dit économique, et qu'il faille le baliser et l'encadrer. Le seul véritable pouvoir en effet, c'est celui de l'État, et c'est lui qui est un danger pour notre liberté. 
 
          Bien à vous, 
 
M. M. 
  
 
 
 
 
LE QL À LA SOLDE DES TABATIERS?
 
 
          Combien au juste l'industrie des tabatiers vous a-t-elle payé pour leur faire ces gentils clins d'oeil? Allez, continuez à vous empoisonner, vous et votre entourage, à la Marlboro « light »! Félicitations! 
 
Nicolas Villain
France
 
Réponse de Martin Masse: 
 
Monsieur Villain, 
 
          Vous n'avez sans doute pas saisi la mission de notre magazine, qui est de promouvoir des principes et des idées, et non de faire de la promotion sur commande ou même de défendre un comportement en particulier. Je ne fume pas, ni la cigarette ni la marijuana, et je n'encourage personne à le faire, mais avec mes collègues je défends le droit de ceux qui veulent fumer en toute quiétude de faire ce qu'ils désirent avec leurs corps. 
 
          Pour d'autres arguments sur cette question, voir dans ce numéro À QUI APPARTIENT NOTRE CORPS?, p. 2, LES FUMEURS DANS LE COLLIMATEUR, p. 9 et SUR LES HISTOIRES QUI SE TERMINENT MAL, p. 7. 
 
          Bien à vous, 
 
M. M.
 
 
 
ATTENTION!
        Si vous en avez marre de vivre dans une société où l'hystérie nationaliste domine tous les débats; dans un pays où les taxes, les réglementations omniprésentes et le paternalisme des gouvernements briment la liberté individuelle et restreignent le dynamisme économique; dans une culture où le moutonnisme et l'égalité dans la médiocrité sont plus valorisés que l'individualisme et la compétition; dans un monde intellectuel où les soi-disant « consensus nationaux » promus par une élite déconnectée servent de prétexte pour éviter les débats rationnels; 
FAITES QUELQUE CHOSE!

        Abonnez-vous, envoyez-nous des lettres ou des textes, et SURTOUT faites connaître le QL à vos parents et amis en leur envoyant l'adresse de notre site:

www.quebecoislibre.org 
 
 
<< retour au sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO