Montréal, 8 décembre 2001  /  No 94  
 
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Hervé Duray est étudiant à l'École Supérieure de Commerce de Grenoble et tient La Page libérale, un site dédié au commentaire des informations sous un angle libéral.
 
LA PAGE LIBÉRALE
 
DEUX SCÉNARIOS POUR LA FRANCE
À L'HORIZON DE 2020
(seconde partie)
 
par Hervé Duray
  
  
          Toutes les calamités que j'ai évoquées dans mon article précédent ont comme origine commune l'étatisme. Michel De Poncins(1) parle dans ses livres d'un effet boule de neige, qu'il nomme « loi des calamités ». Les hommes de l'État créent de multiples catastrophes, en prétendant remédier à des problèmes qui en réalité n'ont pas besoin de leurs « solutions » étatiques. Plus ils aggravent les problèmes qu'ils prétendent résoudre, plus ils trouvent de légitimité à leurs actions nuisibles et en entreprennent de nouvelles.
 
          Cette simple loi suffit à prévoir les actions des hommes de l'État, et combinée avec les enseignements de l'école du Public Choice de Buchanan on peut savoir quels groupes vont toucher la manne et dicter la politique générale du pays. 
  
          Ce scénario noir n'est toutefois pas inéluctable. Pour cela il faudrait briser la loi des calamités, déplaire aux lobbys, aux groupes électoraux divers... Tout un programme! 
  
          Il existe pourtant des éléments encourageants car les Français ne sont pas des veaux (que l'on mène à l'abattoir?) et parce que beaucoup prennent peu à peu conscience de la situation. Je vais donc tenter maintenant de soulever un peu d'optimisme et de vous livrer une vision d'un futur libéral pour la France. 
  
La prise de conscience 
  
          Sur la lancée politico-économique des années 1990, les années 2000-2010 vont être très dures pour les Français. Plus la situation va se dégrader, plus les Français seront forcés d'ouvrir les yeux, moins la classe politique pourra faire l'impasse sur les problèmes réels. 
  
          Plusieurs types de réactions sont possibles après la prise de conscience: il y en aura qui nieront la prise de conscience des autres. Pour cela nos fabuleux médias seront toujours là, avec les discours sur le « sentiment d'insécurité » ou encore les refrains sur la croissance qui effacera le problème des retraites, ou mieux encore l'immigration d'une population sous-qualifiée permettant de repeupler la France (à l'identique?). Il y aura les bovésiens, chevènementistes, souverainistes qui s'élèveront contre les « diktats de la mondialisation » ou le « libéralisme effréné destructeur de notre identité gastronomique », car la culture française s'arrête à l'estomac sans doute. 
  
          Et puis il y aura les autres. Les autres qui sont déjà le premier parti de France: les abstentionnistes. Les autres, ceux qui travaillent dans l'ombre, sans rien dire. Ceux qui subissent les bris de vitrine, les vols à l'étalage. Ceux qui se font voler leur voiture. Ceux dont le môme rentre de l'école avec des bleus et sans ses chaussures. Ceux qui reçoivent leur fiche de paye et se mettent à pleurer. Les retraités au minimum vieillesse qui ne mangent pas à leur faim. Ceux qui ne partent jamais en vacances. Ceux qui n'ont pas de quoi s'acheter une voiture neuve quand il est interdit de vendre des voitures de plus de 5 ans. 
  
          De ceux-là peut venir un renouveau. Leur ras-le-bol peut s'éteindre par des mesures localisées, comme le conflit de la Gendarmerie en grève sera certainement « acheté » par des primes plus importantes, des heures de repos, etc. Mais sur le fond, les problèmes seront toujours là. Pour les gendarmes par exemple, il faudra bien embaucher, acheter du matériel, et tout cela coûte de l'argent. Il va bien falloir agrandir les prisons. Si aucune mesure réelle n'est prise à long terme, les déçus vont peut-être former un ensemble politique assez important, sans même être regroupés en un parti politique, puisque par définition ce rassemblement sera hétéroclite. Cet électorat peut imprimer une forte pression en orientant le débat sur la sécurité, sur la baisse des impôts, ou d'autres sujets tout aussi politiquement dangereux et donc évités pour l'instant. 
  
          Quelles mesures une classe politique majoritairement acquise à l'étatisme pourrait-elle alors prendre pour remédier à une situation qu'elle a créée de toutes pièces? La question « Pourquoi le ferait-elle » trouve sa réponse dans le fait que les hommes politiques, pour gouverner, recherchent la légitimité démocratique, c'est-à-dire l'appui du plus grand nombre. Il faut bien un alibi quelconque pour voler impunément, non? 
  
Libérer l'épargne 
  
          Le gouvernement français à l'horizon 2005-2010 sera inévitablement confronté au problème des retraites. Il sera impossible d'y répondre en taxant les actifs, cela provoquerait un effondrement des retours réels sur ces actifs, comme je l'ai expliqué dans le précédent numéro. 
  
          Il faut donc laisser les Français épargner, libres de gérer leur épargne, libres de l'utiliser ensuite de la façon qu'ils veulent. Les plans d'épargne étatiques divers tels que livret A, livret Bleu, ou PEL servent à financer les HLM (PEL), ou sont investis en bons du Trésor, mais rémunérés à des taux garantis. Le Plan d'épargne en actions permet d'investir dans autre chose que des bons d'État, mais à de multiples conditions: garder les titres pendant 5 ans, investir dans des entreprises « européennes » (qu'est-ce que cela veut dire?), et puis bien sûr si le PEA est exonéré de quelques taxes (plus value 26%), il ne l'est pas des CSG et CRDS, un joli 10% déjà, ni des cotisations sociales, etc.... 
  
     « Quelles mesures une classe politique majoritairement acquise à l'étatisme pourrait-elle alors prendre pour remédier à une situation qu'elle a créée de toutes pièces? La question "Pourquoi le ferait-elle" trouve sa réponse dans le fait que les hommes politiques, pour gouverner, recherchent l'appui du plus grand nombre. »
 
          Pour que l'épargne serve réellement à financer des retraites, il faudrait donc avant tout qu'elle soit dirigée ailleurs que vers des programmes d'État. Exit donc les divers « plans ». Exit l'appel à l'épargne publique pour l'État français qui assèche les possibilités de financement des entreprises. L'épargne doit servir à financer des projets créateurs de richesse, susceptibles de rémunérer en eux-même les investissements et non au travers de promesses d'impôts futurs. 
  
          L'épargne n'est que du travail accumulé. Si le travail est taxé, pourquoi retaxer l'épargne? Du travail taxé à 50% l'est encore à 30 ou 40% quand il est épargné. Rendement réel de l'épargne? Pour 200FF de revenus, on peut épargner 100FF. Placés à 5%, ils rapporteront hors taxes 3FF. 3FF pour 200FF. 1.5%! Il faut de façon impérative supprimer les taxes sur l'épargne pour la rendre un minimum rentable! 
  
          Ces mesures ne sont pas politiquement suicidaires, sauf pour la gauche bien sûr, pour qui le capital est l'ennemi du peuple. Alors puisse la droite proposer de telles mesures, et vite! 
  
Appliquer la loi 
  
          L'insécurité est déjà acceptée comme un thème majeur de l'élection présidentielle française de mai 2002. Pas un jour ne passe sans qu'il soit abordé dans les médias, même constamment édulcoré, minimisé. Mais il y a une réelle évolution: au moins, on en parle maintenant! Plus que les médias, les Français constatent: tous les jours telle ou telle personne pourra vous raconter que son fils/neveu/concierge a eu tel ou tel problème, agression, vol, a été témoin d'une bagarre. Le niveau de violence en France finit par toucher toute la population et les beaux quartiers ne sont pas épargnés. 
  
          Et même si beaucoup d'entre nous ignorent que le taux de criminalité en France a depuis l'année 2000 dépassé celui des États-Unis, ou que Paris est une ville bien moins sûre que New York, il est néanmoins certain que l'insécurité est une donnée de la vie quotidienne. D'où par exemple le site web SOS-racaille, où des propos très virulents sont tenus à l'encontre des « racailles ». 
  
