Montréal, 8 décembre 2001  /  No 94  
 
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    Carl-Stéphane Huot est étudiant en génie mécanique à l'Université Laval.
 
OPINION
 
TOUT A COMMENCÉ AVEC DOLLY
 
par Carl-Stéphane Huot
  
 
          En 1997, cela avait fait la une des médias: la naissance d'une brebis clonée appelée Dolly. Depuis, le débat sur le clonage a pris une tournure aussi peu scientifique que possible. Quels sont les faits réels entourant le clonage? Est-ce que cela peut vraiment déraper comme certains le prétendent? Non.
 
La technique 
   
          Lors d'une conception naturelle ou in vitro, la moitié seulement du matériel génétique mâle et femelle se rencontre. Cela permet entre autres un brassage des caractères génétiques. Chez l'humain, cela nous donne la couleur des yeux, de la peau et des cheveux, la taille, la longueur des membres, le type de sang, ainsi de suite. 
  
          Dans le clonage, on agit différemment. En simplifiant quelque peu, on évide un ovule de son matériel génétique, puis on réimplante dedans le matériel génétique de l'animal que l'on veut cloner. Ensuite, l'ovule est implanté dans un utérus porteur et un animal identique du point de vue génétique naît au bout du temps normalement prévu pour la gestation. C'est ce qui est arrivé avec Dolly en 1997.
Dolly
  
          Depuis, il s'en est passé des choses dans la vie de cette brebis. Outre la célébrité, elle a normalement pu donner naissance à deux portées: une d'un seul petit en 1998 et l'autre de trois en 2000. Donc, le clonage ne compromet pas la capacité de reproduction. De plus, la santé générale de cette bête semble bonne et comparable à celle de ses congénères. Cependant, on a constaté un autre phénomène, imprévu celui-là. La brebis vieillit plus vite que ses congénères. L'hypothèse est que le matériel génétique vieillit en même temps que l'animal et que, d'une manière ou d'une autre, celui-ci ne peut se régénérer que lors d'une conception naturelle. 
  
Les opposants 
  
          Il y a en gros trois lignes d'opposition au clonage. La première concerne le caractère sacré de la vie, la deuxième, les utilisations néfastes de la technique et la troisième, de nature plus scientifique, concerne les problèmes biologiques comme le vieillissement et le brassage génétique. 
  
          Le caractère sacré de la vie est un problème essentiellement philosophique. Le matériel génétique est-il sacré? Où commence la vie? Dans l'utérus ou lors de la naissance? La Cour Suprême du Canada, dans le cadre d'un jugement quand même controversé, a statué qu'un embryon et un foetus n'étaient pas vivants, pendant que ses opposants soutiennent le contraire. Quoi qu'il en soit, c'est une question qui continuera à faire des vagues. 
  
          La deuxième question est reliée à la première. Un point qui est souvent soulevé est l'utilisation d'embryons ou de foetus pour prélever des cellules souches. Les cellules souches, ce sont des cellules indifférenciées. En effet, chez l'humain par exemple, chaque cellule est spécialisée. Citons les cellules nerveuses, osseuses, musculaires, nerveuses et autres comme les globules rouges et blancs du sang. Cependant, lors des premiers stades de la vie, ces cellules sont indifférenciées. Leur prélèvement permettrait notamment, pense-t-on, de pouvoir obtenir de la peau, des nerfs ou d'autres tissus pour soigner certaines maladies comme des paralysies ou la maladie d'Alzheimer. Pour cela, on devrait détruire l'embryon pour prélever les cellules et les mettre en culture. Cependant, il me paraît peu probable que l'on en arrive à cela parce que les chercheurs ont fait une autre découverte récemment: notre peau contient en effet un certain nombre de cellules souches, et leur prélèvement ne pose pas autant de problèmes techniques que l'utilisation d'un embryon. 
  
     « Les techniques en génie génétique semble être la seule voie possible pour résoudre certains problèmes de santé, n'en déplaise aux opposants. Encore là, on demande le beurre et l'agent du beurre. »
  
          Une autre objection des opposants vient de l'utilisation potentielle des clones comme « réservoir de pièces détachées ». Cependant, cette objection ne tient pas. Premièrement, comment est-ce que l'on pourrait transplanter à un homme adulte le coeur ou les poumons d'un poupon à peine plus long que mon bras? Ce qu'il faudrait, c'est d'attendre que le clone grandisse suffisamment, disons pendant 16 ou 17 ans. Compte tenu que la personne est en danger de mort lorsqu'elle a besoin d'une transplantation, et que l'espérance de survie ne dépasse guère quelques années, c'est plutôt boiteux comme solution. De plus, la transplantation ne règle pas tous les problèmes. Si celui du rejet est éliminé, il reste tout de même que je patient ne saura jamais s'il y a un problème ou non avec son organe neuf .  
  
          En effet, puisque les nerfs sont tranchés, il est par exemple impossible à un transplanté du coeur de savoir qu'il fait une crise cardiaque. Aussi, si la malformation dépend d'un problème génétique, il faudrait manipuler le matériel génétique pour s'assurer que le clone ne présenterait pas le même problème. Enfin, on peut bien ergoter très longtemps sur le statut de « vivant ou non-vivant » du foetus, il n'en serait pas de même pour un clone. En effet, ce prélèvement sur un être vivant serait considéré par les tribunaux comme un meurtre prémédité, crime le plus sévèrement puni par tous les systèmes de justice du monde. 
  
          La troisième objection est d'ordre biologique. Outre le vieillissement prématuré des organismes clonés, les chercheurs ont découvert voici quelques semaines que la division cellulaire ne s'effectuait pas bien lors des premiers stades embryonnaires. En effet, alors qu'un embryon normal met environ 72 heures pour se retrouver avec 6 cellules, l'embryon cloné récemment en avait 6 après 24 heures, ce qui est un taux de croissance anormal. D'autre part, le brassage génétique est essentiel au vivant. Il nous a entre autre permis de descendre du singe, si vous me passez l'expression. Plus sérieusement, qui voudrait vraiment d'un ou plusieurs clones de soi-même? En plus, comment éliminer le besoin de reproduction chez le vivant, sans enlever le désir d'avoir un enfant? Cette technique exige tout de même que l'enfant soit porté pendant neuf mois, et sans contraintes particulières tous les futurs géniteurs voudront que l'enfant ressemble à ses deux parents, sauf peut-être une frange de féministes extrémistes... 
  
          Toutefois, les techniques en génie génétique semble être la seule voie possible pour résoudre certains problèmes de santé, n'en déplaise aux opposants. Encore là, on demande le beurre et l'agent du beurre. D'un côté, on exige des solutions immédiates pour toutes sortes de maladies et de l'autre, on voudrait empêcher ce qui semble, pour l'instant du moins, la seule solution envisageable à long terme. 
  
          Le clonage, comme on le voit, présente trop d'inconvénients pratiques pour qu'il devienne un jour la norme. De plus, d'autres techniques alternatives sont déjà en train de prendre forme. Cela devrait peut-être calmer les excités, mais j'en doute fortement, le sensationnalisme faisant jaser bien plus que les faits. 
  
 
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