Montréal, 5 janvier 2002  /  No 95  
 
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Alain Renaud est directeur général de l’Association des propriétaires d’appartements du Grand Montréal, un organisme sans but lucratif dont le mandat est de représenter et de défendre les intérêts des propriétaires d’immeubles à logements. Ce texte a été rendu public en septembre 2001 dans le cadre du débat sur le projet de loi 26 modifiant la Loi sur la Régie du logement et le Code civil.
 
OPINION
 
PÉNURIE DE LOGEMENTS: QUÉBEC EST ENTIÈREMENT RESPONSABLE
 
par Alain Renaud
  
  
          Les médias ont fait écho à plusieurs reprises de la difficulté pour de nombreuses familles à se trouver un logement, difficulté imputable principalement au taux d'inoccupation fort bas dans la région métropolitaine de Montréal. Pour certains, la cause est due à une certaine vigueur économique de notre région et au retour – en appartement – d'un grand nombre de jeunes travailleurs. 
  
          D'autres soulignent, avec raison également, qu'il ne se construit plus de façon significative d'immeubles locatifs. Mais avec le taux d'inoccupation que nous connaissons, au contraire, les investisseurs devraient se lancer à corps perdus dans la construction d'immeubles à appartements. 

          Finalement, à écouter certains représentants des locataires, le problème est essentiellement tributaire d'une pénurie de logements sociaux, d'où la nécessité pour les trois paliers de gouvernements de réinvestir massivement dans ce créneau.

 
          Mais que s'est-il donc passé dans l'immobilier locatif pour qu'en quelques années, on passe d'un taux d'inoccupation souvent supérieur à 5% (à l'avantage des locataires) à un taux inférieur de 2% du point d'équilibre? 
  
Vingt ans d'ingérence et de réglementation 
  
          Pour les principaux intéressés que constituent les propriétaires d'immeubles, la pénurie de logements au Québec se situe à un tout autre niveau. Pour eux, c'est 20 ans d'ingérence et de réglementation par le gouvernement du Québec qui fait en sorte qu'il est pratiquement impossible pour la majorité des propriétaires de contrôler et de rentabiliser leur investissement. 

          Le problème est d'autant plus aigu que le propriétaire dans le Grand Montréal a un « statut » particulier... il possède un petit immeuble locatif. Cette réalité qui touche plus de 200 000 propriétaires du Grand Montréal est trop souvent oubliée par le gouvernement du Québec et par les représentants des associations de locataires. 

          Parlez-en à votre entourage. Dites que vous venez d'acheter un quadruplex. Les qualificatifs seront nombreux. Ah! tu t'achètes du trouble. Ah! ton locataire a tous les droits. Ah! tu seras « pogné » avec la Régie du logement. Ah! mon beau-père a perdu 6 mois de loyers avant que le locataire ne disparaisse. Ah, quand le locataire a quitté mon logement du haut, il a fallu le « refaire » au complet! 

          Malheureusement, force nous est de constater que ces propos ont du sens malgré qu'il ne faut pas inclure tous les locataires dans la même catégorie. 
  
La Régie en conflit d'intérêt? 
  
          Actuellement, l'immobilier locatif est réglementé par la Loi sur la Régie du logement et en cas de discorde entre les intervenants, la Régie du logement tranche donc le litige. Son rôle de tribunal est clairement établi par la Loi. Pourtant, la Régie du logement, tribunal administratif, possède également le mandat d'informer les locataires et de conseiller le gouvernement du Québec en matière de bail résidentiel. Situation particulière d'apparence de conflit d'intérêt qui fait en sorte que ce mandat lui permet de recommander au gouvernement de nouvelles politiques et pourquoi pas, lorsque son pouvoir d'intervention est limité, proposer de nouvelles lois permettant d'acquérir une nouvelle juridiction. 
 

     « Louez un film vidéo et vous aurez droit à une enquête complète! Louez un logement de 50 000 $ et on vous donne carte blanche! »
  
          C'est ainsi que le gouvernement du Québec déposa en juin dernier, un projet de loi dont l'objet est de permettre à la Régie du logement de statuer en matière de prélocation. Malgré le fait qu'un logement constitue un bien de plusieurs milliers de dollars, malgré le fait que le propriétaire se doit de vérifier si le locataire est capable de payer le montant de loyer et qu'il possède de bons antécédents pour ne pas troubler la jouissance paisible des lieux, malgré le fait que le propriétaire est responsable de maintenir un climat de tranquillité dans l'immeuble, il devra louer sur simple présentation d'identité (nom, prénom, adresse, date de naissance, propriétaire actuel). Louez un film vidéo et vous aurez droit à une enquête complète! Louez un logement de 50 000 $ et on vous donne carte blanche! 