          Depuis peu les policiers réagissent aussi: 8 morts en service depuis le début de l'année, mais aussi de plus en plus de policiers blessés ou pris en embuscade, voilà qui les a réveillés. Dans un brouillon pour cet article, j'écrivais « combien de temps avant qu'ils ne fassent grève? », et voilà que les gendarmes excédés manifestent dans toute la France, képi sur la tête! Dans le même temps, les policiers ont protesté et obtenu de maigres crédits... Mais nul doute qu'ils n'en resteront pas là car bientôt il y aura de nouveaux morts. 
  
          Alors si l'État ne fait rien de bien concret concernant la police comme fournir des gilets pare-balles, des voitures plus puissantes, du matériel adéquat, une formation de personnel anti-émeutes, réorganiser les services, etc., on peut prévoir que de nombreuses compagnies privées vont se former pour répondre à la demande croissante de sécurité. La carence même de l'État permettra ainsi à un secteur privée de se développer: gardes privés pour quartiers huppés, contrats de gardiennage pour des lotissements, ou même des municipalités! La petite délinquance, la plus insupportable, constituée d'insultes, d'humiliations quotidiennes, de petites vexations, pourrait enfin être jugulée par une présence adéquate de forces visibles et entraînées. 
  
          Toutefois, cela ne peut arriver que par un seul miracle: que la justice soit recentrée sur les victimes et non les criminels. Dans la logique socialiste, un criminel ne saurait être puni: il est victime de la méchante société, raciste, injuste, qui l'exclut, le repousse, l'empêche d'accéder à toutes les richesses qui sont « dues » à tout homme. C'est donc la société qu'il faudrait punir plutôt que le criminel. Alors plutôt que de punir, les juges formés dans une école unique d'État, l'École nationale de la magistrature, préfèrent relâcher, sermonner, ne pas poursuivre... Il en résulte des absurdités telle que ce criminel arrêté pour un crime et relâché trois fois... même après avoir fui son propre procès(2). Il arrive aussi que les juges d'application des peines décident de liberté conditionnelle parce que des prisons sont trop pleines. Il arrive aussi qu'une personne en attente de procès pour meurtre soit relâchée et soit impliquée dans les meurtres de six personnes, dont deux policiers (affaire Bonnal/le chinois). 
  
          Sans même parler de justice libre, un premier pas serait de rapprocher la justice des victimes, en élisant les juges et non pas en les nommant par décret ministériel: des juges fonctionnaires inamovibles qui n'ont même pas à justifier leurs actions peuvent-ils honnêtement appliquer les lois... s'ils sont formés dans une école unique, acquise à une idéologie gauchiste? 
  
Stopper le flux d'immigration 
  
          Pour beaucoup de Français, l'immigration est devenue synonyme de fléau. À la manière des hordes barbares s'abattant sur l'Empire Romain, les immigrés viendraient affaiblir l'Europe de l'Ouest, la miner de l'intérieur en créant des communautés fermées sur elles-mêmes, répondant à leurs propres règles. Imaginez par exemple que 60% des musulmans anglais déclarent être des musulmans vivants en Angleterre, et non pas des sujets de sa Majesté de confession musulmane. Le sondage n'a jamais été fait en France, mais on serait certainement surpris du résultat. Pour prendre la température, un tour sur le site des musulmans de France (www.oumma.com) s'impose! 
  
          La vérité sur cette immigration est qu'elle n'est nullement un fléau en elle-même. Ce ne sont que des personnes qui sont venues parce qu'elles y espéraient une vie meilleure. Elles ne sont pas venues pour nuire. Ce sont les allocations d'État, les aides qui les maintiennent dans la pauvreté qui leur nuisent et assèchent les poches des Français. C'est aussi et surtout la culture de la victimisation qui nuit à tout le monde: après avoir répété aux immigrés que les Français sont de dangereux racistes, profondément opposés à leur venue et à leur séjour, et qu'ils sont responsables de leur pauvreté relative, nul doute que certains immigrés se révoltent. Et il est logique que les problèmes les plus graves en matière de sécurité proviennent des quartiers à majorité immigrée. Et il est logique que les immigrés fassent peu d'efforts pour s'assimiler aux Européens. Et il est tout aussi logique que beaucoup d'entre eux soient traversés par un fort racisme anti-blanc (voir www.racismeantiblanc.bizland.com). 
  
