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Montréal, 27 octobre 2001 / No 91 |
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par
Gilles Guénette
Les sondages le montrent, tout le monde aime la publicité. Tout le monde la trouve belle, meilleure qu'elle ne l'a jamais été et parfois même intelligente. Tout le monde sauf peut-être quelques intellectuels de la communication pour qui la pub est tantôt un outil d'asservissement de la population, tantôt un vilain virus qui s'immisce dans l'organisme et rend tout discernement impossible. Claude Cossette est l'un de ces intellos à la mode qui voient du sens (et des conspirations) là où il n'y en a pas. Dans la mouvance des critiques anti-pub à la Kalle Lasn d'Adbuster ou Naomi Klein et son No Logo, l'universitaire vient de publier un ouvrage intitulé La publicité, déchet culturel aux Éditions de l'IQRC. Cossette se défend d'être contre la publicité, il se dit plutôt contre ses excès. Nuance. |
J'achète,
tu achètes, il achète
Le nom vous dit peut-être quelque chose. Claude Cossette a fondé la plus grande boîte de pub au Canada: l'agence Cossette – devenue Cossette Communication marketing, puis le Groupe Cossette. Il a oeuvré pendant près de 20 ans dans le milieu publicitaire avant de tirer sa révérence pour se concentrer sur l'enseignement de la publicité au département de communication de l'Université Laval. Depuis quelques années, Cossette dénonce activement l'envahissement de la publicité dans les moindres sphères de nos vies, notamment dans les toilettes et les écoles publiques (voir BROUILLAGE PUBLICITAIRE, le QL, La publicité, c'est le masque charmeur de l'économie de marché. Masque charmeur parce que la publicité affiche ses plus beaux atours pour cacher sa nature véritable: persuader que le bonheur consiste à consommer jusqu'à épuisement... de la Terre. La publicité ne dit jamais directement:Plus besoin de vous procurer le livre, vous avez ici le gros de sa pensée! – à moins que vous n'adhériez, vous aussi, à ce salmigondis et que vous vouliez faire durer le plaisir... Pour l'essentiel, les gens sont impuissants face au rouleau-compresseur publicitaire et c'est parce qu'ils sont un peu naïfs, voire cons, que les actionnaires des multinationales au volant de cet engin La publicité, déchet culturel est bourré de petits commentaires qui montrent à quel point Cossette ne tient pas le milieu haut dans son estime: Si Cossette n'affectionne pas particulièrement les publicitaires, il aime encore moins l'économie de marché. Sa position, on s'en doute, est celle en vogue dans les milieux intellos francophones; c'est-à-dire, la position officielle de tous ces Les marchands sont tous adeptes du libre marché, de la mondialisation, de la déréglementation... Peut-on croire que les gens d'argent,Bien sûr, c'est dans leur intérêt de laisser s'écraser leurs appareils! Une chance que l'État est là pour les forcer à être Gimme Logos Nostalgique du Québec d'hier, Cossette se remémore les épiceries de quartier qui offraient jadis quantité de marchandises en vrac et sans marque.
Quoi qu'en dise Cossette, si les grandes surfaces et les supermarchés offrent aujourd'hui des aliments en vrac, c'est parce qu'il y a là une demande, pas parce qu'ils manquent d'imagination. Si pour X raisons, les consommateurs y étaient réfractaires, les marchands trouveraient d'autres façons de les vendre. Nous ne sommes donc pas Certaines catégories de produits (farine, sucre et sel) sont vendues sans marque et en vrac pour des raisons économiques. Il n'y a pas de Comment expliquer que l'on préfère payer davantage pour un appareil de marque Sony que moins pour un autre d'une marque moins connue? Selon Cossette, Les marques de commerce, on le voit, sont l'autre grande obsession de Claude Cossette. Comme la plupart des anti-mondialisation et des anti-pub, il aime s'en prendre aux McDonald's, Coke et Sony de ce monde, mais jamais à nos Bell, Réno-Dépôt ou Valentine. Les grandes compagnies qui représentent tout ce que le capitalisme a de plus vil à nous Pourtant, une centaine de pages plus tôt, Cossette écrit: Comme il semble le suggérer – dans ce moment de lucidité! –, les marques de commerce sont en effet des gages de qualité qui permettent au consommateur de consommer à tête reposée, sans avoir à se demander si tel ou tel produit est de bonne qualité. En optant pour un magnétoscope Sony par exemple, Julie sait qu'elle achète de la qualité. En achetant une lessiveuse Maytag, Pierre sait qu'il n'aura pas à la faire réparer avant plusieurs années. Les marques de commerce sont autant de sceaux de qualité. Et ces sceaux ne se sont pas construits du jour au lendemain. Ils se sont développés sur des périodes de plusieurs années pendant lesquelles les compagnies ont fait la preuve qu'elles offraient vraiment des produits de qualité. Ils ont évidemment un prix. Le logo, ou la marque de commerce, n'est donc pas une simple tactique imaginée par le marketer manipulateur pour vendre plus de chandails Le logo sert en fait de raccourci au consommateur. Lorsque par exemple vous arrivez devant un restaurant McDonald's et que vous décidez d'y entrer, vous savez exactement à quoi vous attendre. Vous savez que si vous commandez un Trio Big Mac avec Coke, vous aurez le même trio avec Coke que vous soyez à Montréal, à New York ou à Pékin – ou, peut-être déciderez-vous de ne pas entrer dans le resto parce que vous détestez Antidote à la pub Images de marque, logos, trademarks, Cossette n'en démord pas: il va falloir que les publicitaires reculent ou que nos gouvernements avancent. Pour mettre un frein à ce gaspillage, pour augmenter la résistance aux charmes de la publicité, il ne nous reste qu'un seul espoir: investir toujours davantage dans un système d'éducation universel et gratuit. Cette idée n'est plus tellement à la mode comme le rabâche le slogan de la droiteSi la rédemption passe par l'éducation, il y a de l'espoir! En effet, nous n'avons jamais été aussi éduqués qu'aujourd'hui. Nous n'avons jamais eu accès à autant d'informations gratuites qu'aujourd'hui. Si les gens éduqués sont mieux outillés pour penser par eux-mêmes – par opposition aux non-éduqués qui ne font que La meilleure façon de contrer Bien sûr, de prétendre que la publicité n'a aucun pouvoir serait de jouer à l'autruche – les ventes de yogourts légers Silhouette ont bel et bien grimpé de 45% depuis que la comédienne Sophie Lorain en fait la promotion! Mais de prétendre que les publicitaires sont plus intelligents que la moyenne et qu'ils se servent de cette Si, au lieu d'enseigner ses niaiseries anticapitalistes, Cossette expliquait à ses étudiants comment fonctionne une économie de marché et comment celle-ci est le meilleur système élaboré jusqu'ici par l'humanité pour être libre, penser par soi-même et faire ses propres choix, peut-être aurait-il ironiquement plus de succès dans sa croisade antipub...
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