          Une autre aberration du système dans lequel nous vivons consiste en la possibilité pour ce tribunal de diminuer le coût d'un nouveau loyer malgré le libre consentement des parties. Actuellement, pour un nouveau locataire, la loi oblige le propriétaire à indiquer le loyer précédemment payé et même si le nouveau locataire accepte – en toute conscience – de payer un loyer plus élevé, il pourra s'adresser plus tard à la Régie du logement pour obtenir une diminution. Quelle aberration! Imaginez la situation qui a été portée à notre attention: des propriétaires ont accepté d'entreprendre des rénovations supplémentaires en retour d'une augmentation substantielle de loyer. Le locataire après la prise de possession du logement exige une diminution du loyer en fonction du loyer précédent. Sa signature a-t-elle autant de valeur que la signature d'un propriétaire? 
 
          Par ailleurs, nous constatons que le gouvernement du Québec a une forte propension à répondre aux exigences des associations de locataires et à faire la sourde oreille à des problèmes quotidiens vécus par les propriétaires. Les exemples à cet égard sont nombreux, deux suffiront à démontrer la politique de deux poids, deux mesures du gouvernement du Québec. 
  
Deux poids, deux mesures 
  
          Dans le cadre de la réforme du Code civil, le gouvernement du Québec a légiféré quant au contenu obligatoire du bail résidentiel. Son intervention va jusqu'à déterminer la grosseur des lettres. Pourtant, à l'instigation des locataires soulignant qu'il y avait trop de baux maison (sic), le gouvernement instaura rapidement un bail obligatoire, façon indirecte de se procurer également un revenu supplémentaire (avec 200 000 déménagements par année, c'est 400 000 $ de revenu pour l'Éditeur officiel). 
 
          Mais quand il s'agit de non-paiement de loyers par une minorité de bénéficiaires d'aide sociale, dont les conséquences entièrement assumées par les propriétaires sont évaluées à plus de 80 millions de dollars par année, le gouvernement ne bouge pas. Deux poids, deux mesures. Allez dire à un propriétaire de triplex qu'il vient de perdre 3 ou 4 mois de loyers parce que le gouvernement cherche des solutions... La situation est souvent tragique pour cette personne. Car le banquier n'attend pas pour le remboursement du prêt hypothécaire et les gouvernements n'attendent pas pour le paiement des taxes. Pas plus que l'assureur n'attend pour le règlement de la prime ou Hydro-Québec pour le paiement de l'électricité. Par contre, allez dire à un locataire que son bail n'est pas légal parce qu'il est en noir photocopieuse au lieu du bleu gouvernemental et il continuera à dormir! 
 
          On souligne également que la construction d'immeubles locatifs est au ralenti, favorisant encore là un bas taux d'inoccupation. Effectivement, c'est une autre réalité imputable non seulement à certaines iniquités fiscales que doivent assumer les constructeurs mais aussi au fait que de nombreux propriétaires désirent simplement se départir de leur immeuble. Mais qui en veut aujourd'hui? 
 
          Plusieurs qualifient l'immobilier locatif résidentiel d'industrie mal-aimée. Effectivement, l'historique des interventions gouvernementales démontre une incompréhension totale de cette industrie et une indifférence complète du sort des quelque 200 000 propriétaires du Grand Montréal. Pire encore, cette incompréhension résulte maintenant en une pénurie de logements au détriment des locataires dont le seul responsable est le gouvernement du Québec. 
  
          À force de vouloir tout contrôler, à force de vouloir aller à l'encontre des lois élémentaires du marché, il en résulte une démobilisation des investisseurs au détriment de la clientèle que constitue les locataires. Il est temps que les autorités gouvernementales changent d'attitude et enfin, consultent autant les propriétaires que les locataires afin de redonner une nouvelle vigueur à cette industrie. Et dans cet esprit, une refonte de la législation sur le logement locatif s'impose obligatoirement. C'est le message que transmet l'Association des propriétaires d'appartements du Grand Montréal aux députés de l'Assemblée nationale. 
  
 

 
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