          Quel rapport avec la liberté me direz-vous? Supprimez les aides sociales diverses, faites le ménage dans les universitaires payés à pondre des études sur les méchants Français et vous verrez le progrès. Stoppons aussi les subventions aux associations prétenduemment antiracistes qui ne font qu'attiser la haine des communautés immigrées envers les Français « de souche » (blancs): MRAP, LICRA, SOS-RACISME qui systématiquement mettent en cause les vilains policiers blancs, les vilains agresseurs blancs (surtout ne vous défendez JAMAIS), etc. Bien sûr j'emploie le « on », impersonnel, collectiviste par essence, mais n'oubliez pas que je raisonne dans une France politique qui ne sera jamais libertarienne, si tant est qu'elle soit un jour libérale (ce dont je ne désespère tout de même pas). 
  
Rétablir la liberté économique 
  
          Les libertés économiques peuvent jouer un grand rôle dans une réduction des problèmes communautaires en France. Plus l'économie sera libre, plus il y aura de travail. Supprimer le salaire minimum et les charges liées aux retraites pourrait certainement faire plus pour l'emploi que 10 ans de croissance à 3%! Les moins productifs auront enfin un espoir de retrouver un emploi en France, tandis que la qualité de vie globale s'améliorerait, car les services à très faible valeur ajoutée comme un personnel suffisant dans les restaurants ou moins d'attente aux caisses des supermarchés sont des services « de luxe ». 
  
          À l'autre bout de l'échelle des salaires, supprimer l'impôt sur le revenu devrait inciter les plus riches à créer toujours plus de richesse, celle-ci n'étant pas confisquée comme auparavant. La suppression de l'impôt sur la fortune, prélevé non pas sur des revenus mais directement sur les biens d'une personne, devrait permettre le retour au pays de nombreux exilés (ce serait chaque année 30 milliards d'euros qui sortiraient de France sous forme d'exil fiscal). De toute façon, cet impôt, les plus riches n'y sont pas soumis car ils peuvent toujours s'exiler et ceux qui en pâtissent vraiment le plus ce sont les fortunes nouvelles, les entrepreneurs qui par mégarde franchissent le seuil fatidique des 0.8 million d'euros de patrimoine. Supprimer cet impôt fera bien plus pour la création d'entreprises que tous les discours de Chirac et Jospin! 
  
          Pour tout de même assurer un fonctionnement de l'État, une taxe à taux proportionnel (flat tax) devrait garantir un niveau de prélèvement suffisant pour des services réduits: police, justice, armée... À l'horizon de 2020, peut-être un homme politique aura-t-il le courage de révéler que punir la réussite par des impôts progressifs est une injustice en soi et de renverser la logique socialiste? 
  
          Ces mesures peuvent-elles être prises par un gouvernement dans les 20 années qui viennent? Oui, si le choc des retraites est assez fort et qu'il est bien exploité politiquement par des libéraux qui enfin auraient foi en leurs valeurs. 
  
          En attendant, j'incite fortement les Français à s'intéresser à Alain Madelin, qui même si son parti ne semble pas partager ses idées et bien qu'il soit lui-même parfois incohérent, est le plus libéral des hommes politiques français. Peut-être saura-t-il briser la loi des calamités? 
  
  
1. L'un des auteurs du site www.libeco.com, auteurs de « la République Fromagère » et bien d'autres livres exposant comment les Hifis (les hommes de l'État) s'emparent des richesses des Français, en toute légalité bien sûr.  >>
2. Histoire véridique. À Montpellier, dans le sud de la France, un homme poursuivi pour viol a été arrêté, puis relâché en attente de son procès, après ne pas s'être présenté pour son procès, re-arrêté, puis remis en liberté, repris pour un second procès, mais relâché encore! Les forces de police lui courent donc après pour la 3ième fois!  >>
  
  
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