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Montréal, 30 mars 2002 / No 101 |
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par
Christian Michel
Le libéralisme n'a rien à dire sur la question de Dieu. Ses premiers penseurs, de John Locke aux philosophes des Lumières, ont clairement posé le principe fondateur de la séparation du pouvoir politique et des autorités religieuses. Une frange de libéraux cependant, sous l'étendard de feue Ayn Rand, nous assènent péremptoirement l'irrationalité de toute croyance religieuse et donc l'incohérence pour un libéral de s'y adonner. |
Paradoxalement, si l'indifférence religieuse est une position
conséquente, l'athéisme militant de Rand (et de bien d'autres)
est indéfendable en raison. En effet, pour prononcer un jugement,
les critères de la connaissance rationnelle nous font injonction
d'avoir au moins étudié le sujet. Chaque sujet requiert sa
méthode propre d'apprentissage. Dans le cas de Dieu, il passe par
des pratiques et des exercices spirituels codifiés par diverses
églises. Ceux qui témoignent de l'existence de Dieu ont suivi
cette voie et ceux qui prétendent réfuter leur témoignage
sans vérifier leur expérience sont aussi crédibles
que ceux qui nieraient la présence de trous noirs dans l'univers
mais n'auraient jamais fait un calcul d'astrophysique.
J'ai écrit ce papier il y a longtemps. Il ne me semble pas inutile de le ressortir alors que le débat religieux revient à la première page des gazettes. Dieu est objet de connaissance. On peut s'en moquer, comme de tout, mais si on veut en parler sérieusement, il faut le faire avec les outils du discours sérieux, ceux de la science. Les chrétiens y ont renoncé. Eux qui devraient être les premiers à enseigner la connaissance de Dieu nous répondent piteusement que c'est une affaire À condition, bien sûr, que l'enquête m'intéresse. Beaucoup d'objets de connaissance me laissent complètement indifférent. Je ne ferai pas le moindre effort pour apprendre la physique, la chimie, les langues africaines, la vie des bêtes, l'emplacement des galions disparus ou la géologie. C'est mon choix personnel. D'autres sujets me tentent bien – le latin, le russe, la biologie, l'histoire –, mais ce n'est pas à ceux-là que j'ai décidé de consacrer mon temps rationné. Nous fonctionnons tous ainsi. Nous acquérons quelques savoirs, plus ou moins facilement, et pour les autres nous faisons confiance aux experts. Cette confiance est bien placée, elle n'est pas Chaque science a sa méthode et, dans son élaboration, développe ses outils propres. Le géographe n'apprendra pas grand-chose de son sujet en se munissant de bistouris, ni le chirurgien qui s'équiperait d'un télescope. Même si les scientifiques gagnent souvent à la transdisciplinarité, il n'en reste pas moins qu'une science se définit plus par les méthodes qu'elle emploie que par les sujets qu'elle aborde. Toute science passe donc par l'apprentissage d'une méthode. Long, fastidieux, il n'est pas à la portée de tout le monde, mais nous considérons que les acquis de cette science sont certains si suffisamment de gens passés par l'apprentissage nous les confirment. Car alors, nous pouvons être assurés que nous aussi, si nous en avions l'envie, le temps et la capacité intellectuelle, nous pourrions refaire les expériences et vérifier les résultats.
Dieu est un objet de connaissance comme tous les autres. Cette connaissance, comme toutes les autres, passe par un apprentissage. De même que certains ont la Qu'on ne soit pas intéressé par le sujet de Dieu, c'est un droit. Qu'on soit intéressé, mais pas suffisamment pour investir le temps et l'effort nécessaires à le connaître, c'est un choix. Ce qui n'est pas rationnel en revanche, et absolument pas scientifique, est de refuser d'apprendre et puis de se prononcer sur la validité des connaissances: Ceux qui peuvent parler sérieusement de Dieu ne sont pas ceux qui ont Ou peut-être pas. Dans une très jolie nouvelle, Somerset Maugham raconte l'histoire d'un jeune homme riche qui quitte sa famille, renonce à une carrière toute tracée dans la banque ou la politique, pour devenir pianiste. Des années durant, il fait les gestes. Il suit l'enseignement des meilleurs conservatoires. Mais une grande artiste un jour lui dit la vérité. Il sera un bon pianiste, il aura du plaisir à jouer pour lui-même et des amis, mais il ne sera jamais un artiste. Se peut-il que Dieu, comme Euterpe, ne soit pas au rendez-vous? Beaucoup de scientifiques ne trouveront pas ce qu'ils cherchent. Ou trouveront autre chose. Mais est-ce à conclure que leurs travaux n'étaient pas rationnels? Toute entreprise humaine qui ne ferait pas appel à la raison est irrecevable. L'idée de Dieu le serait si elle n'était qu'affaire de
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