Montréal, 5 janvier 2002  /  No 95  
 
<< page précédente 
  
  
 
 
Hervé Duray est étudiant à l'École Supérieure de Commerce de Grenoble et tient La Page libérale, un site dédié au commentaire des informations sous un angle libéral.
 
LA PAGE LIBÉRALE
 
« UN TOIT (SUBVENTIONNÉ), C'EST UN DROIT! »
 
par Hervé Duray
  
  
          C'est l'hiver, et donc la saison du « droit au logement ». La surmédiatisation du DAL, l'association Droit au logement de l'Abbé Pierre, a permis en 1998 le vote d'une loi de réquisition des logements « vacants », c'est à dire inoccupés, invendables, insalubres, ou simplement des espaces de bureaux vides. Pourtant cette loi n'a rien changé. 
 
          Le marché du logement est toujours plus difficile pour ceux qui ont les moyens: pléthore de candidats à la location, loyers en hausse constante, demandes de garanties (caution, parents pour les moins de 30 ans) toujours plus strictes. 
  
          Après avoir encadré les prix du logement, fixés des normes de confort ou de sécurité trop coûteuses pour être appliquées par les propriétaires... après les lois qui font qu'en réalité expulser un locataire indélicat est devenu un calvaire, voire même tout simplement impossible de octobre à avril... après les impôts qui rognent la rentabilité de la location... bref, après des années d'interventions étatiques pour rendre la vie des locataires plus simple et celle des propriétaires plus infernale, le seul résultat effectif est d'avoir jeté à la rue des milliers de personnes.  
  
De calamité en calamité 
  
          Les propriétaires ou les investisseurs ne se précipitent pas pour construire de nouveaux logements, sauf de grand standing, et il y a une pénurie chronique du neuf: malgré les loyers élevés, la rentabilité n'est pas suffisante. 
  
          Du côté des appartements bas de gamme, bas loyer, pas la peine de chercher: il y a déjà un monopole de l'État. Par les sociétés de HLM, l'État concentre la majeure partie de l'offre locative: les prix y sont presque gelés, et donc pour un investisseur privé impossible de s'aligner!  
  
          Toute calamité trouve sa solution dans une nouvelle calamité dans la logique gouvernementale. Après avoir déglingué le marché, rendu impossibles des relations contractuelles normales, limité les possibilités de bail, de prix, il était donc normal que l'État trouve matière à de nouvelles interventions pour corriger ces défaillances flagrantes du marché. 
  
          La calamité des « mal logés » a donc été doublée de celle des propriétaires de biens immobiliers persécutés, désormais obligés de louer ou de céder un bien qu'ils voulaient garder vides: la loi de 1998 permet la réquisition par les préfets des locaux et logements vides pour y loger des personnes incapables de payer un loyer. Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'État au Logement et responsable du courant Gauche Socialiste au PS, pensait par cette loi répondre à la « demande » de logement, ou plutôt à la pression de quelques centaines d'excités de l'association Droit au logement (au squat?).  
  
          Fait amusant, l'article du Monde où j'ai tiré cette nouvelle cite l'IAURIF (Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France) qui explique qu'il n'y a pas pénurie mais... au contraire une demande faible de logements en Île de France, d'où la vacance proche de 10%! Les chiffres évoqués par les associations pour faire intervenir le gouvernement sont donc plutôt encourageants: on devrait assister à une baisse des loyers si le marché est en berne, ou alors il devrait être plus facile de trouver un appartement. Or il n'en est rien pour l'instant... mais le marché de l'immobilier à la vente est porteur: les logements vacants sont portés sur le marché de la vente. En fait, il semblerait plutôt que devant la faible rentabilité les propriétaires renoncent tout simplement à louer. D'ailleurs on oublie souvent que cette rentabilité est encore obérée par des coûts cachés: louer un appartement présente un risque pour le propriétaire d'ennuis judiciaires à n'en plus finir étant donné les obligations légales qui lui sont faites. 
  
     « Après avoir déglingué le marché, rendu impossible des relations contractuelles normales, limité les possibilités de bail, de prix, il était donc normal que l'État trouve matière à de nouvelles interventions pour corriger ces défaillances flagrantes du marché. »
 
          D'ailleurs, il est noté dans ce rapport que les logements vacants sont en général plutôt éloignés de Paris centre, plutôt moins confortables, plutôt anciens... En bref: personne n'en veut: non seulement les propriétaires ne veulent plus les louer, mais de toute façon les locataires éventuels n'en veulent pas!  
  
De pénurie en pénurie 
  
          Le meilleur du rapport? C'est que certaines communes sont très touchées par la vacance: celles qui ont comme caractéristiques une « forte proportion de logements HLM dans des barres et des tours, présence importante de populations étrangères ». Étrange, ces villes ont aussi des taux de criminalité très élevés, et fort logiquement les villes ayant cette réputation voient les locataires s'en détourner. 
  
          Cette loi de réquisition comporte heureusement un échappatoire: les logements mis en vente ne sont pas considérés comme vacants, les propriétaires menacés ont donc pu échapper en grande partie à la menace légale pesant sur eux. Mais en saturant le marché de la vente, les prix ont donc baissé. Et les propriétaires ont donc là encore décidé de ne pas vendre: et une pénurie de plus! 
  
          En attendant, qui investira dans l'immobilier avec une épée de Damoclès suspendue aux perspectives électorales ou à la puissance d'un groupe de pression? Une nouvelle loi pourrait exproprier un peu plus les « propriétaires ». Dans ce cadre juridique instable, les investisseurs retardent encore plus leurs décisions. 
  
          Pour débloquer la situation, quel politicien osera suggérer de lever toutes les lois diverses qui empêchent les propriétaires de profiter de leurs biens? Qui osera suggérer que taxer à 20% les matériaux pour construire des logements est néfaste? Qui critiquera le fait que taxer à 50% le travail des ouvriers du bâtiment n'accroît pas la pénurie de travailleurs dans ce domaine particulier où les coûts humains sont très importants? Et les permis de construire qui rendent telle ou telle zone inconstructible par décision seigneuriale? Et le parc locatif de l'État, 20 ou 30% des logements locatifs en France? Quand sera-t-il vendu à des gens capables d'en assurer la rentabilité, permettant d'en construire d'autres? Quand la durée minimale d'un bail sera-t-elle supprimée (3 ans actuellement)? Quand la durée du préavis pour départ du locataire sera-t-elle supprimée aussi? Pourquoi ne pas laisser les contrats régler ces problèmes parfaitement compréhensibles par le commun des mortels? 
  
          À tout cela nous n'avons aucune réponse. Tout ce que l'on peut imaginer pour l'instant, ce sont de nouvelles lois, de nouvelles calamités car « l'objectif n'est pas atteint » selon la secrétaire d'État au logement: il n'y a pas eu assez d'expropriations pour loger tout le monde. 
  
  
Articles précédents d'Hervé Duray
 
 
<< retour au sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO