|
Montréal, 10 novembre 2001 / No 92 |
|
par
Carl-Stéphane Huot
La semaine dernière, le dernier épisode d'une triste saga s'est joué lorsque la cour supérieure a prononcé la mise en faillite d'Industries Davies. À part les employés mis à pied, leur syndicat, la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN) et quelques éditorialistes, peu de gens se sont vraiment émus que 2700 personnes perdent leur emploi. L'histoire récente de ce chantier est une démonstration éclatante de ce qu'une certaine forme de syndicalisme passéiste peut faire pour détruire des entreprises. |
Un
long déclin
Fondé dans la première partie du 19ème siècle par Georges Davies, ce chantier situé dans la ville de Lévis en face de Québec a vécu les années glorieuses du fleuve St-Laurent. Ses travailleurs ont alors construit et réparé de nombreuses coques en bois, puis en métal. Longtemps porte d'entrée par excellence en Amérique du Nord, de même que route reliant la majorité des citoyens du centre du Canada et des États-Unis, le fleuve finira pourtant par perdre de son importance au profit du camionnage, de l'avion et aussi des ports comme Halifax et New York. Durant la Seconde Guerre Mondiale, les chantiers Davies construiront même une douzaine des célèbres Liberty Ships, en plus de navires de guerre et autres. Cependant, le long déclin allait commencer peu après, avec la spécialisation du commerce maritime en différents types de navires mieux conçus pour le type de cargaison à transporter et la route suivie. Aussi, les Asiatiques, les Japonais surtout, par une rationalisation féroce du travail, à l'aide d'une planification poussée des méthodes de construction, réduirons par 6 environ le temps nécessaire pour construire un navire, si on compare avec ce qui se faisait en 1940. Les Européens relèverons assez bien le défi mais les Nord-Américains se laisseront distancer. Alors que les États-Unis réussiront à construire un cargo du type Liberty en 3 jours et demie durant la guerre, ils se laisseront submerger par leurs syndicats ouvriers qui, par le jeu de la négociation, augmenteront considérablement le temps requis pour construire un navire. Davies n'échappera pas à la règle, d'autant qu'elle fut nationalisée un certain temps, les syndicats en profitant pour faire chanter nos politiciens, qui n'ont de toute façon jamais rien compris aux exigences de rentabilité d'une entreprise. Au début des années 1980, cette entreprise était déjà moribonde. De nombreux conflits de travail s'ajouteront à cette situation précaire, sans compter la guerre larvée qui se poursuivait entre les grèves.
Par exemple, 48% des ouvriers ont déposé au moins un grief syndical et 30% d'entre eux ont réussi à se faire placer sur le régime des accidents de travail pour ne pas avoir à travailler, sans compter le mépris ouvertement affiché du président du syndicat allant jusqu'aux insultes envers différents acheteurs potentiels lorsque ceux-ci tentaient de lui faire comprendre qu'il fallait travailler complètement différemment et beaucoup plus rapidement si on voulait arriver à décrocher des contrats. Ce chantier, qui aurait dû être en faillite depuis des lustres, n'a survécu que grâce à 550 millions de fonds publics et à des contrats gouvernementaux attribués d'une manière arbitraire, au grand dam de ses concurrents qui eux ont dû s'adapter sans tous ces à-côtés. Heureusement, cette fois-ci, le gouvernement l'a laissé couler. Pourtant, malgré le fait que la construction navale mondiale traverse en ce moment une certaine morosité due à la surcapacité et aux subventions titanesques des différents gouvernements du monde, ce chantier aurait certainement pu se tirer d'affaire si ses employés avaient collaboré. En effet, avec l'accroissement des échanges mondiaux, le vieillissement très rapide de la flotte, l'engouement grandissant des aînés pour les croisières et l'intérêt nouveau des gouvernements du Québec et du Canada pour ce mode de transport qui permet de conserver les routes en bon état, Davies aurait très bien pu être une entreprise prospère. De plus, l'industrie navale vit à l'ère de la mondialisation depuis beaucoup plus longtemps que tout autre type d'industrie. Mais parce que les travailleurs n'ont pas su voir plus loin que le bout de leur nez, le chantier est en faillite. Même si par la loi le syndicat a l'obligation de défendre coûte que coûte ses membres, il n'en reste pas moins qu'il peut quand même convoquer un membre délinquant et le contraindre à changer d'attitude pour le bien de tous. Cela éviterait peut-être des cas comme ces ouvriers de la Davies qui venaient poinçonner le matin, puis retournaient chez eux pour le reste de la journée... L'entreprise industrielle de l'avenir embauchera des connaissances plutôt que des bras. Qu'elles soient techniques ou professionnelles, ces connaissances devront se mettre au service de l'entreprise et fonctionner dans une seule direction. Autrement, les cas comme la Davies se multiplieront jusqu'à la faillite de toutes ces entreprises passéistes.
|
<< retour au sommaire |
|